Dans certaines parties de la Colombie, des communautés noires célèbrent Noël en février. Une tradition issue de l'époque de l'esclavagisme et un symbole de résistance. Reportage.
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Mirna Rodriguez prend grand soin de l'enfant Jésus au teint sombre qui lui a été confié. Ce poupon, richement vêtu, est au coeur des célébrations organisées chaque troisième samedi de février dans le village de Quinamayo (sud-ouest).
Au temps de l'esclavage, les Blancs de Colombie interdisaient aux Noirs des haciendas de célébrer Noël en même temps qu'eux le 24 décembre, racontent leurs descendants. La fête déplacée s'est convertie au XIXe siècle en une tradition des communautés noires, qui combine musique, feux d'artifice, théâtre et costumes, autour d'un imaginaire religieux : l'enfant Jésus a disparu.
"Les enfants participent dès qu'ils sont tout petits. Les anges, les soldats, les parrains, les marraines sont tous des enfants. Et pour cela, je pense que la tradition ne disparaîtra jamais", a déclaré à l'AFP Mme Rodriguez, 55 ans. Cette année, des pluies torrentielles ont obligé à reporter la fête du samedi au dimanche dans ce village de quelque 5.000 habitants du département du Valle del Cauca.
La communauté noire de Quinamayo et d'autres départements du Cauca et du Valle del Cauca qui célèbrent les Adorations se sont formées à la périphérie des anciennes haciendas, après l'abolition de l'esclavage en 1852. Comme dans toutes les régions de Colombie au passé esclavagiste, la pauvreté et l'exclusion ont laissé des traces dans ces départements de la côte Pacifique.
"Pour certaines communautés noires, (les Adorations) sont de plus en plus devenues un élément de résistance", souligne Manuel Sevilla, anthropologue de l'Université Javeriana de Cali. Les habitants racontent aussi que leurs ancêtres ne célébraient Noël qu'en février parce que leur paye pour les récoltes ne leur était pas versée avant.
Mais elle est très présente au "festival de musique du Pacifique Petronio Alvarez" et plaît aux jeunes, ce qui pourrait contribuer à réaliser le rêve de doña Mirna que les Adorations ne meurent jamais. "Ce ne sont pas seulement une célébration spirituelle, mais une sorte d'étendard culturel, qui prend de plus en plus de force", souligne le Pr. Sevilla.
Au temps de l'esclavage, les Blancs de Colombie interdisaient aux Noirs des haciendas de célébrer Noël en même temps qu'eux le 24 décembre, racontent leurs descendants. La fête déplacée s'est convertie au XIXe siècle en une tradition des communautés noires, qui combine musique, feux d'artifice, théâtre et costumes, autour d'un imaginaire religieux : l'enfant Jésus a disparu.
Jour des Adorations
Doña Mirna a "une très grande responsabilité", héritée de sa mère il y a huit ans : conserver la statuette en parfait état pour le grand jour des Adorations de l'enfant Jésus. Le reste de l'année, emballé dans plusieurs sacs, il repose sur le haut de son armoire. Le jour J, tout le village sort en procession dans les rues et passe de maison en maison à la recherche de l'enfant Jésus. Lorsque les habitants l'ont retrouvé, ils l'escortent jusqu'à la crèche, chaque arrêt ponctué par des récitations de louanges, en chantant et dansant, tout au long de la nuit."Les enfants participent dès qu'ils sont tout petits. Les anges, les soldats, les parrains, les marraines sont tous des enfants. Et pour cela, je pense que la tradition ne disparaîtra jamais", a déclaré à l'AFP Mme Rodriguez, 55 ans. Cette année, des pluies torrentielles ont obligé à reporter la fête du samedi au dimanche dans ce village de quelque 5.000 habitants du département du Valle del Cauca.
Pauvreté et exclusion
Pour Balmores Viafara, un professeur de 53 ans, le 24 décembre est "un jour comme les autres", alors que les Adorations, organisées dans ce village depuis 1880, sont "une fête" que "nous les Noirs, nous célébrons en adorant notre Dieu, à notre manière". C'est une fête "de résistance", ajoute-t-il. La procession se fait aux rythmes remontant eux aussi à l'esclavage, rapportés d'Afrique à l'époque de la colonie espagnole. Parmi eux, la "fuite", qui se danse "les pieds attachés" et rappelle "les chaînes qui entravaient leurs pieds et limitaient leurs pas", explique le chorégraphe Olmes Larrahondo, 25 ans.La communauté noire de Quinamayo et d'autres départements du Cauca et du Valle del Cauca qui célèbrent les Adorations se sont formées à la périphérie des anciennes haciendas, après l'abolition de l'esclavage en 1852. Comme dans toutes les régions de Colombie au passé esclavagiste, la pauvreté et l'exclusion ont laissé des traces dans ces départements de la côte Pacifique.
Les Noirs forment 20% de la population
Les Noirs -- environ 20% de la population selon la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (Cepal) -- ont particulièrement souffert du conflit armé qui mine ce pays depuis plus d'un demi-siècle. Depuis les années 1960, lorsque Cuba a cessé d'être le principal fournisseur de sucre des Etats-Unis après sa révolution, de grandes plantations de canne ont surgi en Colombie, et avec elles les conflits terriens entre Noirs, indigènes et groupes agro-industriels."Pour certaines communautés noires, (les Adorations) sont de plus en plus devenues un élément de résistance", souligne Manuel Sevilla, anthropologue de l'Université Javeriana de Cali. Les habitants racontent aussi que leurs ancêtres ne célébraient Noël qu'en février parce que leur paye pour les récoltes ne leur était pas versée avant.
Croyances catholiques et rituels venus d'Afrique
Chaque explication "a une part de vérité", affirme M. Sevilla, ajoutant que les Adorations "combinent les croyances catholiques, fruit de l'évangélisation, avec les rituels venus d'Afrique". La musique varie selon les moyens, de tambours et chants a capella à des formations de violonistes ou d'instruments à vent.Mais elle est très présente au "festival de musique du Pacifique Petronio Alvarez" et plaît aux jeunes, ce qui pourrait contribuer à réaliser le rêve de doña Mirna que les Adorations ne meurent jamais. "Ce ne sont pas seulement une célébration spirituelle, mais une sorte d'étendard culturel, qui prend de plus en plus de force", souligne le Pr. Sevilla.