DOCUMENTAIRE. "Jean-Jacques Dessalines, le vainqueur de Napoléon Bonaparte" : une page de l'Histoire d'Haïti

Jean-Jacques Dessalines est un des principaux fondateurs d'Haïti. Il est bien moins connu que Toussaint Louverture dont il était le lieutenant. Arnold Antonin, cinéaste haïtien réalise le premier documentaire sur ce héros de la première République noire. Découvrez l'histoire de celui qui empêcha le rétablissement de l'esclavage en Haïti et posa les premières bases d'un État.

Récompensé du prix du meilleur documentaire lors du 7e Festival du cinéma haïtien de Los Angeles en 2022, le film vient à nouveau d'être primé lors du 39e festival Vues d'Afrique de Montréal (Canada), le 30 avril 2023.

Ce documentaire dresse le portrait d'un chef militaire doté d'une fine intelligence stratégique mais aussi celui d'un homme politique hors-normes de l'histoire de l'humanité. Retour sur l'histoire de la révolution haïtienne et sa guerre d'indépendance. 

Comme le montre clairement le film, en déclarant son indépendance vis-à-vis des Français bien avant les peuples colonisés d'ailleurs, Dessalines a établi le principe - valable plus que jamais aujourd'hui encore - selon lequel chaque nation, aussi petite soit-elle, doit être libre et capable de déterminer son propre avenir.

Alyssa Goldstein Sepinwall

AlterPresse, 9 février 2022

Vainqueur de l'armée de Napoléon avant Waterloo

Toussaint Louverture publie en juillet 1801, une première constitution qui proclame l'autonomie du territoire de Saint-Domingue. Napoléon n'apprécie pas l'initiative du gouverneur noir qui a pris le pouvoir. Le futur empereur est proche des colons. Il envoie son beau-frère, le général Leclerc, dans la riche colonie française. Leclerc arrive le 3 février 1802 à la tête d'une puissante expédition militaire composée d'une flotte impressionnante : 23 vaisseaux et 21 frégates transportent 31 000 hommes.

Napoléon veut en finir avec les généraux noirs et mulâtres. Son dessein secret est de rétablir l'esclavage. Il en fait une affaire personnelle. Bonaparte veut restaurer un empire français dans les Amériques, il faut pour cela rétablir un système colonial de plantations. Rochambeau, successeur de Leclerc à la tête de l'expédition, propose à Napoléon une guerre d'extermination : la mort de toute la population noire et métisse âgée de plus de 12 ans.

Les Français arrivent à vaincre Toussaint Louverture, à se saisir de sa personne en trahison de l'honneur militaire et à le déporter. Mais ils vont devoir affronter Dessalines, le principal lieutenant de Toussaint. Dessalines va vaincre Napoléon et contraindre son armée à se rendre. Il brisera en moins de deux ans le rêve fou de Bonaparte d'ajouter l'Amérique à son projet d'un empire mondial à partager avec sa famille comme il l'a fait en Europe.

Vue générale de la statue équestre de Jean-Jacques Dessalines à Port-au-Prince (Haïti)

Un des pères de l'indépendance haïtienne

Dessalines proclame, le 1er janvier 1804, l'indépendance du pays auquel il donne le nom d'Ayiti. L'appellation originelle de cette terre, car elle était ainsi nommée par les premiers habitants de l'île, les Amerindiens Taïnos, avant l'arrivée des envahisseurs européens. Le chef des insurgés, ancien esclave rebelle, brise le joug colonial français et crée la toute première République noire, et le deuxième État-nation des Amériques après les États-Unis.

Jean-Jacques Dessalines invente des formes nouvelles d'État. Sa constitution proclamée le 20 mai 1805 est étonnante de modernité.

Il fait des mots "noir et nègre" des mots glorieux en décrétant que tous les Haïtiens, indépendamment de leur couleur, seront désignés comme des noirs.

Il fait construire un réseau cohérent de fortifications qui couvre l'ensemble du territoire. Un acte important qui marque la volonté de protéger l'ensemble du pays contre un éventuel retour des envahisseurs et conforte ainsi la jeune nation.

Vue aérienne du fort Drouet, une des 22 fortifications voulues par Dessalines après l'indépendance d'Haïti.

Il se proclame empereur pour ne pas être en reste avec Napoléon mais n'a aucune ambition territoriale. Assassiné en octobre 1806 lors d'un complot orchestré par ses généraux, il a été objet d'une damnatio memoriae, une condamnation à l'oubli pendant 40 ans. Ses assassins ont essayé d'effacer sa mémoire après sa mort, mais le peuple ne l'a jamais oublié.

Seul des héros de l'indépendance a être déifié dans le Panthéon vaudou, il est devenu un mythe, un paravent utilisé pour le meilleur et pour le pire en Haïti.

Scénario, recherches, réalisation : Arnold Antonin
Production Antonin films avec la participation de France Télévisions
Durée 55 minutes - © 2022