L’association Sciences Ô a organisé ce lundi 22 octobre 2018 une conférence sur l’après-référendum en Nouvelle-Calédonie à Sciences Po à Paris. Tous les orateurs se sont accordés à dire que, quelque soit le résultat du référendum, l’après sera "compliqué".
"Compliqué", ce mot résume à lui tout seul la conférence organisée à Sciences Po Paris sur la Nouvelle-Calédonie. Cinq orateurs chapotés par deux élèves calédoniens de la rue des Saints-Pères ont pris alternativement la parole pour raconter l’histoire du caillou depuis son origine.
Selon Alain Chrisnacht, "Il y a de la part des Kanak une inquiétude un peu sourde qu’une nouvelle immigration les ramène à 20 ou 10% de la population, comme les Maoris en Nouvelle-Zélande ou les Aborigènes, en Australie".
Les médiateurs du Pacifique
Jean-François Merle a évoqué ces 80 morts entre 1981 et 1988 qui auraient pu faire basculer "la guerre coloniale" en "guerre civile". "Les gens ne se parlaient plus", rappelle l’ancien conseiller de Michel Rocard. Il aura fallu qu’une délégation que l’on appellera "Les Médiateurs du Pacifique" parvienne à renouer les fils du dialogue. Ce travail de fourmi aboutira à la signature des accords de Matignon en 1988.Préalable minier et citoyenneté
Mais ces accords si essentiels soient-ils n’ont fait que "reporter le problème de 10 ans" ajoute Alain Christnacht. Il fallait "trouver un autre accord". "Le FLNKS pose un préalable minier, le gouvernement est d’accord, raconte l’ancien Haut-commissaire de la Nouvelle-Calédonie, puis se pose "la question de la citoyenneté".Sa propre solution
Selon Alain Chrisnacht, la Nouvelle-Calédonie a trouvé sa propre solution : "il faut avoir vécu au moins 10 ans sur le caillou et être présent depuis 1998 pour pouvoir voter au référendum". "Il n’y a que dans le Tyrol italien (le Haut Adige) qu’une telle mesure existe, précise-t-il, il faut cinq ans de présence pour pouvoir voter".Accord de Nouméa
Grâce à l'accord de Nouméa signé en 1998, la tenue d’un référendum 20 ans plus tard (2018) est actée. "Jacques Lafleur souhaitait un délai de 30 ans, les indépendantistes voulait qu’il ait lieu dans 10 ans", raconte l’ancien haut-commissaire. L’Etat a coupé "la poire en deux ".Changement en Nouvelle-Calédonie
Pendant ce temps, la Nouvelle-Calédonie change. Wallès Kotra, directeur général du pôle Outre-mer de France Télévisions souligne que pendant cette période, "des villes comme Nouméa, Dumbéa et Koné émergent". "La musique, la littérature, le théâtre" prennent de l’essor. Le centre Tjibaou et la politique des 400 cadres participent à ce changement.Dix heures pour écrire une question
En 2018, étape finale : le dernier comité des signataires parvient à rédiger la question du référendum. Le député Philippe Dunoyer, s’en souvient comme si c’était hier. "Il aura fallu dix heures de discussion sous l’œil du Premier ministre pour écrire une question. Les indépendantistes ne voulaient pas du mot "indépendance", les non-indépendantistes en voulaient", s’amuse aujourd’hui le député.L'identité kanak
Pour Luther Voudjo, ancien professeur d ‘histoire-géo à Koné : "le fait qu’il y ait trois référendums permet au débat de se poursuivre". Aujourd’hui en poste au rectorat à Paris, Luther Voudjo déplore que "l’identité kanak" ne soit pas mieux représentée au sein des institutions calédoniennes. "Pourquoi pas une constitution fondée sur la coutume ?" se demande-t-il.Frustration
"Il faut que les revendications apparues il y a 40 ans soient satisfaites", ajoute le professeur. "Pour ma part, il y a une forme de frustration dans le débat aujourd’hui", insiste-t-il.Conférence à @sciencespo à Paris sur le #Référendum du #4novembre en #NouvelleCaledonie : pour Luther Voudjo, ex-professeur d’histoire à Koné, « il faut faire preuve de créativité pour que l’identité kanak soit présente dans les institutions ». @SciencesO pic.twitter.com/G9QtB7Qn23
— La1ere.fr (@la1ere) 22 octobre 2018
Inquiétude un peu sourde
Selon Alain Chrisnacht, "Il y a de la part des Kanak une inquiétude un peu sourde qu’une nouvelle immigration les ramène à 20 ou 10% de la population, comme les Maoris en Nouvelle-Zélande ou les Aborigènes, en Australie".Un autre terrain
Wallès Kotra se place sur un autre terrain : "on n’arrive pas à assumer notre "nous", dit-il. "Dans ce pays-là qui est complexe, qui est dur, c’est tout l’enjeu, déclare-t-il. "Il faut passer par un consensus qui nous grandit tous dans ce fameux "nous" qui reste à trouver".L'après-référendum
L’après-référendum, cette question taraude tous les esprits et en particulier celui d’Alain Chrisnacht. Voici son analyse au micro de Thierry Belmont : "Il peut se passer un scénario heureux et probable : on se met autour de la table, ça les Calédoniens savent faire, on discute et on trouve une solution compliquée, mais comme la Calédonie est compliquée, il faut trouver des solutions institutionnelles compliquées ou bien, on n’ arrive pas à se mettre d’accord et dans la perspective des élections provinciales certains poussent à la surenchère et donc l’année 2019 risque d’être difficile. Ca c’est quelque chose qui est à peu près certain".Conférence à @sciencespo à Paris sur le #Référendum du #4novembre en #NouvelleCaledonie : pour Alain Chrisnacht, l’un des artisans des accords de #Matignon : « l’année 2019 risque d’être difficile ». @SciencesO pic.twitter.com/KkjyVo8RMz
— La1ere.fr (@la1ere) 22 octobre 2018