C’était l’une des auditions attendues dans le cadre de la commission d’enquête sur le coût de la vie en Outre-mer : celle des représentants du groupe Bernard Hayot. Comme son directeur général Stéphane Hayot l’a rappelé dans son propos liminaire, cette entreprise créée en 1960 en Martinique est présente aujourd’hui dans 17 territoires, dont la Guyane, la Guadeloupe et La Réunion.
Surtout, elle recouvre plusieurs activités dont l’automobile, la production de rhums et de yaourts, ou encore le béton. Mais c’est surtout le secteur de l’alimentaire qui intéressait ce mercredi les députés ultramarins. Ces derniers ont interrogé à plusieurs reprises Stéphane Hayot sur la position dominante que le groupe GBH occupe dans la grande distribution.
C’est le cas notamment de la députée réunionnaise Karine Lebon. Celle-ci citait le rapport intitulé Bolonyocte de l’Observatoire des prix, des marges et des revenus "qui a dénoncé la création d’un duopole Carrefour [géré par GBH sur l'île, NDLR] - Leclerc aux effets potentiellement dévastateurs à La Réunion".
"À en croire l’Observatoire des prix, des marges et des revenus, nous sommes en présence d’une fragilisation préoccupante des fournisseurs locaux et d’un appauvrissement de la diversité de l’offre qui s'effectue au détriment des consommateurs", pointe-t-elle du doigt avant de demander à Stéphane Hayot : "Votre situation in fine ne participe-t-elle pas à la vie chère étant donné la quasi-absence de concurrence ? Et si selon vous ce n’est pas le cas, pouvez-vous nous dire comment s’établit la fixation des prix et des marges ?"
"Pas de marges excessives"
À elle comme à tous les autres députés, la réponse de GBH est la même : le groupe n’est pas en position dominante, encore moins de monopole car "la concurrence en Outre-mer est très intense", et si les clients ne sont pas satisfaits, ils partent faire leurs courses ailleurs.
Il reconnaît cependant être leader à La Réunion avec 26,8% de parts de marché, mais assure avoir une part inférieure à celle de Casino en 2009, et être aujourd’hui talonné par Leclerc et Système U. En Guadeloupe, il avance le chiffre de 12,6% de parts de marché qui ferait aujourd’hui du groupe Hayot le 4e acteur de la distribution dans l'archipel. En Guyane, le groupe serait 3e avec 19,7% de parts de marché. En Martinique, il serait 1er avec 25% de parts de marché.
Le directeur général assure donc se battre pour survivre et se développer dans ce paysage concurrentiel en proposant des prix les plus compétitifs possibles. Et quand le député martiniquais et rapporteur Johnny Hajjar lui dit "ce que nous avons besoin de savoir, c’est le niveau des différentes marges", le directeur ne donne aucun chiffre mais met en avant les enquêtes de l’autorité de la concurrence en 2009 et 2019. "Je pense que s’il y avait eu des dysfonctionnements, des marges excessives, il y aurait eu des sanctions. Il n’y en a pas eu", assène-t-il.
L'exemple du conteneur de pâtes
"Les conclusions de ces enquêtes montrent toutes que les écarts de prix avec la métropole ne viennent pas de mauvais comportements des entreprises mais bien de contraintes structurelles, dont les principales sont la taille des marchés […] et l’éloignement géographique de nos sources d’approvisionnement", insiste Stéphane Hayot.
Christophe Bermont, directeur des magasins de GBH lui aussi auditionné, donne ainsi l’exemple d’un conteneur de pâtes de l’Hexagone vers la Martinique. Entre le transport maritime qui pèse 5.000 euros, l’octroi de mer de 9,5% sur l'île, les coûts de centrales d’achat et de plateforme, "vous vous retrouvez avec un conteneur de pâtes qui touche le sol de la Martinique 46% plus cher que son prix de départ", assure-t-il, avant même qu’un grossiste ou un distributeur ne prenne une marge.
Manque de transparence
Des chiffres difficiles à vérifier puisque le groupe ne communique pas ses comptes. Le député réunionnais Philippe Naillet a d’ailleurs rappelé ce point en citant un rapport de septembre 2022 de l’Observatoire des prix, des marges et des revenus. Celui-ci indiquait que le groupe Hayot était le seul à avoir refusé "de communiquer les résultats comptables de [ces] activités de distribution sur l’île de La Réunion".
"Ne serait-il pas préférable de jouer la transparence sachant que l’opacité entretenue sous-entend que vous avez des choses à cacher ?", interroge ainsi l’élu.
À cette question, Stéphane Hayot rétorque que "plus de 50% des entreprises à l’échelle nationale ne publient pas leurs comptes". "La seule raison, c’est qu’elles essayent de se protéger, de ne pas confier à leurs concurrents des informations sensibles et importantes, explique-t-il. Mais en réalité, nous faisons preuve d’une grande transparence avec l’administration."
Baisser les prix de 2.500 produits
Le groupe assure d’ailleurs qu’il fournira tous les documents nécessaires à la commission d’enquête parlementaire.
Le directeur a aussi avancé six pistes pour réduire le coût de la vie, comme développer la production locale, améliorer l’import-export avec les territoires proches ou revoir la fiscalité.
Il propose ainsi de supprimer le coût du fret et de l’octroi de mer pour près de 2.500 produits de première nécessité qui permettrait de baisser leur prix "de plus de 20%". Ce manque à gagner serait répercuté "sur des produits moins sensibles", comme les téléviseurs ou les smartphones en augmentant par exemple l’octroi de mer dessus.
Si les députés n’ont pas réagi sur ce point, on saura s'ils tiennent compte de cette idée lors de la remise du rapport le 8 août prochain.