Abolition de l’esclavage : l'absence d'Emmanuel Macron remet-elle en cause le symbole du 10 mai ?

En 2018, c'est le Premier ministre Edouard Philippe qui a présidé les cérémonies du 10 mai.
La France a célébré ce jeudi 10 mai la journée nationale de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions. La cérémonie s'est déroulée au jardin du Luxembourg à Paris, en l'absence du président de la République, officiellement retenu en Allemagne. Une absence parfois incomprise.
Le président de la République était absent de la cérémonie organisée au jardin du Luxembourg à Paris. Il était retenu à Aix-La-Chapelle, en Allemagne, pour recevoir le prix Charlemagne. Pour cette raison, c'est le 27 avril dernier, au Panthéon, que le chef de l'Etat avait choisi de commémorer l'abolition de l'esclavage.

Instaurée en 2006, sous Jacques Chirac, maintenue par ses successeurs Nicolas Sarkozy et François Hollande, le choix du 10 mai pour commémorer l’esclavage, la traite et leurs abolitions suscite aujourd'hui encore des débats.

Emmanuel Macron et le 27 avril

L'ancienne Garde des Sceaux, Christiane Taubira, est restée perplexe, ce jeudi matin, devant l'absence du président de la République. "On a lieu de s'interroger sur la présence du président de la république au Panthéon pour honorer, à juste titre, la mémoire des grands abolitionnistes français, explique Christiane Taubira, regrettant ce choix. "Il ne s'agit pas de montrer que la seule face lumineuse de cette histoire serait ces décrets d'abolition. Non, c'est une histoire de résistance, de combativité, de créativité et riche d'enseignement."

Car en ce jour de commémoration, la question de la date s'est posée jusque dans les allées du jardin du Luxembourg. Une question évacuée par Edouard Philippe dès le début de son discours. "Le 27 avril pour Mayotte, le 22 mai pour la Martinique, le 27 mai pour la Guadeloupe, le 10 juin pour la Guyane et le 20 décembre pour la Réunion, liste le Premier ministre derrière son pupitre. Les départements d'Outre-mer nous ont ouvert ce chemin de mémoire."

Le 10 mai​, la date controversée

Dans cet "archipel de dates" qui commémorent l'esclavage, celle du 10 mai correspond au vote en 2001 par le Parlement de la loi reconnaissant la traite et l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, la "loi Taubira". 

Parmi les personnalités présentes, toutes triées sur le volet, des ministres, des élus de tous bords, des historiens, des présidents d’associations. Certains regrettent, aujourd'hui encore, que cette journée du 10 mai ne soit pas plus populaire. Les grilles du Luxembourg sont fermées, le jardin n'est pas accessible au public ce jeudi matin.

"On ne retrouve pas le 10 mai dans les quartiers, dans les cités de France, regrette le député réunionnais Jean-Hughes Ratenon qui milite pour un jour férié qui permettraient à tous les Français de commémorer l'abolition de l'esclavage. 

Le 23 mai, l'autre date nationale

Pour Serge Romana, présent, lui aussi, au jardin du Luxembourg, le 10 mai doit être vu comme un complément utile au 23 mai, date d'une grande marche qui s'est déroulée à Paris en 1998 en hommage aux victimes de l’esclavage colonial. L'ancien président du "Comité Marche 98" se félicite que le Premier ministre y fasse désormais référence comme à une "date nationale". 
Serge Romana se satisfait qu’il existe à la fois une date pour l’abolition (10 mai) et une date pour la mémoire des victimes (23 mai). Et il lance un appel au président de la République pour qu'il commémore ces deux événements l'an prochain. 

Un mois entier de commémorations

Face aux débats qui entourent le 10 mai et face aux nombreuses dates de commémoration qui jalonnent le mois de mai dans l’hexagone et en Outre-mer, l'ancienne ministre des Outre-mer George Pau-Langevin aimerait la mise en place d'un mois entier de commémoration de l’esclavage. 

Une idée partagée par Christiane Taubira qui l'évoquait dès 2010. C'est, pour l'ancienne garde des sceaux, le moyen d'éviter des "débats stériles" autour de la date de commémoration.
Deux cérémonies sans président par le passé
Ce n'est pas la première fois qu'un président de la République n'assiste pas à la journée nationale des mémoires, de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions. En 2009 et en 2010, Nicolas Sakozy n'était pas présent aux cérémonies.

En 2009, la commémoration nationale a été délocalisée à Bordeaux. C'est Alain Juppé, maire de la ville, qui a prononcé le discours. Retour au jardin du Luxembourg en 2010, mais Nicolas Sarkozy, de nouveau absent, est remplacé par son ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux.