Deux tableaux peints par Gauguin aux Marquises et exposés aux États-Unis, soupçonnés d'être des faux

Le tableau "L'Invocation" réalisé par Paul Gauguin en 1903 et exposé à la National Gallery de Washington, pourrait être un faux.
Le musée des Beaux-Arts de Boston et la National Gallery de Washington pourraient avoir exposé des faux tableaux de Paul Gaugin. C'est un amateur du peintre qui a mené l'enquête sur les deux œuvres, immortalisant des paysages de Polynésie.
Simple erreur ou vraie malhonnêteté ? Quoiqu'il en soit, pour le collectionneur Fabrice Fourmanoir, deux tableaux de Gauguin exposés aux États-Unis sont des faux. L'Invocation, exposée à la National Gallery de Washington, et Femmes avec un cheval blanc, que l'on peut voir au Musée des Beaux-Arts de Boston, ont été peintes en 1903 par le peintre aux îles Marquises. Les deux toiles avaient été commandées et vendues par le marchand d'art de Paris, Ambroise Vollard, au début du XXe siècle.
 

"Le tableau le plus faible dans la pièce"

Mais selon Fabrice Fourmanoir, il n'en est rien. Et c'est la manière dont sont peints les corps nus qui lui a mis la puce à l'oreille. "Disgracieux", "vulgaire", "non inventif" : dans un entretien accordé au Washington Post, l'amateur d'art ne mâche pas ses mots pour décrire le dessin des femmes sur le tableau L'Invocation. Lui qui se présente comme un passionné de la Polynésie, ayant vécu aux Marquises et à Tahiti, dit ne pas pouvoir s'y méprendre. "Je connais les Polynésiens, leur culture, leurs légendes, leur langue, leur philosophie, leurs croyances magiques et leur façon de vivre".

Dans un article du Washington Post signé du critique d'art Paul Richard après le don du tableau au musée en 1976, la qualité de la peinture était déjà remise en question ."C'est le tableau le plus faible dans la pièce", notait l'auteur dans les colonnes du journal. 
 

Le trait de pinceau est maladroit, les couleurs boueuses, les jeunes filles des mers du sud grossièrement dessinées.

Paul Richard, critique d'art

 

Gauguin malade

Fabrice Fourmanoir émet également des doutes sur la possibilité que Gauguin ait pu peindre à quelques mois de sa mort (8 mai 1903), alors qu'il souffrait d'un terrible ulcère à la jambe. "Il était dans une situation extrêmement compliquée", explique le collectionneur. "Qu'il ait pu peindre au début de l'année 1903 relève presque du miracle". Selon lui, les 13 toiles réalisées par Gauguin l'année de sa mort seraient toutes des fausses.

Son état de santé pourrait expliquer la signature "très faible" au coin droit de la peinture Femmes avec un cheval blanc, sans le P et le G caractéristiques du peintre, à moins qu'elle ait été falsifiée. 
En revanche, la présence d'une croix catholique en arrière-plan de L'invocation s'explique moins. Elle aurait dû être cachée par les arbres, mais surtout, aurait pu tout simplement ne pas être peinte, puisque Gauguin était "à couteaux tirés" avec l'évêque qui l'avait érigée. 
   

Doutes pris au sérieux

Une porte-parole de la National Gallery de Washington a indiqué "prendre très au sérieux la question de l'attribution et de la provenance" de ces tableaux. "Nous avons profondément étudié L'Invocation, en parlant avec des chercheurs et l'intégrant dans des programmes de recherche." Un défi particulier car les derniers travaux de Gauguin sont difficilement retraçables : "Il était souvent malade et il vivait aux Marquises, il y a peu de documents fiables concernant sa production là-bas." Des analyses scientifiques pourraient être poussées dans les deux musées afin d'établir la vérité sur les tableaux de Gauguin. 

Fabrice Fourmanoir n'en est pas à son coup d'essai puisqu'en janvier, il avait déjà permis d'identifer un faux tableau de Gauguin au Getty Museum de Los Angeles, L'idole marquisienne, achetée plus de 3 millions de dollars.