Une belle quadragénaire et un jeune Guadeloupéen s'aiment dans le quartier parisien de Belleville en 1963. Différence d'âge et couleurs de peau y suscitent bien des réactions hostiles, notamment chez les enfants... L'audacieux et longtemps ignoré "Rue des cascades" ressort en salles, restauré.
Hélène tient une épicerie-café sur les hauteurs de Belleville, et élève seule son fils Alain. Quand le petit garçon voit débarquer Vincent, l'amant de sa mère, il le voit comme un ennemi : d'abord il capte toute l'attention de sa maman, transie d'amour pour cet Antillais de 20 ans son cadet, et ensuite... il est noir, ce qui suscite la raillerie de ses camarades du quartier. Jusqu'à ce que Vincent fasse la conquête du petit garçon à force de gentillesse, d'histoires inventées et de clowneries.
Le témoignage d'une époque
Le premier intérêt de ce film oublié depuis un demi siècle, c'est son aspect documentaire : on y découvre le Belleville d'avant le béton, avec ses entrelacs de ruelles et de cours, ses taudis et ses terrains vagues, tout un quartier populaire qui domine le Paris haussmannien et duquel Vincent et Alain vont parfois descendre pour une escapade sur les Grands Boulevards. On y croise une population gouailleuse, pauvre mais solidaire, un vrai village, avec aussi ses bassesses contre les femmes qui assument leurs désirs, ou contre les noirs: car c'est aussi le témoin d'un époque où le mot "nègre" était employé sans vergogne et à tout bout de champ.
En tête d'affiche, Madeleine Robinson (1917-2004), fille d'immigrés tchèques, magnifique interprète de "Lumière d'été" (1943) de Jean Grémillon, remarquable quarante ans plus tard dans "J'ai épousé une ombre" (1982) de Robin Davis. Et Serge Nubret (1938-2011), originaire d'Anse-Bertrand en Guadeloupe, qui a surtout connu une belle carrière de culturiste : en compétition face à Arnold Schwarzenneger pour le titre de Mr Olympia en 1975, il remportera l'année suivant le titre de Mr Univers, avant de fonder la Wabba (World Amateur Body Building). Il est apparu dans une vingtaine de films, dont "César et Rosalie" (1972) de Claude Sautet et "Le Professionnel" (1981) de Georges Lautner aux côtés de Jean-Paul Belmondo.
Mal distribué (le film sera déprogrammé des salles de cinéma pour de sombres histoires de quotas de films américains), sorti en 1964 sous le titre "Un gosse de la butte", c'est un échec. Le scénario n'y est sans doute pas étranger : une femme de quarante ans qui sort avec un jeune Antillais vingt ans plus jeune qu'elle, ça ne passait pas dans la France de l'époque.
Ce sont Les celluloids angels, qui avaient déjà dépoussiéré et magnifié le noir et blanc (et le son) des "Tontons Flingueurs" (1963), qui ont restauré "Rue des cascades" (en 4K, la dernière technologie numérique, après réparation et nettoyage manuels des négatifs).
* BALADES DANS BELLEVILLE
par Patrick Bezzolato (architecte & urbaniste) :
retour sur les lieux de tournage et évolution du quartier
• sam. 22 sept.
Rendez-vous à 14 h 30 - départ à 14 h 40.
Lieu de rendez-vous : Métro Jourdain, devant l'église St Jean Baptiste de Belleville
Arrivée : Rue Georges Lardennois sur la Butte Bergeyre, près du métro Colonel Fabien.
Durée : 2 h 30
Gratuit sur inscription au 06-60-80-13-67 ou ouamo6@gmail.com
Sous réserve de places disponibles.