Coronavirus : les Calédoniens confinés dans l’Hexagone maintiennent plus que jamais leurs liens avec le Caillou

Jeunes calédoniens confinés dans l'Hexagone
Comment les jeunes Calédoniens vivent leur confinement dans l'Hexagone ? Outre-mer la 1ère a contacté plusieurs d'entre eux. Ils sont tous les jours en contact avec leurs proches sur le Caillou.
 
De nombreux jeunes Calédoniens vivent en ce moment confinés dans l’Hexagone. Outre-mer la 1ère a parlé avec plusieurs d'entre eux. Ils nous racontent leur quotidien, leurs inquiétudes et disent l’importance du lien avec la Nouvelle-Calédonie. Ils sont tous les jours en contact avec leurs proches sur le Caillou.
 

►Hassan

Animateur socio-culturel à Saint-Martin-de-Seignanx (Landes)

Avec d’autres acteurs dans des associations calédoniennes ici en France, on a eu l’idée d’enregistrer une vidéo (ci-dessous). C’était tout simplement une envie de sensibiliser le pays parce que la propagation du virus prenait de l’ampleur. Ici, on avait une à deux semaines d’avance sur la Calédonie. Et du coup on s’est dit pourquoi on ne ferait pas une petite vidéo pour sensibiliser la famille, pour que chacun passe le message à sa manière ? Heureusement qu’on a internet, ça nous permet de garder des liens, d’avoir des nouvelles des uns et des autres, d’essayer de faire des choses communes. Ce confinement crée de l’innovation.

Comme tout le monde, je respecte au maximum le confinement. Je travaille pour la mairie de Saint-Martin-de-Seignaux dans les Landes. Avec les animateurs sportifs, culturels, on essaie de s’organiser pour proposer aux jeunes de faire des défis sur l’art, la culture, des gestes d’encouragement pour les infirmiers, les agents d’entretien dans les hôpitaux. On essaie de trouver des idées pour maintenir le lien. On suit un programme, « Les Promeneurs du net » qui fait de la prévention au niveau de l’utilisation d’internet, notamment sur les fake news, ce qui tombe à pic.
On est un peu inquiets pour la Nouvelle-Calédonie. La majorité des Calédoniens consomme des produits importés. Et si demain, les importations étaient coupées ? Ça nous remet en question. Le virus, ça permet de dire aux Calédoniens : on peut produire nos propres légumes, notre café, nos cocos, notre farine avec le manioc, on est capables de faire notre propre nourriture. 


►Julie-Karene Haeko

Etudiante en 1ère année de  licence d’espagnol à Troyes
Julie-Karene Haeko

Le confinement, pour l’instant, ça va, on essaie de faire avec. On respecte au maximum ce qui est dit à la télé, dans les journaux. Je suis chez mon frère. C’est mieux d’être à deux. Je reste confinée, je me sens plus en sécurité que si je sors. On limite les sorties au supermarché pour aller faire quelques courses.

C’est le travail à distance qui est un peu compliqué. C’est que ce n’est pas la même ambiance à l’université qu’ici à la maison. Il faut de  la motivation pour travailler tous les jours et on pense aussi aux gens de notre classe qui n’ont pas les moyens technologiques, on essaie de s’entraider un peu.

Je suis en contact avec des Calédoniens et des personnes de ma famille dans l’hexagone, ça me rassure. Tous les  jours mes parents me contactent depuis la Nouvelle-Calédonie, ils essaient de me soutenir.  Ils aussi sont confinés. J’ai vu sur internet qu’il y avait une procédure de rapatriement vers la Nouvelle-Calédonie. Moi par rapport à ça, je ne suis pas inquiète. Je préfère rester ici et être en sécurité plutôt que de risquer d’attraper le virus dehors et de le ramener au pays. Je pense rester là et attendre les vacances pour y retourner. 

►Watha Claude Kugogne

Etudiant en 3e année de licence de droit à Paris 2 Assas
Watha Claude Kugogne

Je suis confiné dans un studio à Paris, dans le XVe arrondissement. Mon quotidien, c’est les cours, les vidéos sur Netflix, dormir. Je sors juste pour faire les courses. Les cours sont aussi devenus un espace virtuel de sortie !

Je ne suis pas inquiet. Si on respecte les consignes sanitaires, on minimise l’impact du virus. Avec mes parents, en Nouvelle-Calédonie, tous les jours, on essaie de se donner des nouvelles, de se rassurer. Ils sont inquiets pour moi : mes parents m’interdisent de sortir ! J’étais inquiet pour eux, avant le confinement, pour les personnes âgées de ma famille. Ils sont confinés, mais ce n’est pas pareil pour moi,  dans 18 m2, eux ont du terrain !

Chacun juge de ce qu’il a à faire, mais je pense que ce serait irresponsable de rentrer en Nouvelle-Calédonie maintenant et de risquer de propager le virus. Je connais une personne qui voudrait rentrer, j’essaie de la dissuader. Avec les amis calédoniens de Paris, on se voyait tous les jours. Il y a les réseaux sociaux, c’est sûr, ça ne va pas pallier le manque mais on essaie de se faire des jeux en ligne. On essaie de se rassurer. J’ai vu la vidéo des Calédoniens sur le virus. On a toujours été solidaires, des vidéos comme ça, c’est bon pour le mental.


