Coronavirus: l'économie polynésienne frappée de plein fouet

La Polynésie française, relativement épargnée par l'épidémie de Covid-19, est en revanche touchée de plein fouet dans son économie, notamment touristique, sur ce territoire de l'Océan Pacifique qui ne dispose pas de caisse de chômage.
Avec 57 cas de Covid-19 recensés depuis le début de la crise, aucun décès et une seule hospitalisation en cours, la Polynésie a réussi à maîtriser la situation sur le plan sanitaire.
 

Plan de sauvegarde de l'économie

Mais l'arrêt des vols commerciaux a frappé le coeur de son économie, essentiellement basée sur le tourisme, puisque aucun voyageur n'a débarqué à Tahiti ou Bora Bora depuis un mois et d'autres moteurs de l'économie locale, comme la perliculture et la pêche, sont en grande difficulté.

La collectivité territoriale a dû mettre en place en urgence, au début du confinement, un revenu exceptionnel de solidarité de 100.000 francs Pacifique par personne et par mois (838 euros), dans le cadre d'un "plan de sauvegarde de l'économie".

La Polynésie n'est en effet pas admise au financement de l'indemnisation des régimes de chômage partiel instaurés au plan national, car elle dispose d'une relative autonomie et de la compétence en la matière. Mais elle n'a pas non plus de régime de chômage local, ni de RSA.
 

250 millions d'euros mobilisés

Cette seule mesure de revenu exceptionnel de solidarité a été évaluée à 134 millions d'euros, si le confinement devait durer deux mois. Au total, le gouvernement local a voté la mobilisation de près de 250 millions d'euros pour faire face à cette crise.

La Polynésie a pour le moment dépensé plus de 7 millions d'euros pour indemniser ses entreprises et ses travailleurs confinés, pour la période du 20 au 31 mars, a indiqué mercredi le vice-président de Polynésie Teva Rohfritsch. Le gouvernement prévoit de verser le 20 mai les indemnités pour avril.

Ces indemnités concernent pour l'instant 199 entreprises de plus de 10 salariés, et 1.705 entreprises de moins de 10 salariés, pour un total de 3.895 salariés.

Mais dans l'archipel, ces indemnisations sont loin de faire l'unanimité, car si un salarié veut les percevoir, il doit avoir au préalable épuisé l'ensemble de ses jours de congés.
 

Droit du travail "violé"

Une intersyndicale composée de cinq des principales organisations syndicales locales a annoncé mercredi qu'elle allait attaquer en justice cette disposition, qui "viole le code du travail".

Un tel recours "serait criminel", a déclaré la ministre du Travail Nicole Bouteau, estimant que tout le dispositif d'indemnisation était menacé: "si recours et annulation il y a, les dispositifs pris à l'Assemblée, tout cela tombe et la crise va être plus que majeure".

Pour financer ces indemnisations exceptionnelles, la Polynésie a demandé l'aide de l'État français, qui l'a assurée de la "solidarité nationale", mais "pour l'instant, nous n'avons pas eu de réponse concrète", a indiqué le vice-président Teva Rohfritsch.
 

Fonds de solidarité

L'État a par ailleurs signé lundi avec la Polynésie la mise en place du Fonds de solidarité pour sauver les petites et moyennes entreprises de la crise économique, comme en métropole. Il finance aussi la continuité territoriale, c'est-à-dire les liaisons aériennes avec l'Hexagone.

Depuis lundi, le confinement est allégé dans les îles polynésiennes non infectées, mais cela ne concerne pas Tahiti ni Moorea, qui regroupent les trois quarts des 280.000 habitants.

A Papeete et dans les communes voisines, certains quartiers s'apparentent à des bidonvilles, avec plusieurs dizaines de personnes dans un même logement, où le confinement est illusoire. Dans la commune de Mahina, le maire Damas Teuira a reconnu que les 600 repas fournis quotidiennement à la population défavorisée étaient loin de couvrir tous les besoins.

La collectivité a par ailleurs fourni près de 1,7 million d'euros en aides de solidarité, soit quatre fois le montant des aides attribuées en 2019, a précisé la ministre polynésienne de la Solidarité Isabelle Sachet. Il s'agit essentiellement d'aides alimentaires (53%) mais aussi d'aides matérielles (produits d'hygiène par exemple) ou en énergie, ou encore des relogements.