Selon un rapport du GIEC, le groupe international des experts pour le climat, les récifs coralliens pourraient disparaître d’ici à la fin du siècle. Pour les spécialistes des coraux, la réalité est plus complexe mais guère rassurante.
La COP25 sur le climat s’est ouverte à Madrid lundi 2 décembre 2019. Arrivée vendredi 6 décembre, Greta Thunberg, l’égérie du combat contre le réchauffement climatique a participé à une grande marche dans la capitale espagnole. Son mot d’ordre : "Les discours ne suffisent plus".
Selon le dernier rapport du GIEC (groupe international des experts sur le climat) intitulé « Océans et criosphère » du 27 septembre 2019 « entre 70% et 90% des récifs coralliens risquent de disparaître avec un scénario à +1,5°C. Avec 2°C, 99% des coraux sont menacés de disparition ». Or on est malheureusement loin de s’approcher d’un scénario à +1,5°C d’ici à la fin du siècle.
"C’est comme un divorce sauf qu’on ne sait pas qui met l’autre dehors", ajoute Pascale Joannot, directrice des expéditions au Muséum national d’histoire naturelle. "Or ces algues, c’est le carburant des coraux, poursuit Serge Planes. Elles leur donnent 80 à 90% de leur énergie. Sans leurs zooxanthelles, les coraux blanchissent, ils meurent de faim. Ils peuvent survivre dans cet état pendant quelques semaines. Si le réchauffement de l’eau s’arrête, ils peuvent récupérer sinon ils meurent".
On observe ce phénomène de blanchissement partout Outre-mer : en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion où les coraux sont déjà bien abîmés mais aussi dans des récifs préservés comme en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte ou en Polynésie. Même à Wallis et Futuna où il y a dix ans "les récifs étaient magnifiques peuplés de coraux stables et gros" selon Pascale Joannot qui a plongé là-bas, des scientifiques ont observé des coraux blanchis récemment.
Il se caractérise par une énorme masse d’eau chaude qui se déplace vers l’est de l’Océan Pacifique au large de l’Amérique latine. Il perturbe le régime des vents, des précipitations et bien sûr la température de la mer.
"En 2016, sous l’influence d’El Niño, plus de 90% des récifs de coraux de la Grande barrière en Australie ont connu des épisodes de blanchissement", précise Denis Allemand, directeur du centre scientifique de Monaco qui rajoute "ces phénomènes deviennent de plus en plus fréquents et intenses, ne laissant pas aux récifs le temps de se reconstituer".
Ce phénomène est inquiétant car il suffit que la mer soit calme et qu’il n’y ait pas de vents pour que ces nappes d’eau chaudes fassent de sérieux dégâts sur les récifs coralliens. "C’est ce qui s’est produit cette année à Moorea", précise Serge Planes.
L’autre solution qui est à notre portée consiste à rendre la vie des coraux plus agréable. "Il faut pour cela créer des parcs nationaux, empêcher la pollution de l’océan, lutter contre la surpêche" plaide Denis Allemand, "freiner les constructions sur le littoral", ajoute Serge Planes. "Les sédiments, la terre qui se déverse dans l’Océan étouffent le corail", insiste Pascale Joannot.
A La Réunion, Pascale Chabanet, directrice de l’IRD (Institut de recherche pour le développement) estime que le "principal danger vient de l’homme". "Le récif frangeant est tout petit et jeune à La Réunion. Il n’a que 8500 ans. C’est pourquoi il se trouve seulement à 500 mètres au maximum de la côte". Du fait de la jeunesse de cette île aux reliefs imposants, le petit récif de La Réunion est "soumis aux pressions des bassins versants. Or le corail déteste les eaux troubles qui peuvent freiner sa symbiose avec les zooxanthelles".
Le corail n’aime pas non plus les eaux douces. A La Réunion, estime Pascale Chabanet "il faudrait récupérer cette eau douce pour éviter qu'elle n'arrive jusqu'au lagon, limiter le bétonnage à outrance et faire en sorte qu’à chaque construction on laisse un bout de jardin afin que l’eau puisse s’écouler dans la terre". "Il faut faire appel à l’intelligence collective", ajoute la chercheuse.
Il est temps car des coraux disparaissent d’année en année. Or les récifs coralliens représentent une richesse inestimable. 500 millions d’hommes soit 8% de la population mondiale en dépendent. "Les récifs abritent sur moins de 0,2% de la surface totale des océans environ un tiers des espèces marines connues à ce jour", précise Denis Allemand. D’après Serge Planes "1km2 de barrière corallienne équivaut à la biodiversité marine de l’ensemble des côtes de l’Hexagone". C’est considérable.
