34 millions d'euros, c'est la somme collectée par la Fondation de France pour Mayotte depuis le 15 décembre dernier. "C'est la 2e plus grande collecte dans notre histoire" derrière l'opération Tous unis contre le Covid en 2020, souffle Karine Meaux, responsable des urgences de la Fondation. Un montant exceptionnel et un élan de générosité auquel s'est associé France Télévisions, à travers une soirée de soutien et de solidarité à Mayotte, le 17 décembre dernier. "C'est assez extraordinaire et on est vraiment reconnaissant vis-à-vis des donateurs."
Mais où va aller cet argent ? Concrètement, à des associations et des organismes privés à but non lucratif et dans un premier temps à "des associations locales pour venir en aide sur les besoins prioritaires que sont l'accès à l'eau, l'accès à l'alimentation, la réparation de tous les systèmes hydrauliques, l'assainissement" car Mayotte est "encore aujourd'hui dans une phase d'urgence".
La responsable des urgences sait de quoi elle parle : la Fondation de France a plusieurs années d'expérience des situations d'urgence, elle a géré notamment l'après-Irma aux Antilles en 2017.
Compagnons bâtisseurs
"Nous avons un comité d'experts bénévoles avec sept personnes qui connaissent Mayotte et dans des secteurs très différents (santé mentale, architecture – urbanisme, société civile, environnement, eau, etc.)", liste-t-elle. En remontant les informations des pouvoirs publics, des associations, des médias, des visites de terrain, le comité "arrive à cerner quelles ont les priorités et à décider des financements à accorder à telle ou telle association de façon prioritaire ou pas".
Karine Meaux était elle-même à Mayotte ces derniers jours pour une mission dite "exploratoire" c'est-à-dire de prise de contact avec les associations pour les soutenir psychologiquement et faciliter les échanges dans le futur. "Cela va favoriser le dialogue et la transparence", assure-t-elle. Elle va bientôt y retourner avec cette fois les compagnons bâtisseurs, une association française avec laquelle la Fondation "avait travaillé dans les Antilles en 2017, qui a depuis beaucoup développé son réseau dans les Outre-mer".
Objectif de cette mission : réfléchir à la façon optimale de réparer et reconstruire. "Il y a beaucoup de travail à faire, explique Karine Meaux. Il y a des fonds mais la reconstruction coûte aussi très cher donc il va falloir inventer des choses et surtout bien cibler les populations les plus vulnérables et les actions les plus durables."
Filtres à eau et antennes satellites
La Fondation de France est l'un des organismes les plus visibles avec la Croix-Rouge, mais elle n'est pas la seule à financer les associations mahoraises. C'est aussi le cas du Secours populaire qui soutient financièrement deux partenaires sur place, l'association Horizon basée à Tsingoni et l'association des étudiants et des jeunes de Mayotte (AEJM) à Dembéni.
Si la fédération du Secours populaire ne peut pas encore comptabiliser les dons du fait de collectes décentralisées organisées par des antennes locales un peu partout en France, elle a déjà débloqué 100.000 € de son fonds d'urgence qui ont permis de lancer deux missions. Lors de la première du 20 au 28 décembre, cinq personnels sont allés à Mayotte avec entre autres, dans leurs valises, des filtres à eau, des pastilles pour purifier l'eau à destination des deux associations pour que celles-ci les redistribuent.
Parmi les membres de ce premier voyage, Christian Lampin, secrétaire national du Secours populaire qui évoque aussi les problèmes de communication depuis le passage du cyclone Chido : "On a amené des antennes satellites qu'on a laissées à nos partenaires comme cela, ça permet aux gens de venir à l'association, de pouvoir se connecter et de pouvoir appeler la famille. On a laissé également des batteries solaires pour recharger son téléphone ou recharger du petit matériel électronique, c'est très important comme il n'y a pas d'électricité encore dans certains villages."
Des semences pour replanter
Cette première mission a permis aussi de recenser les besoins des agriculteurs qui doivent replanter au plus vite manioc et banane pour à la fois se nourrir, nourrir leur famille, et retrouver une activité rémunératrice. Une seconde mission est donc déjà partie ce dimanche et reste dans l'archipel jusqu'au 10 janvier.