►Lina WAKA-CEOU

Etudiante Master 2 de journalisme, secrétaire de l’AESK, Association des Etudiants et Stagiaires Kanak de Paris
Lina Waka-Ceou

Je suis confinée à Cergy. J’effectue actuellement un stage en télétravail. C’est compliqué parce que c’est la première fois que je travaille de cette façon. J’apprends, j’essaie de m’adapter. C’est formateur, j’essaie de trouver le bon côté de la chose, sinon on peut se sentir découragé.

Je suis secrétaire de l’AESK. Nous avons souvent des messages de travailleurs ou des voyageurs calédoniens qui nous demandent de les héberger, de les conseiller, d’aller les chercher à l’aéroport. Pendant le premier week-end de confinement, une personne nous a contactés, elle était vraiment en galère. On n’avait pas encore toutes les infos, on ne savait pas trop comment s’organiser. Donc un des membres de notre association a pris le risque d’y aller. Il a récupéré la personne, l’a accompagnée à son hôtel. Juste après ça, on s’est fait une réunion de crise. Même si on a envie d’aider nos compatriotes, nos frères et sœurs, on n’a pas envie de mettre en danger les membres de notre association.  Maintenant, on peut nous appeler pour des infos, mais  on redirige les personnes qui ont besoin de soutien vers la Maison de la Nouvelle-Calédonie parce qu’ils sont plus à même de les aider.

On est en contact avec les étudiants calédoniens via les réseaux sociaux. Depuis la semaine dernière, on a mis en place une petite séance sport trois fois par semaine, avec des Calédoniens partout en France, pour ceux qui ont envie de décompresser. On essaie de  rester dynamiques, de rester en lien, même en restant confinés. 

Avec le Caillou, heureusement qu’il y a les réseaux sociaux ! Moi, je m’inquiète vraiment beaucoup. Des personnes dans ma famille ont une santé fragile. Sur place, ils étaient très inquiets la semaine dernière parce qu’il y a eu les premiers cas. Donc je contactais ma famille tous les jours pour leur dire l’importance de bien suivre les gestes barrière, de rester confinés. Et puis pour les rassurer aussi, pour leur dire, voyez, moi je reste tranquille à la maison, donc vous pouvez le faire aussi. Je leur explique aussi qu’il ne faut pas « psychoter » parce qu’après ça devient vite trop anxiogène. Je dis à ma mère : tant que tu restes à la maison, que personne ne vient te voir, tu peux rester dans ton jardin, il n’y a pas de souci. Ma famille m’appelle tous les jours pour me demander comment ça va, est-ce que j’arrive quand même à bien vivre en étant enfermée, est-ce que je me nourris bien ?

Bien sûr, c’est plus compliqué parce qu’on est loin de notre famille. On a envie de pouvoir les soutenir et s’il arrivait quoi que soit, je ne pourrais pas prendre l’avion, je ne pourrais pas être là. Même  avec les réseaux sociaux, c’est quand même difficile à vivre. C’est dur de rester bloqué à Paris. Je ne veux pas émettre de jugement, mais pour moi, c’est inconscient de rentrer en Nouvelle-Calédonie tant que l’épidémie n’est pas passée. Qui dit que parmi les gens qui vont y retourner, il n’y aura pas de porteurs du virus ? Moi la première, j’ai envie d’être près de ma famille, mais à un moment donné, il faut penser collectif.


►Léonor Guilhem

Etudiante à Sciences Po Paris
Léonor Guilhem

Je suis à la Cité internationale universitaire à Paris. Je reste dans ma chambre de 15m2 pour toute la période de confinement. Le fait que la chambre soit réduite, c’est assez contraignant. On a la chance d’avoir un jardin juste en bas de la résidence où on peut courir et où on ne croise pas trop de monde. Ça, c’est bien. L’inconvénient, c’est qu’il y a des cuisines communes, et pour laver son linge, c’est aussi dans des parties communes, donc c’est compliqué d’être vraiment confiné.

Actuellement, je suis en télétravail parce que je suis en stage au sein d’un cabinet de conseil. Tout peut se faire à distance, il n’y a aucun problème à ce niveau-là.  C’est plus intense qu’en temps normal, notamment parce que je suis en ce moment sur une mission qui connaît une phase d’accélération et aussi parce qu’on s’accorde de manière générale moins de pauses en télétravail. On n’est pas incité par exemple à prendre une pause-café avec ses collègues.
Ce qui est vraiment difficile, c’est que je suis seule et que je ne côtoie personne. J’appelle mes amis par téléphone, sur les réseaux sociaux. Ce qui est dur, ce n’est pas d’avoir une toute petite chambre, c’est plutôt le fait de ne voir personne. J’ai trois bons amis Calédoniens ici à la Cité universitaire. Je n’en ai croisé qu’un pour l’instant et on s’est parlé, mais à trois mètres de distance ! Les deux premières semaines, ça allait, mais là, c’est la troisième et je commence à ressentir la solitude.

Mes deux parents sont en Nouvelle-Calédonie. J’en profite pour les appeler tous les matins, pour prendre des nouvelles. J’étais assez inquiète quand les premiers cas sont arrivés en Nouvelle-Calédonie. Je commence à être moins inquiète depuis qu’ils sont confinés, je sais qu’ils font très attention, donc ça va. Je suis plutôt inquiète pour la situation en Nouvelle-Calédonie, savoir comment ça va évoluer, est-ce qu’ils vont avoir suffisamment de moyens pour faire face au virus ?

Personnellement, j’essaie d’avoir le moral, j’essaie de beaucoup m’occuper, de faire des choses que j’avais moins le temps de faire d’habitude : lire, écouter des émissions radio, faire plus de sport, cuisiner aussi. Mais de toute façon, on n’a pas le choix !