Depuis le pôle Sud, le Martiniquais Celas Marie-Sainte partage son "rêve de gamin"

Celas Marie-Sainte, au zénith sur le Pôle sud.
Assistant de recherche sur le projet IceCube au pôle Sud géographique, Celas Marie-Sainte raconte son quotidien sur les réseaux sociaux. Une vie que le Martiniquais d'origine n'aurait pas imaginée, et qu'il espère inspirante.

Comment travailler dehors par -70° C ? Que mettre dans sa valise pour aller dans l'Antarctique ? Peut-on organiser une pride LGBT au Pôle Sud ? Autant de questions auxquelles peu de gens pensent, mais qui, une fois posées, viennent chatouiller les méninges. Y apporter des réponses a été le défi de Celas Marie-Sainte, assistant de recherche parti en mission dans l'Antarctique. Au pôle Sud géographique, exactement, sur le projet IceCube Neutrinos Observatory.

Celas Marie-Sainte, au travail dans l'Antarctique.

Un détecteur géant, le premier au monde, large d'un kilomètre et profond de près de 2,5 kilomètres, capable de détecter des particules appelées "neutrinos". Grâce aux traînées lumineuses que ces neutrinos laissent dans la matière en la traversant, un consortium de scientifiques de 14 pays a été en mesure d'en apprendre plus sur l'univers.

Pingouins, neige et boîtes de conserve

Sur TikTok, YouTube et Instagram, l'Homo Antarcticus", martiniquais d'origine, raconte son quotidien, démystifie son travail de scientifique et lève le voile sur cette région du globe. "Partager mon quotidien sur les réseaux, c'était l'occasion de parler de quelque chose d'exceptionnel, mais aussi de débunker des fake news", relate-t-il. Non, il n'est pas interdit d'aller au pôle Sud. Non, il n'y a pas de pingouins. Et non, la Terre n'est pas plate, en témoigne le cycle des saisons, bien différent de celui rencontré dans nos latitudes. "En un an, le soleil se lève une fois, et se couche une fois", explique-t-il.

L'hiver, "c'est cinq mois de nuit totale", entre mars et septembre. Pas de soleil, des températures entre -30° C et -80° C, pas d'animaux, pas de vie à part celles des chercheurs, pas d'autre nourriture que celle en boîte ou congelée, et surtout, pas de possibilité de rapatriement avant la fin de la saison. Alors, pourquoi l'Antarctique ? "C'est un gros mélange entre rêve de gamin et peur de rien", sourit Celas. 

La vie de bureau, le productivisme, la routine, très peu pour lui. Il aurait pourtant pu passer à côté de cette carrière. Dans son lycée, à Saint-Malo, il y avait ceux qui faisaient de la musique, du sport et des grandes écoles, et ceux, qui, comme lui, n'avaient "accès à rien", faute d'informations, de moyens et de capital socio-culturel. "Je voulais devenir astrophysicien sans trop savoir ce que ça voulait dire", rigole-t-il aujourd'hui. Il choisit son DUT un peu par hasard, en découvrant sur Admission Post-Bac – l'ancêtre de Parcoursup – les intitulés des formations.

Viser les extrêmes

Diplôme en poche, Celas réalise vite qu'il ne veut pas rester cloué derrière un écran. "Comme j'avais envie d'extrême, de voyager, j'ai tapé le nom de mon diplôme "+ Antarctique"", se remémore-t-il. "Et là, je découvre qu'il y a des postes et de vrais gens qui partent travailler là-bas, que j'ai le profil, et que l'institut polaire français cherche quatre personnes pour des postes sur Crozet, Kerguelen, Amsterdam et Dumont d'Urville". Bingo. Celas passe un an à Crozet en tant qu'électronicien, où il aide des biologistes à suivre une population de manchots. Après avoir repris ses études, il part sur la station franco-italienne Concordia, au centre du continent antarctique, puis postule auprès des Américains sur le projet IceCube Neutrino Observatory. 

Celas explique le but de ses recherches et son parcours :

Celas Marie-Sainte raconte son parcours et ses recherches. ©Marie Boscher - La 1ère

De clics en clics, l'ingénieur de 33 ans, qui n'était "pas le meilleur" en classe, s'est construit un parcours hors du commun, qu'il ne veut ni "larmoyant", ni mis "sur un piédestal". "Je ne suis pas plus intelligent qu'un autre et je veux juste montrer que c'est accessible", insiste Celas. Ce "breton de couleur" tient à "montrer que quand on est Noir, on peut aller travailler au milieu des Blancs", même si "rien n'est fait pour donner l'accès aux Noirs." Montrer aussi que le milieu scientifique peut être un espace bienveillant, ce que Celas a fait en organisant la première pride polaire.

C'est intéressant de parler d'où on vient, de ce que l'on fait, pour ramener les choses à une certaine réalité. Je suis un mec normal qui vit une vie avec des gens sains autour de lui, qui vient d'une famille normale, d'un milieu hétéronormé. Je ne suis pas juste une vitrine. C'est hyper important de détruire l'idéalisation. 

Celas Marie-Sainte

Après un an dans l'Antarctique, Celas prépare déjà son retour sur la glace pour un nouveau projet. Avec toujours à cœur de partager ses expériences exceptionnelles, dans l'espoir d'inspirer d'autres gamins de sa trempe à se lancer dans les sciences.