Coronavirus : la galère des étudiants ultramarins qui entrent sur le marché du travail

Etudiants en Martinique.
Directement touchés par la crise liée au coronavirus, les jeunes tout juste diplômés s'insèrent difficilement sur le marché du travail. Quatre étudiants ultramarins témoignent.
"Je suis angoissée 24 heures sur 24. Je n’ai jamais été sous une telle pression de toute ma vie". Paloma a 23 ans et c'est pleine d’espoir qu’elle a quitté il y a un an La Réunion, son île natale, pour démarrer une alternance dans le secteur de l’agro-alimentaire dans l'Hexagone. 

"Je me faisais peut-être des films mais j’ai l’impression qu’au niveau des offres d’emplois pour les jeunes, c’est un peu bloqué à La Réunion, explique l’étudiante. J’avais envie d’avoir une ouverture un peu plus grande.
 

Peu d’offres d’emplois

Paloma entame alors son alternance au poste d’ingénieur de qualité dans une entreprise du sud-ouest de l’Hexagone. Mais voilà, en mars arrive le confinement et toute la période d’incertitudes qui s’en est suivie. Dans son entreprise, stagiaires et alternants sont mis sur la touche et Paloma se retrouve au chômage technique.

Son diplôme bientôt en poche, elle s’est mise en quête d’un emploi depuis début juin, mais les offres se font rares. “Je suis en permanence sur Linkedin”, souffle, affligée, la jeune femme. 

Les refus s’accumulent et c’est souvent la même justification qui lui est présentée : “Ils me disent qu’ils cherchent des personnes plus expérimentées car ils sont en grande difficulté. S’ils prennent des juniors, il faut les former et ils n’ont pas les moyens en ce moment”, détaille Paloma. 

Du côté de son université, silence radio : “Ils sont aussi en grande difficulté, c’est très compliqué pour eux.” “Que ce soit moi ou mes potes, on est dans la merde”, résume-t-elle dépitée. 

Alors pour s’assurer un avenir professionnel et réussir à joindre les deux bouts, certains étudiants sont prêts à tout. 
 

Accepter un emploi sous qualifié...

Jess, 26 ans, ne compte plus le nombre de CV qu’elle a envoyé depuis son retour en Nouvelle-Calédonie pour chercher du travail après avoir validé un master à Montpellier. “Une cinquantaine” environ qui ont débouchés sur deux entretiens. “Rien de concluant”.
 
Elle visait un travail dans les relations internationales mais commence depuis peu, comme nombre de ses amis, à chercher un “boulot alimentaire” dans d’autres secteurs, quitte à être surqualifiée. Mais là aussi, elle fait chou blanc. 

J’ai postulé en tant que vendeuse, mais on m’a dit que j’étais soit trop diplômée, soit que je n’avais pas assez d’expérience”, confie-t-elle.  
 

Certains de mes amis sont allés jusqu’à supprimer les diplômes qu’ils ont obtenus sur leurs CV pour avoir plus de chance d’être embauché. Ca a marché pour certains. Personnellement, je réfléchis à faire pareil.


Je me dis qu’on a pas fait tout ça d’études, pour faire un travail qui ne nous plaît pas forcément et où on est surqualifié, regrette-t-elle. Mais on a besoin de gagner de l’argent…
 

… ou rempiler pour une année

Joslie voulait finir ses études “le plus tôt possible”. À l’issue du confinement, elle a finalement fait le choix de rempiler pour une année. Son master à Science Po est censé se terminer en décembre 2020, une période que l’étudiante guadeloupéenne ne juge pas opportune au vue de la situation de crise actuelle. 
 

Certains ont choisi de poursuivre leur formation. Et on est plusieurs à avoir décidé de poursuivre pour un an de plus en alternance. L’objectif c’est de retarder notre entrée sur le marché du travail. Cela permet d’avoir une rémunération et d’être sûr de ne pas se retrouver sans rien.


Pour la jeune femme, membre de l’association Science Ô dédiée aux étudiants ultramarins, il est primordial d’aider les jeunes : “sacrifier une génération, ça serait nuire à l’économie française sur les dix ou vingt prochaines années. C’est nous qui devront rembourser la dette”, argue-t-elle. 
 

40 000 euros d’aide à l’embauche

La situation des jeunes diplômés débarquant sur le marché du travail en cette période de crise est un problème bien identifié par le gouvernement. Annoncées par le Premier ministre Jean Castex, le plan “1 jeune, 1 solution” a été détaillé par le chef de l’État jeudi 23 juillet. 
Parmi les mesures phares : une aide à l’embauche de 40 000 euros au bénéfice des entreprises qui embauchent un jeune de moins de 26 ans, en CDI ou en CDD d’au moins trois mois, le retour des emplois aidés, 50 000 places supplémentaires pour la Garantie jeunes qui accompagne les jeunes en situation de grande précarité…

Des annonces saluées par l'association Science Ô : “Ce sont de bonnes mesures. Ce que je retiens, c’est la diversité des aides proposées : on touche à plusieurs populations, plusieurs secteurs, plusieurs types de contrats", développe Joslie.

"J’espère que ça va aider les jeunes”, abonde Andréa, 23 ans. “J’espère aussi que cela va aider à changer les mentalités. Ce n’est pas parce que qu’on a moins de 25 ans, que l’on est pas qualifié”, ajoute la calédonienne fraîchement diplômée. 

Titulaire d’un master en entreprenariat et gestion de projet, elle ne s’inquiète pas trop pour son avenir et à la place de chercher un travail, elle souhaite créer son propre emploi, une activité dans la mode éco-responsable.

Mais autour d’elle, les étudiants de sa promo s’inquiètent, notamment sur la valeur de leur diplôme. “Certains se disent qu’aux yeux des recruteurs il sera moins valide que les autres années à cause du confinement… Comme pour le bac 2020, analyse la Calédonienne. On est tombés la mauvaise année.