Vendredi 26 janvier, avant 18 heures à Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne), le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé la mise en place de "mesures immédiates" afin d’apaiser les tensions qui se sont étendues dans la France entière.
Alors que le monde agricole fait pression sur le gouvernement depuis plus d'une semaine, la prise de parole du Premier ministre était plus qu'attendue. Avec en ligne de mire la détaxe du carburant, une simplification administrative ou encore une meilleure rémunération, les agriculteurs français se sont unis et ont réussi à faire plier le gouvernement sur un point non négligeable : la simplification administrative.
Car cette crise du monde agricole a mis en lumière des taux records de précarité, la hausse du nombre de suicides ou encore la surcharge administrative liée à la profession d'agriculteur.
Autant de situations que Mickael Coli Jun Ong et de Fara Swartvagher, deux agriculteurs nés dans les Outre-mer connaissent bien. Ils soutiennent aujourd’hui " à 100 % " les initiatives prises à travers le pays.
Un "effort inédit" pour le gouvernement
Le Premier ministre Gabriel Attal a pris la parole aux alentours de 18 h ce vendredi. Il a profité de son déplacement à Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne) pour calmer les tensions en France.
Vous avez voulu envoyer un message. Je suis venu vous dire que le message, on l'a reçu cinq sur cinq, que je vous ai entendus. (...) On a décidé de mettre l'agriculture au-dessus de tout. (...) C'est un effort inédit.
Gabriel Attal - Premier ministre
En mettant en place "dix mesures de simplification", Gabriel Attal entend répondre aux problématiques agricoles "immédiatement" et ce, dès ce matin par décret dont "la simplification des curages des cours d'eau agricole" ou "la réduction des délais de contentieux des projets relatifs à la gestion de l'eau".
De plus, Le Premier ministre a annoncé qu'il souhaitait accélérer les indemnisations sanitaires et climatiques. Il ajoute vouloir mettre l'accent sur les aides d'urgence allouées.
Enfin, un "arrêt de la hausse" de la taxe du carburant GNR a également été annoncé. Reste à voir si ces annonces seront suffisantes pour calmer la colère des agriculteurs, furieux depuis plus d'une semaine.
Retour sur une semaine chargée
Blocages d'autoroutes, manifestations, barrages filtrants, convois vers les administrations… le mouvement social continue de s'étendre à travers la France depuis la gronde des agriculteurs occitans sur l'A64 le 18 janvier, malgré les annonces de Gabriel Attal.
Mettant également en lumière des taux de précarité records, la hausse du nombre de suicides ou encore la surcharge administrative liée à la profession d'agriculteur, l'ensemble des secteurs agricoles sont vent debout. C'est le cas de Mickael Coli Jun Ong et de Fara Swartvagher, deux agriculteurs nés dans les Outre-mer qui soutiennent " à 100 % " les initiatives à travers le pays.
" Lorsque j’entends les témoignages, je ressens ce que j'ai vécu"
Tous deux ont eu un parcours différent. Ils n'appartiennent pas au même secteur agricole et ne travaillent pas dans la même région. Pourtant, leurs douleurs sont semblables et leurs inquiétudes palpables. Car depuis vingt ans, les deux hommes se consacrent entièrement à leur " passion ", l'agriculture.
Mickael Coli Jun Ong fait partie de ceux qui ont tout perdu. D'abord à la tête d'une exploitation cannière et d'élevage de vaches à La Réunion, puis aux commandes d'une ferme de 70 vaches et de 200 brebis dans le Limousin, ce " fou d'agriculture", comme il se caractérise lui-même, ne s'attendait pas à ces deux liquidations successives, qui lui ont coûté sa vie de famille.
Aujourd'hui employé dans une importante ferme dans la Marne, le producteur réunionnais sait, tout comme le viticulteur polynésien Fara Swartvagher, à quel point les contraintes administratives liées aux évolutions sanitaires ou aux normes européennes sont considérables au quotidien.
Aujourd’hui, je ne passe plus qu’un quart de mon temps à la vigne. Je me demande quel vigneron je suis devenu. Les démarches administratives nécessitent un temps de fou.
Fara Swartvagher – vigneron polynésien à la tête d'une exploitation en Occitanie
Une overdose de démarches donc, pour bon nombre d'agriculteurs, qui ne se savent plus comment sortir la tête de l'eau. Mickael Coli Jun Ong, qui dit s'être retiré " au bon moment" de la gestion d'exploitation, a fait le choix de tout arrêté en 2021, " administrativement, c'était trop compliqué" dit-il. Il ajoute qu' "avec ces problèmes, soit je continuais à m'endetter, soit je liquidais".
Lorsque j’entends les témoignages des agriculteurs, je ressens ce que j’ai vécu. J’ai la haine. On est écouté qu’à moitié.
Mickael Coli Jun Ong - agriculteur réunionnais installé dans la Marne
De son côté, Fara Swartvagher a décidé d'embaucher pour gérer le flux administratif : " Au début, il y avait deux employés pour les vignes et un au bureau. Aujourd'hui, c'est l'inverse, deux sont à temps plein aux bureaux et un à la vigne". Une problématique qu'il ne s'attendait pas à gérer au début de sa carrière.
" Quand mon collègue s'est suicidé, j'ai dit stop. J'ai pensé à mes enfants."
Désormais, les deux agriculteurs encouragent à davantage d'action. Sinon, ils craignent que la profession soit définitivement ancrée dans une "précarité sans retour face à la concurrence européenne".
Plus encore, ils dénoncent les conditions de vie auxquelles sont souvent confrontés les professionnels agricoles : isolation, dépression, divorces ou encore suicides. Des situations auxquelles le producteur réunionnais a été confronté lorsqu'il était à la tête de sa propre exploitation.
Lorsque je me suis installé en Métropole, je n'avais aucun voisin à moins d'un kilomètre. Je travaillais comme un malade. J'ai eu des complications familiales et me suis retrouvé seul. Quand on vient d’une autre région, ce n’est pas facile de s’installer. On n'a pas la même façon de voir les choses.
Mickael Coli Jun Ong - agriculteur réunionnais dans la Marne
Et malgré sa passion pour l'agriculture, Mickael Coli Jun Ong a brutalement décidé de tout stopper et de devenir ouvrier dans une autre exploitation. La raison ? La mort de l'un de ses collègues. Un coup de massue pour le Réunionnais, qui a déménagé dans la Marne pour rejoindre de la famille.
Quand mon collègue s’est suicidé, j’ai dit stop. J’ai pensé à mes enfants. Ça s’est passé après son divorce. Et à partir du moment où ça m’est aussi passé par la tête, j’ai décidé de tout arrêté.
Mickael Coli Jun Ong - agriculteur réunionnais dans la Marne
Pour son homologue polynésien, c'est un "ras-le-bol global auquel nous sommes en train d'assister".