Des descendants d'esclaves devant la Cour de cassation pour demander réparation

Le Mouvement international pour les réparations (MIR) en Martinique, le Conseil mondial de la diaspora panafricaine (CMDPA) et des descendants d'esclaves ont déposé un recours contre la loi Taubira. Ils demandent des réparations financières en plus de la reconnaissance de la traite négrière.
Les descendants d'esclaves pourront-ils obtenir réparation ? La Cour de cassation a examiné jeudi un recours contre la loi de 2001 qui a fait de l'esclavage un crime contre l'humanité mais qui n'a pas prévu d'indemnisation pour les conséquences de la traite négrière. La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire dira jeudi si elle transmet ou non cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel.
 

Reconnaissance, mais pas d'indemnisation

En mai 2001, une loi, dite loi Taubira, reconnaissait l'esclavage et la traite comme crimes contre l'humanité. Le texte est cependant exempt de toute référence à la notion de réparation des crimes de traite et d'esclavage : il ne prévoit pas et ne permet pas d'indemnisation.

La QPC a été déposée par le Mouvement international pour les réparations (MIR) en Martinique, le Conseil mondial de la diaspora panafricaine (CMDPA) et des descendants d'esclaves. 
 

Pas de "préjudice direct" pour les descendants

En 2005, ils avaient assigné l'État français devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France. Après avoir été déboutés, ils avaient interjeté appel. Mais en décembre 2017, la cour d'appel a refusé de reconnaître l'existence d'un préjudice direct et personnel subi par les demandeurs, "près de deux siècles après l'abolition définitive de l'esclavage" par la France en 1848. Elle a déclaré irrecevable car prescrite l'action en réparation qu'ils avaient formée.
 

Droit à la réparation, morale et financière

Leur avocat Patrice Spinosi qualifie la loi de 2001 de "faux-semblant": "il y a la volonté de ne pas engager l'État et de se borner à une déclaration de principe", a-t-il critiqué dans sa plaidoirie. "Il ne suffit pas de reconnaître" que l'esclavage est un crime contre l'humanité, "il faut aussi le droit à réparation, quelle que soit le forme de la réparation", a-t-il ajouté.

La loi porte atteinte "au principe constitutionnel de répression des faits d'esclavage (...) ainsi qu'au principe constitutionnel de responsabilité, au droit à un recours juridictionnel effectif, au principe d'égalité devant la justice", a argué l'avocat. 

L'avocat général a de son côté préconisé que la QPC ne soit pas transmise au Conseil constitutionnel.
 

Traumatisme générationnel

Le président du MIR, le Martiniquais Garcin Malsa, était présent à l'audience. "Nous sommes marqués par des traumatismes énormes transmis de génération en génération", a-t-il déclaré à l'AFP. "Il faut que les criminels, dont l'État, soient jugés, ainsi que leurs complices, ceux qui ont gagné de l'argent et qui continuent de bénéficier des terres en Martinique", a-t-il dit. "La réparation doit être morale et aussi financière", pour cet ancien élu indépendantiste.