"Donc on va apporter là des semences, des tomates aussi, des aubergines, des melons, des pastèques, des choses qui poussent assez facilement sur l'île pour permettre aux agriculteurs et aux familles de pouvoir replanter très vite pour pouvoir, dans les mois qui arrivent, avoir un moyen de subsistance et puis de pouvoir continuer leur activité", explique Christian Lampin qui suit la mission à distance.
Le Secours populaire va également recenser les besoins des pêcheurs qui ont perdu tout leur matériel de pêche et leur embarcation avec le cyclone. "On est en train de voir comment on va pouvoir les aider, même matériellement, à faire l'acquisition de petites embarcations pour pouvoir retourner en mer", poursuit le secrétaire national de la fédération.
Le coût élevé du fret
Du côté de la fédération nationale de la Protection Civile - à ne pas confondre avec les militaires de la Sécurité civile -, les dons s'élèvent au 6 janvier à 2,5 millions d'euros. Une somme "essentiellement en provenance des collectivités locales car nous avons dès les premières heures fait une collaboration avec l'AMF, l'association des maires de France", explique Jérémy Crunchant, porte-parole de l'association.
De l'argent qui sert à financer du matériel – eau, denrées alimentaires, matériel médical pour l'hôpital, des dispensaires en création et les maraudes sanitaires – la présence d'une aide humaine sur place. "Depuis les premières heures, on a 50 personnes de la Protection Civile en permanence sur place et elles se relaient tous les 15 jours", détaille-t-il. Du personnel qui assure un "maillage ultra-local", poursuit-il avant de donner des exemples : "Ce matin (lundi 6 janvier, NDLR), on avait encore des élus locaux qui nous demandaient d'intervenir dans les écoles qui vont rouvrir la semaine prochaine pour pouvoir les aider à remettre en état les établissements scolaires ou alors déblayer une rue... Ce sont des missions directes en lien avec les maires."
Aujourd'hui les services techniques de certaines communes sont débordés à Mayotte et donc un appui d'une équipe d'une dizaine de bénévoles pendant quelques heures, ça les soulage énormément.
Jérémy Crunchant, la Protection Civile
Mais transporter ce personnel et ce matériel a un coût que ce soit depuis leur plateforme de La Réunion ou depuis l'Hexagone. "Cela coûte très cher en matière logistique, reconnaît Jérémy Crunchant. Avec l'ouverture des vols commerciaux, on essaye de faire passer des choses également, c'est ça qui nous coûte cher."
Manque de médicaments
Des problèmes logistiques, c'est aussi ce que rencontre l'ONG médicale Médecins du monde : "Aujourd'hui l'aéroport est rouvert, donc il y a la possibilité de faire arriver du matériel, pour nous c'est en particulier les médicaments, mais il y a encore des problèmes d'autorisation pour qu'ils puissent arriver sur place, regrette Guillaume Cotillard, directeur de la communication et du développement chez Médecins du monde. Au fur et à mesure que les choses se renforcent, on arrive à faire évoluer les volumes, mais ils sont bien en dessous de ce qu'on aimerait pouvoir faire arriver sur place."
En attendant l'ONG, présente à Mayotte depuis 2007, assure des maraudes en collaboration avec d'autres organismes : "Nous on a du personnel médical qui est du personnel infirmier et puis vous avez Médecins sans frontières qui va avoir du personnel médecin qui va joindre nos équipes sur place."
Car "toute une partie de la population ne va pas vers les centres de santé", détaille Guillaume Cotillard. Donc on a la possibilité d'aller à leur rencontre pour des soins de santé primaire et de faire de l'orientation aussi pour pouvoir renvoyer les personnes vers les bons centres de santé."
Médecins du monde n'a certes pas la somme récoltée par la Fondation de France et ne peut pas encore comptabiliser le total des dons récoltés en 2024, mais "a enregistré 811.000 euros de plus par rapport à 2023".
De l'argent qui pourra permettre d'acheminer plus de médicaments "et des choses très simples comme le carburant pour pouvoir se déplacer avec les cliniques mobiles". Un nombre de cliniques mobiles que l'ONG espère augmenter.