Soigner sa sortie. La décider. Ne pas la subir. Surtout pas. Thélia Sigère fait partie de ces athlètes qui n'ont pas eu cette chance. Une blessure au mauvais moment. L'envie de s'extraire du moule fédéral. De construire aussi la suite. La Martiniquaise a connu tout ça. Finissant par mettre un terme à sa carrière sans vraiment s'en rendre compte. Dans l'anonymat. Cruel.
Avant un dernier rêve. Celui du retour. Ultime. En 2021. Avec le relais des Jeux Olympiques de Tokyo. "Malheureusement, ça ne s'est pas fait. Tant pis. J'ai accepté l'idée que le temps avait passé. C'est une page qui se tourne. Depuis que je suis en accord avec cette réalité, je me sens beaucoup mieux", assume-t-elle.
Coach sportive à plein temps
En septembre prochain, Thélia Sigère va devenir son propre patron : "Avant cela, j'avais la chance de travailler pour le groupe Nike à Lyon. Mon activité de coaching sportif s'organisait pendant mes périodes de repos."
Nouvelle vie pour la Martiniquaise. Changement de statut. La voici micro-entrepreneure : "En France, tout tourne autour du salariat, du fameux CDI. Se lancer à son compte représente une certaine prise de risques. Il y a une appréhension logique. C'est à moi maintenant de générer mon chiffre d'affaires. Même si je ne suis pas non plus une aventurière. J'assure toujours mes arrières."
Dans le domaine du coaching, Thélia n'a plus l'étiquette de débutante : "Je fais ça depuis quatre ans. Le retour des clients est bon." Et à partir de septembre, elle compte aussi intéresser les entreprises. "C'était mon idée première, raconte-t-elle. Sauf que le Covid et les confinements ont tout chamboulé."
Retour du ciel bleu en cette année 2023. Thélia Sigère vise une clientèle de particuliers ET de sociétés. "La qualité de vie au travail est devenue une priorité. Les boîtes ont compris que le sport ne représentait pas qu'un simple divertissement. Cela booste vraiment la productivité des salariés", assure-t-elle.
Un savoir-faire qui manque de faire savoir
L'ex-reine du 400 mètres a déjà de l'expérience dans la fonction de coach. Une coach appréciée. Sans oublier son beau CV d'athlète de haut-niveau. Que demander de plus ? Peut-être une certaine faculté à se vendre. "Je ne sais pas me mettre en avant. Ce n'est pas naturel chez moi, avoue-t-elle. Face à un décideur, je mets du temps à parler de mon parcours en équipe de France. Généralement, il ouvre alors de grands yeux. Comme s'il commençait à me prendre au sérieux. Et puis c'est vrai que je manque de présence sur les réseaux sociaux. Je vais devoir m'y mettre plus souvent. Il faut que je me force."
Car pour le reste, tout va bien. Merci. Thélia Sigère ne ressemble plus du tout à la coach de ses débuts : "Lorsque je me suis lancée, je voulais faire un truc carré. Comme avec des pros. Résultat : les gens étaient déjà KO après l'échauffement !"
La Martiniquaise a tout revu. Tout transformé. "Je suis très à l'écoute. C'est primordial, explique-t-elle. Je pratique par paliers. Afin que mes clients ne se rendent pas compte de la difficulté qui s'accroît. C'est beaucoup de psychologie. Il faut savoir conforter la personne tout en la poussant à se dépasser. Mais sans jamais cesser de l'écouter."
Une préférence pour les anonymes
Ce métier de coach, la Martiniquaise ne le conçoit que dans le monde amateur. Pas question de replonger dans l'univers professionnel : "C'est beaucoup trop ingrat. Chez les pros, tu dois gérer les egos des uns et des autres. Tout en travaillant en permanence sur leurs cycles de travail et de repos. Tu es confrontée au calendrier qui est fixe et les bobos éventuels qui viennent tout contrarier. Tu peux vite y perdre le sommeil. Ta tête explose. Ce n'est pas pour moi. J'ai une vie, une fille."
D'autant plus que la reconnaissance semble bien meilleure dans le monde des anonymes qu'elle a choisi. "Les résultats sont souvent immédiats. C'est gratifiant", sourit-elle. Thélia Sigère se sent épanouie avec Monsieur et Madame Tout-le-monde : "Ils m'ouvrent d'autres horizons. Voilà des gens qui ne sont pas autocentrés." Des gens que la pandémie de Covid a aussi transformés. "Ils ont tout simplement compris que l'activité physique était primordiale. Ne rien faire, ce n'est pas une vie, ce n'est pas la vie."