Plus de cinquante ans plus tard, son histoire résonne toujours dans le monde du rugby lorsque l’on évoque l’Afrique du Sud. Roger Bourgarel est le premier joueur de couleur « autorisé » par le gouvernement sud-africain à jouer contre les Springboks. Un fait historique marquant, raconté par l’ex-international, passé par le Stade Toulousain.
Un match héroïque
Aujourd'hui maire d'un petit village de 150 habitants dans la Haute-Garonne, Roger Bourgarel a été le héros de la tournée en 1971 en Afrique du Sud. Celui qui décrit les Sud-Africains de l'époque comme des " Buffles" se souvient parfaitement de leur jeu et de leur condition physique.
Au fur et à mesure de la tournée, on a vu qu’ils éliminaient tous les ¾. Ils partaient tous à la 'ferraille'. Ils disaient qu’ils 'mangeaient' les gars de devant. Derrière, on était embêtant, car on galopait partout.
Roger Bourgarel, ex-international français de rugby
Mais au-delà d'une confrontation hors norme, l'ailier a été confronté à des mesures ségrégationnistes, imposées par le gouvernement sud-africain de l'époque. Originaire des Antilles, Roger Bourgarel a été la cible des instances sportives de la compétition. Malgré ce fait historique, il devient le premier joueur de couleur "autorisé" à jouer contre les Springboks ( Afrique du Sud, NDLR).
Durant ce tournoi, dans lequel il a particulièrement brillé, l'histoire aurait pu être tout autre, car initialement, il n'était pas convoqué.
J’avais un devoir. D’abord, comme j’ai failli ne pas y aller, il fallait que je prouve quelque chose. Et surtout, un joueur de couleur ne pouvait pas jouer au rugby d’après le message des Sud-africains. S'il y avait un mur en face, je l’aurais défoncé. Je voulais leur prouver quelque chose.
Roger Bourgarel
Et lors de l'essai marqué par l'ailier antillais, tout le stade s'est levé, même, "la tribune réservée aux 'blacks' ".
Cela fait partie de mes grands plaisirs. J’ai eu la chance de marquer un essai à Johannesburg, juste en face de la tribune réservée aux « Blacks ». Le seul inconvénient, c’est qu’ils étaient entourés de gendarmes et de chiens. Lorsque j’ai marqué, ils ont tous sauté. Ça m’a fait quelque chose, j’étais le représentant d’une nation, la nation « noire ».
Roger Bourgarel
Et si cette situation choquait l'Équipe de France, c'était une motivation pour gagner les matchs disputés sur place : " Toute l’équipe de France ne pensait pas à la couleur. Quand on est arrivé, on ne comprenait pas, il y avait des zones pour les noirs, et d’autres pour les blancs. Alors qu’en France, à l’époque, il n’y avait aucun problème de discrimination".
Aujourd'hui, l'ancien joueur du Stade Toulousain reste dubitatif sur l'évolution de la société sud-africaine tant qu'il " ne l'a pas vu de ses propres yeux", malgré l'arrivée au pouvoir de Nelson Mandela une dizaine d'années après le tournoi.
J'ai vu cette évolution très tardivement. J’y suis allé en 1971 et il n’y a eu que des améliorations à partir de Mandela en 1984, avant ça il n’y a rien eu. Aujourd’hui, j’espère que l’avancée continue, mais je voudrais le voir. Pour l’égalité des personnes. Même si, par exemple, l’hymne est en plusieurs langues, ce n’est qu’une partie de l’avancement, mais il faudrait voir sur place comment ça se passe vraiment.
Roger Bourgarel
Pour l'heure, l'ex-international attend avec impatience la rencontre de dimanche soir entre la France et l'Afrique du Sud. Fin analyste du rugby moderne, Roger Bourgarel attend des Bleus qu'ils fassent " vivre le ballon", qu'ils "n'évitent pas l'affrontement". Et peu importe si la France se qualifie ou non pour le prochain tour, l'ex-ailier sera toujours et encore derrière les Bleus, sa "grande famille".