Le courrier, rédigé à l’initiative du député martiniquais Jiovanny William (Gauche démocrate et républicaine, NUPES) a été adressé à la fin du mois de juillet aux ministres de la Culture, des Outre-mer et de l’Intérieur. Il a été co-signé par Jiovanny William, Karine Lebon, Marcellin Nadeau, Elie Califer, Jean-Hugues Ratenon, Moetai Brotherson, Tematai Le Gayic, Steve Chailloux, Johnny Hajjar, Stéphane Lenormand, Estelle Youssoufa, Olivier Serva, Max Mathiasin, Philippe Naillet, Mansour Kamardine et Nathalie Bassire.
Le texte rappelle tout d’abord « les contraintes économiques locales » des territoires d’Outre-mer, où le taux de location des films commandés par les exploitants « a été fixé depuis plus de 50 ans sur la base du pourcentage du chiffre d’affaires réalisé par le film commandé et diffusé ». Soit une moyenne de 35% dans les Outre-mer, contre 46% dans l’Hexagone.
Survie des petites salles en péril
« À notre grand regret, depuis le début de la crise sanitaire, les sociétés nationales détentrices de droits et distributrices, ont engagé une démarche consistant à aligner le taux de location pratiqué dans les Outre-Mer sur celui de la métropole », déplorent les députés. « Dans la foulée, la volonté affichée de supprimer le distributeur local implanté au sein de chaque zone géographique, va inexorablement fragiliser la capacité des exploitants d’Outre-mer à négocier le taux d’usage. » Pour les parlementaires, ce projet, s’il se concrétisait, mettrait en péril « la survie des petites et moyennes salles locales » ainsi que « la promotion de la culture et des divertissements en Outre-mer ». En effet, cela impliquerait inexorablement une augmentation du billet d’entrée pour compenser le relèvement du taux de location.
Aussi, nous souhaitons que chaque collectivité d’Outre-mer concernée, continue à rétribuer les distributeurs, sur la base du plafond le plus bas, soit selon une fourchette comprise entre 25% et 35% et au lieu des 25% à 50% visés par les dispositions de l’article L.213-11 du Code du Cinéma et de l’Image Animée.
Courrier commun des élus d'Outre-mer
Pour les députés, une hausse du coût des billets « impacterait l’accès aux salles de cinéma, à la culture et aux loisirs », dans des territoires où la diversité de l’offre est déjà faible. « Nous ne voyons aujourd’hui aucune autre issue pour garantir la survie des exploitations cinématographiques ultramarines, ainsi que l’accès de la population aux œuvres cinématographiques. Sauf à vous engager dans le cadre de la prochaine loi de finances pour 2023, à compenser l’augmentation de ce surcoût sur le consommateur final ou aux côtés des petites salles ultramarines afin d’assurer une continuité territoriale et culturelle ».
"On ne comprend pas"
« Toutes les salles en Outre-mer payent leurs films 35% de leurs recettes. Dans l’Hexagone, c’est 50%. En Outre-mer c’est 35% pour des raisons historiques liées à un modèle économique qui n’a rien à voir », renchérit Alexandra Elizé, directrice du complexe cinématographique Madiana de Schoelcher, au micro de Martinique La 1ere. « Si le taux de location augmente, les salles ne pourront pas survivre. Donc soit elles augmentent le prix du ticket, soit elles ferment. La question c’est jusqu’où vont-elles augmenter le prix du ticket et est-ce qu’elles vont survivre en augmentant le prix du ticket ? On a fait des simulations, ça fait passer la place à 11 euros mais avec une fréquentation comme en 2019 (à Madiana le tarif normal est actuellement de 9,30 euros, ndlr). Cela veut dire qu’il faut passer à 13 ou 14 euros pour arriver à un équilibre ? Ce n’est juste pas possible. »
« On ne comprend pas pourquoi les distributeurs veulent faire cela aujourd’hui alors que ça fait plus de 50 ans qu’on paie les films à 35% de nos recettes. On sait qu’il y a un rapport de l’inspection des finances qui dit que surtout il ne faut pas augmenter ce taux, et en sortie de crise alors même qu’on a baissé notre fréquentation on nous dit que l’on va augmenter le taux. Pourquoi ? On ne sait pas », conclut-elle.
Dans leur courrier, les parlementaires se disent prêts, « sans arbitrage concluant entre les parties en présence », à porter une proposition de loi : « Elle tendra naturellement à modifier les dispositions de l’article L.213-11 du Code du Cinéma et de l’Image Animée et à plafonner le taux de location à 35% pour l’ensemble des exploitants situés au sein de nos collectivités ».