Coronavirus : le confinement en Angleterre vu par Diana, une Martiniquaise vulnérable

Diana Woodman
Depuis le 24 mars, le Royaume-Uni est entré en confinement national pour trois semaines. On compte à ce jour plus de 400 morts dans le pays. Outre-mer la 1ère a contacté une Martiniquaise qui vit depuis 30 ans au Royaume-Uni. Elle est considérée à risque. 
 
"Je suis doublement confinée car je fais partie des personnes vulnérables. Je suis asthmatique et j’ai eu un cancer du sein il y a trois ans. En plus je suis malade depuis plusieurs jours, j’ai une bronchite. Mais je n’ai pas été testée. Je ne sais pas si j’ai ou pas le Covid-19", témoigne Diana Woodman à Outre-mer la 1ère. 


Des urgences organisées

Comme en France, la Grande-Bretagne qui n’a pas anticipé la crise ne teste pas massivement sa population. Vendredi 21 mars, Diana s’est rendue aux urgences. C’est là qu’on lui a annoncé qu’elle était une personne à risque et qu’elle devait absolument se protéger non seulement de l’extérieur mais aussi des propres membres de sa famille.
 
Vue de la chambre de Diana Woodman

"C’est un peu comme si j’étais une pestiférée", raconte avec humour Diana. Cette Martiniquaise qui adore cuisiner ne peut même plus rester dans la cuisine de peur d’être contaminée par sa propre famille ou de les contaminer.

"Les urgences, c’était très bien organisé, raconte-t-elle. J’ai téléphoné. Je leur ai expliqué ma situation et trente minutes plus tard j’avais un rendez-vous. Une infirmière m’a posé pleins de questions très précises et ensuite j’ai pu voir un médecin seule dans une pièce aseptisée qui m’a donné des antibiotiques pour ma bronchite, précise Diana Woodman. Il m’a dit d’être extrêmement vigilante et m’a expliqué à quoi allait ressembler ma nouvelle vie. Je n’ai cependant pas été testée pour savoir si j’avais ou pas le Covid-19. En Grande-Bretagne, pour l’instant, on ne teste pas sauf cas extrêmement grave". Ou si l'on est le Prince Charles qui a été testé positif au Covid-19.
Hôpital de Milton Keynes

Lors de ce rendez-vous Diana a découvert que le Tamoxifène, un médicament qu’elle prend depuis trois ans à la suite de son cancer du sein pour éviter une récidive a pour effet de "troubler son système immunitaire". C’est pourquoi étant asthmatique, suivant ce traitement et ayant une bronchite, le médecin l’a invitée à la plus grande prudence en cette période d’épidémie de coronavirus et lui a conseillé d’éviter tout contact.
 

La gestion britannique de la crise

En Grande-Bretagne, le Premier ministre Boris Johnson a voulu d’abord privilégier la stratégie de "l’immunité collective". L’idée étant de laisser les personnes les moins vulnérables attraper le virus, tout en protégeant les personnes les plus à risque comme Diana. Mais pour que cela fonctionne, il aurait fallu que 60% de la population soit contaminée. Au fur et à mesures des jours, et du nombre de morts augmentant rapidement, Boris Johnson a fait machine arrière. Le lundi 23 mars, il a décrété le confinement national pour trois semaines.
Boris Johnson

"Il voulait retarder l’échéance. Je ne comprenais pas sa logique. Enfin si… C’était pour des raisons économiques", estime Diana. Toutefois, dès le 12 mars, Boris Jonhson avait demandé aux personnes vulnérables de ne pas sortir. Diana qui avait déjà une bronchite avait suivi scrupuleusement le conseil.
 

La discipline britannique

"L’avantage de la Grande-Bretagne sur la France, note Diana, c’est que les gens sont beaucoup plus disciplinés. Déjà en temps normal, ils respectent les files d’attente et laissent de l’espace entre eux dans les queues pour prendre le bus par exemple. Et ça, en période d’épidémie, ça sauve des vies". Elle ajoute : "certains supermarchés se sont vite adaptés à la crise. Par exemple Marks et Spencer a mis en place des horaires spéciaux pour les personnels de santé et pour les personnes vulnérables". 
Rue déserte à Londres le 24 mars

En revanche Diana qui a pu parler avec des amies à Londres a appris que dans de nombreuses boutiques, "les prix des denrées alimentaires ont déjà été multipliés par deux ou trois. Et dans certaines pharmacies, le prix du paracétamol pour enfant a plus que doublé".
 

Trente années en Angleterre

Diana vit depuis 30 ans en Angleterre. Elle a grandi en région parisienne tout en allant régulièrement à Petite Anse en Martinique, le berceau de la famille où se trouve actuellement sa mère et ses deux soeurs Marianne et Marilyn. Son mari est britannique, originaire du Guyana. "Il adore la Martinique", souligne Diana.
 
Milton Keynes

La famille est installée dans une ville nouvelle très verdoyante, Milton Keynes, située à 80km au nord de Londres. De sa fenêtre, dans sa chambre dont elle sort très peu, Diana peut voir un parc. "Il n’y a personne en face. Je n’entends pas un bruit, seulement les oiseaux", dit-elle.

Diana passe ses journées à se reposer et à lire. Avec l’asthme, sa bronchite est "carabinée". En ce moment, elle lit Those people de Louise Candlish. "C’est un roman très drôle. Ça parle des pires voisins que l’on puisse avoir. J’ai connu cela il y a peu. Je pique des fous rires en le lisant et ça me fait du bien. Je repense à mes voisins qui avaient pour unique occupation de mettre un pot d’échappement le plus gros possible à leur voiture pour faire le plus de bruit. Un cauchemar !"
 
Le confinement de Diana


Pas d'école avant septembre

L’une des filles de Diana est revenue à la maison en cette période de confinement. La grande vit avec une amie à Birmingham. "Elle est en télétravail avec l’Université pour laquelle elle gère d’habitude les échanges universitaires"."Pour ma deuxième fille, l’année universitaire se termine étrangement. On sait juste que la cérémonie de remise des diplômes de juillet a été annulée", se désole Diana. Cette Martiniquaise passe aussi du temps au téléphone avec ses amies. "J’ai appris aujourd’hui que les écoles, collèges et lycées allaient ré-ouvrir leurs portes seulement début septembre".
 

Ne pas désespérer

Naturellement optimiste, Diana Woodman est sure que l’on sortira de cette crise. "Il faut une discipline drastique de chacun d’entre nous. Écouter les consignes du gouvernement et prier", ajoute-t-elle. "Je suis obligée de rester positive après mon combat contre le cancer du sein en 2017. Il faut s’accrocher, ne pas tomber dans la dépression, s’entourer de bonnes pensées et de bonnes personnes que l’on peut joindre…par téléphone".

Dans sa ville de Milton Keynes, peuplée de 270 000 habitants, 4 personnes sont déjà mortes du Covid-19.