Kareen Guiock-Thuram, Ludovic Louis, Mario Canonge, Arnaud Dolmen, Grégory Privat, Michel Alibo, Jowee Omicil : tous ces artistes ultramarins faisaient partie, lundi soir, de la trentaine de musiciens et chanteurs (dont Ibrahim Malouf ou Melody Gardot) qui fêtaient, sur la scène du théâtre du Châtelet, les 25 ans de TSF Jazz, la radio exclusivement consacrée à ce genre musical. Une telle concentration de Caribéens sur un évènement de ce type était sans doute une première. Et une forme de reconnaissance de l’apport de la Caraïbe au jazz. "Il ne faut pas oublier que cette musique, née à la Nouvelle-Orléans, est au carrefour de plusieurs cultures et styles musicaux. Un peu comme chez nous aux Antilles", rappelle Kareen Guiock-Thuram. "Mais je dois reconnaitre que 10 ans en arrière, nous n’aurions pas été autant d’artistes antillais présents sur scène."
C’est le public qui a choisi les 25 morceaux interprétés tout au long de la soirée. En revanche, c’est la radio qui a sélectionné les artistes. Et pour son patron, Bruno Delport, rien d’étonnant à la présence de Mario Canonge et consorts. "On les suit depuis 25 ans. On écoute tous les projets et on retient les plus intéressants. Avec sa créativité et sa dynamique, le jazz caribéen apporte un indéniable souffle à notre musique. Parfois, ils mettent le niveau bien haut". Bruno Delport pense notamment à Ludovic Louis, le trompettiste qui a accompagné pendant de longues années Lenny Kravitz. "C’est passionnant de le voir évoluer dans le jazz".
Et pas seulement musicalement. Hier soir, le trompettiste qui a joué sur trois morceaux est celui qui avait le swing le plus démonstratif. Fort de son expérience américaine, il estime que les lignes bougent effectivement en France. "C’est une bonne chose ce qui arrive en ce moment. Quand le plus grand groupe français qui joue à l’étranger s’appelle Kassav, il faut enlever les œillères. Et n’oublions pas qu’aux États-Unis, 90% de la musique est produite par la communauté afro-américaine". Ludovic Louis revient aussi sur la visibilité des artistes. "C’est en nous voyant à la télé que les vocations naissent chez les enfants. En voyant Kareen [Guiock-Thuram], ils se disent : 'C'est possible de devenir journaliste et musicienne à la fois'".
L’intéressée apporte toutefois un bémol en rappelant l’importance prise depuis pas mal de temps par les réseaux sociaux. "Je ne passe pas à la télé, mais cela ne m’empêche pas de travailler. Les réseaux sociaux permettent d’apprécier la qualité de l’artiste et son univers visuel. Et quelqu’un du Brésil peut apprécier ta musique et le faire savoir. La validation ne vient plus seulement de Paris."
Reste que pour nos artistes, ce genre de soirée permet quand même de faire avancer les choses. Arnaud Dolmen, révélation jazz 2022, le martèle : "TSF Jazz est le média jazz naturel. Cette soirée nous aide. Les choses évoluent comme dans la société". Arnaud aimerait juste qu’on cesse régulièrement de parler de jazz caribéen. "Quand j’accompagne un groupe, je ne joue pas nécessairement du jazz caribéen, simplement du jazz. Allons plutôt voir la qualité du musicien". Et dans les Outre-mer, il y en a.