La délégation aux Outre-mer auditionne les représentants de l'Etat et des élus sur la situation sanitaire et économique en Guyane

La délégation aux Outre-mer, réunie sous la présidence d’Olivier Serva, député de Guadeloupe, a auditionné ce lundi 20 juillet sous la forme d’une visioconférence une dizaine de représentants de l'Etat et d'élus sur la situation sanitaire et économique en Guyane. 
"La Guyane, territoire de 300 000 habitants, grand comme le Portugal, fait par partie depuis le mois de mai de ces départements français les plus durement touchés par le Covid-19". C'est avec ces mots que le président de la délégation aux Outre-mer a ouvert cette audition sur la situation sanitaire et économique en Guyane à laquelle ont été notamment conviés Rodolphe Alexandre, le président de la Collectivité territoriale de Guyane, Marc Del Grande, le préfet de Guyane ou encore Clara Debort, la directrice de l'Agence régionale de santé. 

"Le territoire dépasse le seuil d’alerte avec plus de 50 nouveaux cas pour 100 000 habitants détectés au cours de ces derniers jours", a indiqué Olivier Serva avant d'avancer les nombreuses questions que se pose aujourd'hui la délégation aux Outre-mer sur cette crise sanitaire en Guyane. 
 

Les chiffres cités sont-ils exacts ou sous-estimés ? Quels sont les éléments qui peuvent vous faire redouter une propagation du virus ou au contraire espérer un ralentissement de la pandémie ? Quelles sont les attentes de la population guyanaise à l’égard des autorités nationales sur le plan sanitaire et économique ? L’aide apportée par l’Hexagone est-elle efficace et suffisante ?

Olivier Serva 


Premier à prendre la parole, le préfet de Guyane a d’abord insisté sur le point de départ de l’intervention des services de l’Etat en Guyane dans la gestion de la crise, "dès avant l’instauration au niveau national des mesures de confinement et alors que depuis le 3 mars, 5 cas positifs étaient détectés sur le territoire de la Guyane de retour du rassemblement bien connu de Mulhouse".

Marc Del Grande a ensuite rappelé les mesures prises dans la gestion de cette crise sanitaire : protection de la population, contrôle et fermeture des frontières, tests, organisation de mesures de confinement ciblées, quarantaines strictes dans des "clusters", point d’information hebdomadaire avec les élus, l’ARS, l’Institut Pasteur…, mise à disposition de plus d’un million de masques, mesures de couvre-feu,…

Claire Debort, la directrice de l’agence régionale de santé a indiqué pour sa part que la Guyane comptait à ce jour plus de "6655 cas, ce qui correspond à peu près à 2300 cas pour 100 000 habitants. L’Hexagone est à 313 cas pour 100 000 habitants".

Elle a néanmoins indiqué que le contexte du dépistage n’était pas le même. Il est, en effet, beaucoup plus élevé en Guyane.
 

Depuis fin février, nous avons réalisé près de 32 000 tests, soit plus de 10 % de la population" précise la directrice de l’ARS qui affirme, avec la prudence nécessaire, que "le pic de l’épidémie aurait été franchi entre le 3 et le 8 juillet et la courbe des décès devrait marquer le pas dans les jours à venir.

Clara Debort


Le directeur du centre hospitalier de Cayenne a souligné de son côté l’effort d’organisation et de réorganisation de l’ensemble du personnel de l’hôpital pour accueillir les patients. "Ce matin, il y a avait 19 patients en réanimation", a indiqué Christophe Robert qui a voulu insister sur le la gestion du matériel et notamment des masques."On a toujours su éviter la rupture", malgré, affirme-t-il, "des tensions très fortes".
 

Réaction trop tardive 

"J’ai l’impression que tout va bien, que tout a été bien fait…", a déploré pour sa part le député de Guyane Gabriel Serville qui s'est attaché à modérer les propos des autorités sanitaires. "Lorsque nous avons déconfiné le 11 mai nous étions à 134 cas de personnes atteintes, aujourd’hui je crois nous sommes autour de 6 700. A peine deux mois après plus tard, on a multiplié le nombre de malades par 50". Le député de Guyane regrette la réaction, selon lui, "trop tardive" des autorités sanitaires.
 

La Guyane, dernière roue du carrosse

"La pandémie a révélé la fragilité du système hospitalier et de santé en Guyane", estime pour sa part Rodolphe Alexandre.
 

Il est inadmissible que nous soyons la dernière roue du carrosse avec la Corse, et que la Guyane ne bénéficie pas d’un Centre hospitalier Universitaire.

Rodolphe Alexandre


Sur le plan de l’éducation, Rodolphe Alexandre assure qu’avec le recteur "nous faisons tout pour que septembre, au pire octobre, nous puissions avoir une rentrée décente pour nos enfants qui depuis 5 mois ne disposent pas d’une formation pédagogique, dans un territoire où la fracture numérique est considérable".

Rodolphe Alexandre a également insisté sur l’aide aux restaurateurs et aux agriculteurs grâce notamment aux fonds européens pour ces derniers et enfin sur la nécessité de se préparer à l’après Covid.
 

Donner à la Guyane les moyens de se soigner

Pour le président de l’association des maires de Guyane, "cette crise sanitaire a mis en lumière l’état sanitaire de la Guyane" et David Riché de citer le journal Le Monde qui présentait la Guyane comme "le tiers-monde sanitaire". "Une fois que la crise sanitaire sera passée, il faudra donner les moyens à la Guyane de se soigner", affirme-t-il.  
 

Risque d'effondrement 

Sur le plan économique, Carine Sinaï-Bossou, présidente de la Chambre de commerce et d’industrie de Guyane, a pour sa part dressé un tableau inquiétant de la crise sanitaire sur l’économie guyanaise.
 

Nous sommes face à un risque d’effondrement de l’économie guyanaise et il faut s’y préparer.

Carine Sinaï-Bossou


Et ce, malgré les dispositifs et aides de l’Etat comme le doublement du fonds de solidarité à 3 000 euros ou encore le report du paiement des charges fiscales et sociales. Ces aides et accompagnements pourront sauver de la faillite de nombreuses entreprises, estime Carine Sinaï-Bossou dont la crainte repose essentiellement sur l’après-crise sanitaire. "Il va falloir aider les entreprises à remplir à nouveau leur carnet de commande de manière à ce qu’elle retrouve le plus vite possible une activité normale".