Deuxième vague : pour Charlotte Joseph, aide-soignante guadeloupéenne en Île-de-France, "l’angoisse est toujours là"

Si l’unité de soins de longue durée dans laquelle travaille Charlotte Joseph est plutôt épargnée par la deuxième vague, l'inquiétude est bien présente et le manque de personnel se fait pesant.
"On est vigilant +++ !" Charlotte Joseph travaille de nuit dans une unité de soins longue durée dans les Hauts-de-Seine. À ce jour, l’établissement ne compte aucun cas de Covid-19 depuis le début de la deuxième vague. Pour l’aide-soignante, c’est en grande partie grâce à l’observation minutieuse du protocole sanitaire mis en place lors de la première vague et non relâché depuis.
 

Un protocole sanitaire efficace

"C’est beaucoup plus strict depuis deux semaines et le début du reconfinement", détaille la Guadeloupéenne. En plus du port du masque, des désinfections permanentes et du port des surblouses, le nombre de visites est limité et le moindre soupçon de cas de Covid est immédiatement pris au sérieux.

On fait vraiment attention. Dès que quelqu’un a de la fièvre, on le surveille. On fait tout de suite un test antigénique et en 15 min on a le résultat. Bien entendu on fait aussi un test PCR par la suite. On isole la personne sept jours. Et si un patient tousse, il doit porter un masque.


Aujourd’hui l’établissement "a des stocks" et "ne manque pas d’équipements". Une différence de taille par rapport à la première vague. "C’était très difficile", souffle à plusieurs reprises Charlotte Joseph en se remémorant cette période difficile. Même si son unité est restée "plutôt préservée", l’établissement a eu 27 décès à déplorer. "On n’avait pas le matériel nécessaire… Pas de masques, de surblouses, de gel hydroalcoolique", détaille-t-elle. 
 

Manque de personnel 

Mais si le respect du protocole prouve son efficacité, il n’en est pas moins épuisant pour le personnel hospitalier. Chez Charlotte Joseph, la fatigue est latente depuis le mois d’avril. Les renforts envoyés durant le premier confinement ne sont plus qu’un lointain souvenir pour l’aide-soignante qui se voit confier chaque nuit 37 patients. 

Le fait est que le respect des gestes barrières et du protocole sont chronophages et rajoutent une charge de travail à un personnel médical déjà en sous-effectif. "Les familles ne peuvent plus monter dans les chambres des malades. Alors on les descend, même ceux en fauteuils roulants, dans une pièce dédiée aux visites au rez-de-chaussée, pour une demi-heure.", illustre l’aide-soignante. Les patients sont préalablement préparés pour éviter toute contamination et la pièce est nettoyée. Seuls les patients grabataires peuvent rester dans leur chambre. 

"Maintenant on n’a plus le temps de parler avec les patients", regrette Charlotte Joseph qui note une inquiétude croissante chez ces derniers. "La nuit ils me demandent : pourquoi ma femme ou mon époux n’est pas venu ? Pourquoi y a-t-il un confinement ? Est-ce que ça va durer ? Ils sont inquiets et ça demande du travail supplémentaire pour les rassurer." Cette inquiétude, elle est également présente du côté du personnel.

L’angoisse est toujours là. Je ne peux pas dire qu’on n'y pense pas. L'inquiétude c’est dans un petit coin de notre tête. Moins que la première fois mais c’est là. On s’inquiète pour nous mais surtout pour les autres. On est vigilant pour tout le monde.

 
Revalorisation salariale pour tous

Lors de la première vague, nombre de citoyens avaient pris l’habitude d’applaudir à 20h, perchés à leurs fenêtres, pour montrer leur soutien aux soignants dans leur lutte contre le virus. Des claps d’encouragement qui "faisaient du bien", se remémore Charlotte Joseph. "Des personnes amenaient des choses pour le personnel, comme des friandises." Un bel élan de solidarité dont la flamme semble maintenant avoir de la peine à se raviver. Mais ce que la soignante regrette le plus, c’est le manque de soutien de l'État.  

Elle a pu bénéficier de la revalorisation de salaire (183 euros nets par mois pour tous les personnels des établissements de santé et EHPAD, hors médecin) annoncée à l’occasion du Ségur de la Santé. Mais certaines structures ont été exclues du dispositif, ce que dénonce l’aide-soignante, syndiquée à la CGT. 

Dans notre structure, nous avons un SSIAD (services de soins infirmiers à domicile) mais il a été exclu. Pourtant ils font le même travail que nous ! Ils se sentent méprisés. Ils ont été les grands oubliés.


Mercredi 18 novembre, elle se rendra au rassemblement devant l’ARS de Nanterre à l'appel de la CGT SAS 92, pour demander à ce que le secteur social et médico-social hors EHPAD reçoive la même revalorisation salariale que les autres structures.

"J’attends plus d’actions du gouvernement, conclut Charlotte Joseph. Nous avec la première vague, on a été épuisés. On aurait voulu aussi plus de moyens humains. Et ça ne date pas de la crise épidémique", rappelle la Guadeloupéenne avant d’ajouter : "Je tiens à envoyer une pensée pour mes collègues ultramarins des Antilles où la situation était aussi très compliquée.