Mais Fidel, "comme il était une figure si importante", a été "un Premier ministre unique en son genre", observe le chercheur cubain Arturo López-Levy, de l'université Holy Names en Californie. "Même si le président et chef d'Etat était Osvaldo Dorticos (1919-1963) et si constitutionnellement, Cuba avait un système présidentialiste, le pouvoir ultime du pays se trouvait dans la jeep de Fidel", ajoute-t-il.
Séparation des fonctions
En théorie, l'existence d'un Premier ministre signifie une séparation de pouvoirs, mais "la figure proposée aujourd'hui à Cuba est celle d'une séparation des fonctions, au sein du concept communiste d'unité politique", qui découle directement de l'idée de parti unique, souligne le chercheur. Le Parti communiste cubain (PCC) est en effet la seule formation politique autorisée sur l'île. Son journal officiel, Granma, a d'ailleurs mis les choses au clair : "Ce qui est prévu, c'est que le chef d'Etat ait un pouvoir important et qu'il soit assisté du Premier ministre dans l'accomplissement des fonctions du gouvernement".
Jusqu'à présent, le secret est bien gardé : le président Diaz-Canel n'a pas dit publiquement quel(le) candidat(e) il proposerait au Parlement. La Constitution établit un certain nombre de critères à respecter : nommé pour cinq ans, il doit être député, avoir au moins 35 ans, "se trouver en pleine possession de ses droits civils et politiques, être un citoyen cubain de naissance et ne pas avoir d'autre nationalité".
Changement de génération
Même si une seule option sera proposée aux députés, une "majorité absolue" d'entre eux doit voter pour lui. Il aura la capacité de "désigner ou remplacer des dirigeants et fonctionnaires" de l'administration centrale de l'Etat, et contrôlera le travail des gouverneurs de province. Lors de sa session cette semaine, le Parlement désignera aussi les ministres du gouvernement, soit en confirmant ceux en place, soit en en remplaçant certains.On peut s'attendre à un changement de génération : en un an et huit mois, depuis l'arrivée au pouvoir de Miguel Diaz-Canel, une majorité de ministres a changé, avec le départ d'une partie des généraux qui accompagnait Raul Castro quand il était président (2008-2018). Aujourd'hui il n'en reste que trois : le ministre des Forces armées Leopoldo Cintras Frias, celui de l'Intérieur Julio César Gandarilla et le secrétaire du Conseil des ministres José Amado Guerra.
L'aval du Parti communiste cubain
Le choix du Premier ministre devra recevoir l'aval du PCC, dirigé par Raul Castro, qui a montré lors de son mandat présidentiel qu'il n'aimait pas l'improvisation et souhaitera donc quelqu'un d'expérience. Diaz-Canel pourrait choisir parmi les cinq vice-présidents actuels, tous députés comme l'ensemble des ministres. Parmi eux, le commandant Ramiro Valdés, ancien combattant de la révolution, a déjà 87 ans, et l'économiste Ricardo Cabrisas, artisan de la renégociation de la dette, bientôt 83.Restent Roberto Morales, 52 ans, ex-ministre de la Santé et membre du Bureau politique du PCC, Inés Maria Chapman, 54 ans, spécialiste en hydraulique, et Jorge Luis Tapia, 55 ans, ex-Premier secrétaire du PCC en province. "Si je devais faire un pronostic entre les trois, je choisirais Jorge Luis Tapia, qui combine un profil économique et de l'expérience", avance Lopez-Levy. "Toutefois, je pense qu'il faut regarder plus loin, au sein même de l'Assemblée nationale" où se trouve peut-être le futur Premier ministre cubain.