A Cheval entre la Martinique et le Jura

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C’est le plus ancien centre équestre de Martinique. Créé par un Jurassien en 1974, le Ranch Jack est désormais une institution sur l’Île aux fleurs. Mais depuis 10 ans, il y a aussi un autre Ranch Jack dans un petit village du Jura. Il a été fondé par la fille du fameux "Jack". 
"Depuis toute petite, je suis amoureuse de cette région", assure Corinne Guinchard. "Je me sens chez moi ici et je ne me verrais pas vivre ailleurs". Sous un beau soleil d’hiver, la jeune Martiniquaise s’offre un long galop au milieu des champs, au pied du massif jurassien. Voilà dix ans maintenant qu’elle a posé ses bagages au Moutoux, ce petit hameau de 60 habitants près de Champagnole, où elle tient fermement les rênes de son propre centre équestre.

"J’ai commencé avec un seul cheval", se souvient-elle. "J’organisais de petites randonnées en suivant à pied en sous-bois, puis j’ai trouvé cette vieille ferme abandonnée et je l’ai transformée". Elle n’avait que 24 ans à l’époque mais une volonté à toute épreuve pour sauter tous les obstacles. "Et quand il a fallu trouver un nom pour mon club,  je n’ai même pas cherché, c’était une évidence : le Ranch Jack, comme celui de mon père en Martinique."

Une histoire de famille

Car c’est bien une histoire de famille qui s’écrit des deux côtés de l’Atlantique. Une aventure qui a débuté en fait en 1974 aux Trois-Îlets quand un Jurassien, le fameux "Jack" a fondé la première école d’équitation de Martinique. Jacques Guinchard était venu vendre des chevaux à un ami. L’ami en question finira par repartir mais pas lui. Tombé sous le charme de l’Île aux fleurs, il commence lui aussi par emmener les touristes en balade à cheval dans la forêt tropicale, puis il monte de toutes pièces son club. C’est aujourd’hui le plus ancien de l’île.

Le Franc-Comtois s’emploie à développer le tourisme vert pour faire découvrir aux cavaliers le patrimoine botanique, panoramique et traditionnel de la Martinique. Chez lui, depuis le début, les chevaux vivent en liberté dans les savanes et jouissent d’un mode de vie proche de l’état naturel. Jack est également devenu un ardent défenseur du cheval créole. Le "Créole" est un petit cheval que l’on trouve en Martinique et dans le bassin caribéen ainsi qu’en Amérique du Sud et Centrale. Ces chevaux sont les descendants directs des chevaux espagnols importés par les colons lors de la conquête du Nouveau Monde au 16ème siècle. Leurs ancêtres sont principalement des chevaux de race Barbe, Andalou et Arabe.

Naturellement, c’est lui qui a mis le pied à l’étrier à sa fille aînée. Et le père de montrer avec fierté une vieille photo de l’album familial. On y voit un bébé sur la croupe d’un cheval. "C’est Corinne, elle n’a que 17 jours, sur la plage de l’Anse à l'âne !". Cavalière émérite, Corinne a logiquement décroché son diplôme de monitrice d’équitation. L’histoire aurait pu en rester là. C’était sans compter Corinne et cette idée qui lui trotte depuis toujours dans la tête, depuis son enfance et ses vacances jurassiennes. En 2006, elle s’envole pour la Franche-Comté et se lance à son tour.

Chevaux en liberté

Depuis, la famille s’est considérablement agrandie. Une trentaine de chevaux en Martinique et 46 dans le ranch jurassien. Corinne en possède 25 à elle-seule. Elle héberge des chevaux de propriétaires. Sur l’écusson de son club, un sapin a remplacé le palmier mais la philosophie est toujours la même. "Pas question de laisser les chevaux dans leurs boxes toute la journée !" avertit Corinne. "Les chevaux ont besoin de vivre en troupeau et d’avoir de l’espace." Chaque mercredi et chaque samedi, Corinne fait donc la leçon aux enfants et leur enseigne le respect de leur monture.

La Martiniquaise a beaucoup investi financièrement dans son centre et elle peine encore à se sortir un salaire. Mais le rêve n’a pas de prix, dit-elle.  Et ce n’est pas Jack qui dira le contraire… "Il m’a tout de suite dit que c’était une bonne idée. Et puis, quelques temps plus tard, mon père m’a avoué que c’était aussi son rêve, créer un deuxième Ranch Jack dans son village, donc j’ai réalisé nos deux rêves en quelque sorte ! "

En juin dernier, le ranch jurassien a fêté ses 10 ans. Un anniversaire auquel Corinne a voulu absolument donner un accent créole. "J’avais envie de raconter toute l’histoire du Ranch Jack aux cavaliers du club", explique Corinne, "et parler de ma Martinique". Et l’histoire ne s’arrêtera pas là, promet-elle, puisque Corinne rêve maintenant d’emmener ses cavaliers à la découverte de son île natale.