La pêche et le tourisme en dépendent. Le tourisme est notamment la 2e source de revenu de la Polynésie française. Et puis les récifs coralliens ont une fonction essentielle. Ils protègent les côtes de l’érosion en amortissant les fortes houles. C’est un rempart naturel en cas de cyclone ou de tsunami.
Denis Allemand y croit fermement. Le directeur du centre scientifique de Monaco a écrit un article passionnant dans la Gazette de Monaco (2 avril 2015) dans lequel il raconte l’histoire de l’îlot d’Okinotori au Japon situé à 1740 km de Tokyo.
Menacé par la montée des eaux, la préservation de cet îlot est stratégique pour le Japon car il permet de maintenir sa ZEE, zone économique exclusive et donc tout simplement sa zone de pêche.
"La seule solution pour préserver Okinotori était biologique", explique Denis Allemand. Pour sauver l’îlot il a fallu restaurer sa barrière coralienne. Les Japonais ont donc produit des millions de boutures de coraux qu’ils ont réimplantés à Okinotori. Ils ont également rejeté dans les eaux de ces ilots des larves produites par fécondation in vitro pour un cout de 20 millions d’euros".
Ce spécialiste des coraux salue toutes les initiatives et recherches qui visent à créer des coraux plus résistants. Actuellement les chercheurs s’inspirent par exemple des coraux de la mer rouge qui s’adaptent à des températures de l’eau particulièrement hautes.
"La morphologie des récifs va changer et les services écosystémiques qu’ils rendaient comme la protection des côtés va également être modifiée", ajoute Denis Allemand. "Si l’on ne fait rien pour l’environnement, on va assister à une perte de biodiversité et des problèmes de ressources", insiste Pascale Joannot.
La plupart des spécialistes des coraux sont persuadés que les récifs ne vont pas disparaître totalement d’ici à la fin du siècle mais que l’on va assister à un appauvrissement terrible de ces récifs coralliens dont le nombre de poissons va considérablement se réduire.
►Dégradation des récifs
Les faits lui donnent raison. Dans les Outre-mer que ce soit en Nouvelle-Calédonie qui possède la deuxième plus grande barrière de corail au monde après l’Australie, à Mayotte ou en Martinique, on assiste en direct à la dégradation des récifs coralliens. "Depuis les années 80, des épisodes de blanchissement interviennent régulièrement et affaiblissent les coraux, déplore Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche CNRS au Laboratoire d'océanographie de Villefranche. Les récifs coralliens, c’est l’écosystème le plus menacé actuellement par le réchauffement climatique".►Péril sur les coraux
"Les médias parlent beaucoup de la forêt amazonienne mais ce qui se passe en ce moment sous l’eau est bien pire", insiste Denis Allemand directeur du centre scientifique de Monaco. "En effet en 2016, le Nord-Ouest de la Grande Barrière australienne a perdu 30% de ses coraux en 9 mois !", précise-t-il."Ce qui se prépare est catastrophique pour les récifs coralliens", ajoute Jean-Pierre Gattuso.Selon le dernier rapport du GIEC (groupe international des experts sur le climat) intitulé « Océans et criosphère » du 27 septembre 2019 « entre 70% et 90% des récifs coralliens risquent de disparaître avec un scénario à +1,5°C. Avec 2°C, 99% des coraux sont menacés de disparition ». Or on est malheureusement loin de s’approcher d’un scénario à +1,5°C d’ici à la fin du siècle.
►L'océan en surchauffe
La France qui abrite 10% des récifs coralliens au monde grâce aux collectivités d’Outre-mer a une lourde responsabilité. La France est le 4e pays corallien au monde. Mais le réchauffement climatique ne connaît pas les frontières et la ceinture tropicale subit les assauts de ce changement. Globalement la température de l’Océan grimpe et ce n’est pas une bonne nouvelle pour les coraux qui ne peuvent pas se déplacer contrairement aux poissons.►Le stress du corail
Or, les coraux n’aiment pas qu’on leur change la température de leur eau. Cela les stresse. "Le corail est un animal qui vit en symbiose avec des algues minuscules, les zooxanthelles, explique Serge Planes, directeur du CRIOBE (Centre de recherche insulaire et observatoire de l’environnement) à Moorea en Polynésie. Quand la température de l’eau est en hausse de manière inhabituelle pendant plusieurs jours, les coraux expulsent leurs algues"."C’est comme un divorce sauf qu’on ne sait pas qui met l’autre dehors", ajoute Pascale Joannot, directrice des expéditions au Muséum national d’histoire naturelle. "Or ces algues, c’est le carburant des coraux, poursuit Serge Planes. Elles leur donnent 80 à 90% de leur énergie. Sans leurs zooxanthelles, les coraux blanchissent, ils meurent de faim. Ils peuvent survivre dans cet état pendant quelques semaines. Si le réchauffement de l’eau s’arrête, ils peuvent récupérer sinon ils meurent".
