Coronavirus : les craintes des Ultramarins de l’Hexagone pour leurs familles en Outre-mer

L’épidémie qui sévit actuellement risque de s’étendre aux Outre-mer. Une situation qui inquiète grandement les Ultramarins installés dans l’Hexagone. Ils prennent régulièrement des nouvelles de leurs familles et s’occupent comme ils peuvent en ce 3ème jour de confinement.
 
Dans les outre-mer, la barre des 100 cas a été dépassée. Le territoire le plus touché lors du bilan du 18 mars, est la Guadeloupe avec 33 cas. Une augmentation qui inquiète les ultramarins de l’hexagone.


Hervé Turlepin, Guadeloupéen professionnel dans l'évènementiel

Hervé Turlepin

Installée à Toulouse, Hervé prend régulièrement des nouvelles de ses parents. "Je leur dis de suivre les directives, mais en Guadeloupe c’est peut-être un peu plus compliqué parce que l’on veut sortir, on veut aller à la plage, on veut comme d’habitude aller au marché, un peu plus qu’ici… Mais ma sœur et ma mère comprennent l’enjeu et font le nécessaire". Dans l’île le nombre de cas a explosé en peu de temps passant d’un, à 33 en une semaine.

Si cela devient une épidémie globale en Guadeloupe, cela risque d’être très compliqué. Sans le coronavirus on a vu que le système de soins était déjà défaillant par rapport à plusieurs choses notamment au CHU qui a brûlé… La mesure de confinement est à prendre beaucoup plus au sérieux que dans l’Hexagone.


Dans sa région, en Occitanie, les cas se sont multipliés très vite. Les mesures mises en place par le gouvernement, il les comprend, et fait avec, même si la situation le pénalise grandement.

Professionnel dans l’évènementiel, son premier salon « rhums terroirs et tourisme » prévu à Toulouse au mois de mai est reporté. Depuis trois jours, il teste le télétravail. Une situation pour lui compliquée. "En tant qu’indépendant on est tout le temps chez les clients pour mettre en place des évènements et du jour au lendemain on est confiné chez soi. Après j’ai de la chance d’avoir un peu d’espace, j’ai un jardin du coup cela permet de s’échapper".

Il faut aussi pouvoir occuper son fils de deux ans et demi pendant que son épouse est au travail. Une situation assez sportive. "Il a de l’énergie. Mais à nous deux, whoaw… On n' arrive pas a égaler les assistantes maternelles".
 

Odette, Mahoraise, ingénieure qualité dans un établissement de santé

Confinée chez elle depuis trois jours, Odette (nous avons modifié son prénom afin de préserver son anonymat) est en télétravail à la campagne. Une situation qui risque de ne pas durer. Elle devra bientôt se rendre dans son l’établissement de santé. " Aujourd’hui on a fait un point justement avec ma direction qui m’a expliqué qu’ils ont eu de nouvelles recommandations de l’ARS qui dit clairement que Covid ou pas, tant que l’on n’a pas des symptômes sévères il faudra aller travailler, c’est surtout pour les soignants, mais moi aussi il faudra que j’y aille car tout le monde sera mobilisé".
 
Odette en télétravail. Vue depuis sa terrasse.


Une situation de crise que ne connait pas encore Mayotte où se trouve la grande majorité de sa famille. Aujourd’hui, quatre cas sont recensés dans l'archipel, mais cela pourrait exploser dans les prochains jours car la prise de conscience sur place n’a pas encore eu lieu, selon elle.

Ils se disent "non cela ne va pas nous arriver, le virus ne résistera pas aux fortes températures"…Récemment j’ai une connaissance qui a organisé un anniversaire… J’ai beau sortir tous les arguments scientifiques, pour les rendre plus responsables, cela ne marche pas !


Odette dénonce les nombreuses intox qui circulent sur le territoire. "La tradition et la religion ont quand même une place très importante dans l’île. Il y en a qui sont persuadés d’avoir trouvé le remède. Ma tante et mon oncle m’ont envoyé une vidéo d’une plante censée soigner la maladie… A un moment donné on est un peu désespérée" soupire t-elle.

Odette s’inquiète surtout de la suite. Cette maladie tue. Le nombre de morts s’élève en France à plus de 240 dont un Outre-mer (en Martinique).

S'il y a une crise sanitaire sévère à Mayotte, cela va être compliqué parce qu’on n’a pas assez de moyen pour prendre en charge des patients atteint du Covid. Même sans virus la prise en charge est très compliquée. La plupart des Mahorais vont se soigner soit à La Réunion soit en Métropole parce que justement il n’y a pas de place pour se soigner. Donc si on a çà, cela va être compliqué.


Ludwig, Martiniquais, étudiant

Ludwig, âgé de 23 ans, préfère ne pas donner son nom de famille, mais tient à témoigner pour alerter la population. Il est actuellement étudiant dans l’Hexagone, tout comme son petit frère. Ses parents et sa petite sœur vivent en Martinique. Son frère et lui ont décidé de ne pas rentrer et de rester confinés lui à Montpellier, et son frère à Nice pour ne prendre aucun risque. "Nous avons décidé de rester en France Hexagonale afin de ne pas risquer de tomber malade durant le voyage et de contaminer notre famille, mon père étant déjà tous les jours exposé du fait de sa profession (il travaille dans un Supermarché) ". 

En contact avec des jeunes de son âge, il craint que ceux qui doivent rentrer Outre-mer rapportent avec eux le virus.

Je souhaite dire, et j'espère que ce message sera lu par de nombreuses personnes, que toutes les personnes qui rentrent actuellement en Martinique (vacanciers originaires de Martinique, étudiants, etc., ...) sans raison valable (question sanitaire, cas d'urgence) sont inconscientes et n'ont aucune considération ni pour les membres de leur famille, ni pour le reste de la population.

Ils reproduisent exactement ce que l'on reprochait aux croisiéristes. Loin de moi l'idée d'accuser telle ou telle personne, je souhaite juste que chacun prenne conscience de la situation et arrête de penser égoïstement. Nous sommes tous garants de la santé de nos proches


Joël Montout, Guadeloupéen, chef d’entreprise

Joël Montout

Dans sa maison à Bordeaux avec ses deux enfants, Joël tente de poursuivre son travail, tant bien que mal. Il a la chance d’avoir un cadre agréable pour poursuivre son activité par visioconférence, mais cela ne compense pas ses différents rendez-vous annulés qui pouvaient permettre une signature de contrats. Son crédo ?  La mobilité justement, avec des locations de trottinettes et vélos électriques aux entreprises et collectivités. Une activité impossible en cette période de confinement.

Alors Joël endosse le rôle de maitre d’école pour ses enfants de 6 et 10 ans, pendant que sa femme est au travail. "Je dois gérer entre les devoirs de la maitresse, les activités des enfants et les rendez-vous téléphoniques… C’est du sport en ce moment !"

Joël prend également régulièrement des nouvelles de sa famille, aux Abymes en Guadeloupe.

Mon père est fragile au niveau de la santé. Je dis à mes parents de ne pas sortir, de rester confinés. J’ai demandé à mes deux frères qui sont là-bas de faire le nécessaire pour que nos parents ne manquent de rien !


Malgré ces recommandations, Joël fait part de ses craintes. Tout comme dans certains endroits de l’Hexagone, "Aux Antilles, les gens ont du mal à saisir un peu la gravité de cette épidémie. A ma famille et mes amis je leur dis qu’ici c’est compliqué, qu'il faut prendre cela au sérieux".