Cérémonies du 23 mai : la mémoire des victimes de l'esclavage honorée à travers l'Hexagone

Emanuel Gordien et Olivier Serva devant la stèle en hommage à Louis Delgrès au Blanc Mesniel

Des villes de banlieue parisienne jusqu'à Marseille, plusieurs hommages ont lieu en cette journée nationale en mémoire des victimes de l'esclavage. Dans le calendrier mémoriel, la date populaire du 23 mai complète la cérémonie du 10 mai qui se déroule habituellement en présence du chef de l'État.

10h ce samedi matin à deux pas de l'hôtel de ville du Blanc-Mesnil. La commune de Seine-Saint-Denis est l'une des premières à lancer les commémorations du 23 mai. Devant la statue de Louis Delgrès, héros du combat pour l'abolition de l'esclavage, des élus municipaux et de la Région Île-de-France, le président du Comité Marche 98 Emmanuel Gordien ou encore l'historien Frédéric Régent. 13 jours après la cérémonie qui commémore les abolitions, le 10 mai, ils sont venus rendre hommage aux "hommes et femmes victimes de l'esclavage".  

Il est essentiel que, ce jour-là, la nation tout entière puisse s'incliner devant la mémoire de ces victimes de l'esclavage colonial.

Emmanuel Gordien, président du CM98


Au micro, les mains posées sur un pupitre, Emmanuel Gordien rappelle l'importance du travail de mémoire mené par son association, le CM98, notamment au travers d'ateliers de généalogie : "Ce travail-là, il permet d'apaiser." "Ce travail de mémoire est essentiel. Il est aussi essentiel que l'État, que le gouvernement, que la Fondation pour la mémoire de l'esclavage en prennent conscience."

 

Hiérarchie des dates

Par ces mots, le virologue de profession fait référence à la cérémonie du 10 mai, qui se tient traditionnellement au jardin du Luxembourg en plein cœur de Paris, et qui lui a laissé, cette année, un goût amer. Comme beaucoup de descendants d'esclaves, le Guadeloupéen n'a pas compris le silence du président de la République, contrairement aux présidents qui l'ont précédé depuis 2006, date de la première commémoration. Une incompréhension d'autant plus grande que ce 10 mai 2021 marquait les 20 ans de la loi Taubira qui a officiellement fait de l'esclavage un crime contre l'humanité.

"Depuis le début, on a bien vu qu'ils ont instauré une hiérarchie des dates, explique Emmanuel Gordien. À savoir que le 10 mai serait la date noble parce qu'on y parle de l'abolition de l'esclavage, donc de l'œuvre abolitionniste de la République, et que le 23 mai, parce que l'on parle des esclaves, serait moins intéressant (…) On ne parle plus seulement du bienfait de la République qui a aboli l'esclavage mais on parle aussi du martyre des victimes. Je crois que c'est essentiel."

Dans un crime contre l'humanité, c'est d'abord l'hommage aux victimes qui est important.

Emmanuel Gordien, président du CM98

 

 

L'ignorance, un problème "gravissime"

Pour apaiser la mémoire de l'esclavage, Emmanuel Gordien juge les commémorations du 23 mai "indispensables" pour compléter la cérémonie du 10 mai, "tout aussi importante" mais qui se concentre sur l'abolition. Le fondateur de l'association CM98, Serge Romana, insiste sur le manque de connaissances de la France sur cette page de son histoire, "l'un des problèmes les plus gravissimes qu'il y a dans notre société".

Nous parlons d'esclavage de façon générale, nous parlons d'esclavage avec des coups de fouet, nous parlons d'esclavage avec des chaînes, mais souvent nous ne parlons pas d'esclavage avec nos cœurs parce que nous avons oublié, parce qu'il n'a pas été transmis.

Serge Romana, fondateur du CM98


Creil, Grigny, Saint-Denis, Sarcelle, Garge-lès-Gonesse, Villeneuve-Saint-George... Plusieurs autres cérémonies d'hommage ont eu lieu en Île-de-France, à l'initiative du CM98, notamment. D'autres se sont tenues en province, au même moment.