►Blanchissements
Serge Planes, directeur scientifique de l’expédition Tara Pacific constate que même dans les zones préservées comme la Polynésie, les coraux sont soumis à rude épreuve. "L’an dernier à Moorea, sur 70% des colonies blanchies, la moitié est morte. L’autre moitié est parvenue à récupérer". En peu de temps, le récif si préservé de Moorea s’est vu amputé d’une grosse partie de ses coraux.On observe ce phénomène de blanchissement partout Outre-mer : en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion où les coraux sont déjà bien abîmés mais aussi dans des récifs préservés comme en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte ou en Polynésie. Même à Wallis et Futuna où il y a dix ans "les récifs étaient magnifiques peuplés de coraux stables et gros" selon Pascale Joannot qui a plongé là-bas, des scientifiques ont observé des coraux blanchis récemment.
►Le phénomène El Nino
"Pendant longtemps, les épisodes de blanchissement étaient liés au phénomène El Niño ", estime Serge Places, directeur du CRIOBE. El Niño est un phénomène climatique à grande échelle qui perturbe principalement le Pacifique, mais aussi toute la ceinture tropicale ainsi que le continent américain.Il se caractérise par une énorme masse d’eau chaude qui se déplace vers l’est de l’Océan Pacifique au large de l’Amérique latine. Il perturbe le régime des vents, des précipitations et bien sûr la température de la mer.
"En 2016, sous l’influence d’El Niño, plus de 90% des récifs de coraux de la Grande barrière en Australie ont connu des épisodes de blanchissement", précise Denis Allemand, directeur du centre scientifique de Monaco qui rajoute "ces phénomènes deviennent de plus en plus fréquents et intenses, ne laissant pas aux récifs le temps de se reconstituer".
►Des bulles d'eau chaude
Mais aujourd’hui en plus d’El Niño qui a lieu tous les 3 à 7 ans, les récifs coralliens sont soumis à "des systèmes de warm bloop" (bulles d’eau chaude) de quelques centaines de kilomètres carrés et à l’origine de blanchissements très circonscrits", souligne Serge Planes.Ce phénomène est inquiétant car il suffit que la mer soit calme et qu’il n’y ait pas de vents pour que ces nappes d’eau chaudes fassent de sérieux dégâts sur les récifs coralliens. "C’est ce qui s’est produit cette année à Moorea", précise Serge Planes.
►Que faire ?
Alors que faire face à ce réchauffement de l’Océan ? "La solution est simple. Réduire nos émissions de gaz à effet de serre", déclare Denis Allemand co-directeur scientifique de l'expedition Tara Pacific. Mais malheureusement l’humanité ne semble guère en prendre le chemin malgré la mobilisation de plus en plus pressante de la jeunesse de nombreux pays.L’autre solution qui est à notre portée consiste à rendre la vie des coraux plus agréable. "Il faut pour cela créer des parcs nationaux, empêcher la pollution de l’océan, lutter contre la surpêche" plaide Denis Allemand, "freiner les constructions sur le littoral", ajoute Serge Planes. "Les sédiments, la terre qui se déverse dans l’Océan étouffent le corail", insiste Pascale Joannot.
A La Réunion, Pascale Chabanet, directrice de l’IRD (Institut de recherche pour le développement) estime que le "principal danger vient de l’homme". "Le récif frangeant est tout petit et jeune à La Réunion. Il n’a que 8500 ans. C’est pourquoi il se trouve seulement à 500 mètres au maximum de la côte". Du fait de la jeunesse de cette île aux reliefs imposants, le petit récif de La Réunion est "soumis aux pressions des bassins versants. Or le corail déteste les eaux troubles qui peuvent freiner sa symbiose avec les zooxanthelles".
