DOCU. Mon ancêtre, l'esclave [Temps des Mémoires]

Le 27 avril 1848, l’abolition de l’esclavage est signée. Le gouvernement français impose l’attribution d’un nom aux affranchis. Comment ces noms ont-ils été attribués ? Aujourd’hui de plus en plus d’Antillais cherchent à connaître l’origine de leur patronyme.

27 avril 1848, le décret abolissant l’esclavage est signé par Victor Schoelcher. Dans les mois suivants, l'abolition est proclamée en Martinique (22 mai), Guadeloupe (27 mai), Guyane (10 juin) et à La Réunion (20 décembre). Une circulaire ministérielle est adressée aux Commissaires Généraux de ces territoires. Celle-ci leur ordonne de procéder à un recensement de la population et d'attribuer un nom à chacun des affranchis. Cet ordre venu de Paris est un moment crucial. Jusqu’alors les esclaves n’avaient droit qu’à un prénom et à un numéro de matricule. Pour intégrer la République, ils doivent recevoir un nom : cette attribution acte leur passage au statut d’hommes libres. 

Le mémorial de l'Anse Caffard - Martinique

Prendre nom 

87 000 esclaves en Guadeloupe et 73 500 en Martinique reçoivent ainsi un nom de famille. Des fonctionnaires d’état civil sont chargés de cette attribution : références bibliques ou mythologiques, atlas de pays lointains... Divers lexiques sont mis à contribution. La tâche est immense et les fonctionnaires trouvent bientôt des subterfuges : jeux de mots, anagrammes et parfois emploi du créole. Il arrivait que les affranchis proposent un nom de famille mais cela n’était pas toujours accepté. Si certains officiers se montrent respectueux dans la création des noms, d'autres font preuve de férocité. Tous ces noms sont consignés dans des registres d’actes d’individualité. Les états civils des nouveaux libres sont ainsi entérinés. 

Retrouver l’origine du nom

La voie la plus courte pour aller vers l'avenir est celle qui passe toujours par l'approfondissement du passé.

Aimé Césaire

Premier congrès international des écrivains et des artistes noirs, Paris, Sorbonne, 1956

Longtemps Jean-Charles Trouabal a pensé changer de nom, aujourd'hui, il veut en connaître l'origine. Ce sprinter, multi-médaillé pour ses performances sur les pistes, est resté dans les mémoires. Son nom n'y est-il pas aussi pour quelque chose ? Il en fait lui-même le constat : se souviendrait-on autant de lui aujourd’hui s’il n’avait pas porté ce nom ? 

Ce nom m'a servi à avoir une identité, une visibilité qu'on n'oublie pas.

Jean-Charles Trouabal

Le généalogiste Michel Rogers a établi plus de 8000 arbres généalogiques

Michel Rogers a enquêté sur les origines familiales de l’ancien champion. Ce généalogiste guadeloupéen a d'ailleurs entrepris de répertorier les racines de tous ses concitoyens descendants d’esclaves. Le long et minutieux travail réalisé aux Archives départementales de la Guadeloupe par ce passionné, est maintenant hébergé au Mémorial ACTe. Dans un espace consacré aux recherches généalogiques, sont regroupés plus de 6000 arbres généalogiques de familles guadeloupéennes. Ce travail de mémoire se poursuit en collaboration avec les agents du service documentation/généalogie du Mémorial. 

Après s'être longtemps désintéressés de la question, les Antillais cherchent aujourd'hui à connaître l'origine de leur patronyme et à s'approprier la mémoire retrouvée de leurs ancêtres. 

Production :  Bonobo Productions avec France Télévisions
Réalisateurs : Frédéric SENNEVILLE et Thierry DEROUET
© 2016

Le Mémorial ACTe en Guadeloupe

Inauguré en 2015, le Mémorial ACTe est un lieu dédié à la mémoire collective de l’esclavage et de la traite, ouvert sur le monde contemporain.