Le corail n’aime pas non plus les eaux douces. A La Réunion, estime Pascale Chabanet "il faudrait récupérer cette eau douce pour éviter qu'elle n'arrive jusqu'au lagon, limiter le bétonnage à outrance et faire en sorte qu’à chaque construction on laisse un bout de jardin afin que l’eau puisse s’écouler dans la terre". "Il faut faire appel à l’intelligence collective", ajoute la chercheuse.
►Une richesse inestimable
Il est temps car des coraux disparaissent d’année en année. Or les récifs coralliens représentent une richesse inestimable. 500 millions d’hommes soit 8% de la population mondiale en dépendent. "Les récifs abritent sur moins de 0,2% de la surface totale des océans environ un tiers des espèces marines connues à ce jour", précise Denis Allemand. D’après Serge Planes "1km2 de barrière corallienne équivaut à la biodiversité marine de l’ensemble des côtes de l’Hexagone". C’est considérable.La pêche et le tourisme en dépendent. Le tourisme est notamment la 2e source de revenu de la Polynésie française. Et puis les récifs coralliens ont une fonction essentielle. Ils protègent les côtes de l’érosion en amortissant les fortes houles. C’est un rempart naturel en cas de cyclone ou de tsunami.
►Replanter du corail
A travers le monde, des scientifiques et des bénévoles se mobilisent désormais pour tenter de sauver les coraux. A Moorea, en Polynésie, l’ONG Coral Gardeners replante des coraux en faisant du bouturage. C’est long et fastidieux mais ça marche.Denis Allemand y croit fermement. Le directeur du centre scientifique de Monaco a écrit un article passionnant dans la Gazette de Monaco (2 avril 2015) dans lequel il raconte l’histoire de l’îlot d’Okinotori au Japon situé à 1740 km de Tokyo.
Menacé par la montée des eaux, la préservation de cet îlot est stratégique pour le Japon car il permet de maintenir sa ZEE, zone économique exclusive et donc tout simplement sa zone de pêche.
"La seule solution pour préserver Okinotori était biologique", explique Denis Allemand. Pour sauver l’îlot il a fallu restaurer sa barrière coralienne. Les Japonais ont donc produit des millions de boutures de coraux qu’ils ont réimplantés à Okinotori. Ils ont également rejeté dans les eaux de ces ilots des larves produites par fécondation in vitro pour un cout de 20 millions d’euros".
►Créer des espèces résistantes
L’intelligence humaine au service des coraux, c’est donc possible. Des chercheurs tentent de créer en laboratoire des espèces résistantes. Une sorte de course contre la montre est lancée. Denis Allemand n’est guère optimiste même si les recherches avancent : "pour beaucoup de collègues, le mécanisme d’adaptation des coraux est plus lent que la vitesse des changements climatiques actuelles, ce qui empêcherait toute adaptation. Mais d’autres solutions sont peut-être à envisager en dehors des mutations spontanées et de la reproduction qui font l’évolution normale. Nous venons par exemple de montrer que certaines espèces de coraux ont la capacité de s’acclimater rapidement en modifiant leur capacité à exprimer certains gènes, un mécanisme connu sous le nom de modification épigénétique. D’autre chercheurs ont démontré que cette capacité est même transmissible à la descendance".Ce spécialiste des coraux salue toutes les initiatives et recherches qui visent à créer des coraux plus résistants. Actuellement les chercheurs s’inspirent par exemple des coraux de la mer rouge qui s’adaptent à des températures de l’eau particulièrement hautes.
►Un appauvrissement terrible
Tous les spécialistes des coraux que La 1ère a contacté s’accordent à dire que les coraux ne disparaîtront pas d’ici à la fin du siècle. Mais ils ne sont pas pour autant optimistes. "Très peu d’espèces arrivent à s’adapter, estime Pascale Chabanet, directrice de l’IRD à La Réunion, les récifs vont être transformés. Il y aura beaucoup de coraux massifs et beaucoup moins de coraux branchus qui permettaient aux petits poissons de se protéger. La biodiversité risque de chuter"."La morphologie des récifs va changer et les services écosystémiques qu’ils rendaient comme la protection des côtés va également être modifiée", ajoute Denis Allemand. "Si l’on ne fait rien pour l’environnement, on va assister à une perte de biodiversité et des problèmes de ressources", insiste Pascale Joannot.
La plupart des spécialistes des coraux sont persuadés que les récifs ne vont pas disparaître totalement d’ici à la fin du siècle mais que l’on va assister à un appauvrissement terrible de ces récifs coralliens dont le nombre de poissons va considérablement se réduire.