Le but du jeu, c’est de raconter une histoire, qui généralement est déjà prévue dans un scénario. Et si elle n’est pas prévue, alors il faut trouver le fil conducteur qui fait que ce sera une histoire. C’est ça le montage.
Marie-Josèphe Yoyotte
De père martiniquais et de mère bretonne, Marie-Josèphe Yoyotte est la première monteuse noire du cinéma français et est l’une des plus grandes.
Marie-Joseph Yoyotte ne connaissait rien aux métiers du cinéma et encore moins au montage. Elle vient au 7e art par le biais du théâtre. Élève comédienne à l’école de la rue Blanche, elle participe au tournage du court-métrage Des hommes et des montagnes, de son ami Jean-Jacques Languepin. Elle donne un coup de main sur le plateau et apparaît aussi devant la caméra. C'est à cette occasion qu'elle rentre pour la première fois dans une salle de montage et elle est totalement subjuguée.
Un apprentissage classique
Elle apprend le métier de façon classique selon les règles de l’art : six mois de laboratoire, trois stages avant de commencer à travailler comme assistante. Elle commence par monter des courts-métrages. Les réalisateurs avec qui elle travaille alors, comme Jean-Paul Rappeneau, lui resteront fidèles au moment où ils passeront au long-métrage.
Les débuts de la "liberté "
En 1958, seulement cinq ans après ses débuts dans le métier, elle monte son premier long-métrage. Des débuts à ce poste remarquables et remarqués : Moi, un noir réalisé par Jean Rouch remportera le prix Louis Delluc.
C’est sûrement le film sur lequel j’ai le plus appris. J’ai appris la liberté.
Marie-Josephe Yoyotte
Marie-Josèphe s'autorise sur ce film et pour la première fois à sortir des règles du montage "académique" telles qu'elle les a apprises.
Ça a été une joie et une libération pour moi et c’est un peu grâce à Jean que j’ai eu cette liberté que j’espère avoir toujours gardé dans le montage, de se dire : les raccords, ce n’est pas le plus important.
Marie-Josèphe Yoyotte
Truffaut et les autres
Le succès d’estime remporté par ce film au montage hors norme pour l’époque lui ouvre des portes. François Truffaut fait alors appel à elle pour le montage des "400 coups" qui, de l’aveu même de Marie-Josèphe, est un film de facture beaucoup plus classique en terme de montage.
Des collaborations prestigieuses
Dès ses débuts dans la profession, elle enchaîne les collaborations avec des réalisateurs de référence comme Eric Rohmer avec Le signe du lion, Yves Robert avec La guerre des boutons et La famille Fenouillard ou encore Jean-Pierre Melville avec Léon Morin, prêtre.
Elle tourne sous la direction de Jean Cocteau dans Le testament d’Orphée dans lequel elle joue le rôle d’une bohémienne. Elle n’est cependant créditée pour ce film que pour le montage.
Certaines années, elle montera jusqu'à quatre films. Plusieurs réalisateurs lui seront fidèles pour le montage de plusieurs de leurs films comme Claude Pinoteau avec qui elle collabore sur La gifle, La boum, La boum 2 et La neige et le feu ou encore Jean-Paul Rappeneau dont elle monte Le sauvage et Tout feu, tout flamme.
Sa collaboration avec Alain Corneau lui vaudra son premier César pour le montage de Police Python 357. Elle montera ensuite deux autres de ces films : Tous les matins du monde et Le deuxième souffle.
La collaboration avec Euzhan Palcy
Pour le montage, il y a une de tes compatriotes, elle est fabuleuse. Vous allez très très bien vous entendre.
Euzhan Palcy
Jean Rouch avait parlé de Marie-Josèphe à la réalisatrice martiniquaise Euzhan Palcy. Et c'est sur les conseils de François Truffaut qu'Euzhan Palcy rencontre Marie-Josèphe au moment où elle constitue son équipe technique pour Rue Cases Nègres. Marie-Josèphe connaît l'œuvre de Joseph Zobel et est emballée par le projet.
Toute la collaboration avec Euzhan est un souvenir formidable, car cela m’a remis toutes mes racines à la surface.
Marie-Josèphe Yoyotte
Marie-Josèphe fait son premier voyage en Martinique grâce à Euzhan Palcy pendant la préparation du tournage de Rue Cases Nègres. Elle a le sentiment de retrouver alors sa place. Elle montera aussi Siméon.
C’était un immense plaisir de travailler avec Marie-Josèphe, vraiment. C'était une femme extraordinaire, humainement et professionnellement
Euzhan Palcy
Une filmographie exceptionnelle
Le cinéma français tout entier s'accorde à reconnaître le talent de Marie-Josèphe Yoyotte et sa capacité à monter des films de nature très différente. Sa filmographie impressionnante et sa longévité dans le métier en témoignent. En 50 ans de carrière, elle a un peu plus de 70 films à son actif. Elle travaille aussi pour la télévision avec notamment des collaborations avec Josée Dayan sur la série Les misérables (4 épisodes) ou encore Le comte de Monte Cristo (4 épisodes) et Balzac.
Elle sera nommée cinq fois aux César et obtiendra la statuette pour trois films : Police python 357 en 1977, Microcosmos en 1997 (co-monté avec Florence Ricard) et Le peuple migrateur en 2002.
Le deuxième souffle d'Alain Corneau est le dernier film qu'elle monte en 2007. C'est un remake du film éponyme de Jean-Pierre Melville, avec qui elle a travaillé sur Léon Morin, prêtre.
Ecriture et réalisation : Jil Servant
Producteur : Philippe Djivas
Une coproduction : Dynamo Production / France Télévisions-Martinique la 1ère avec la participation du Centre National du Cinéma et de l'Image Animée et du Ministère des Outre-mer
Avec le soutien de la Collectivité Territoriale de Martinique, de la région Auverge-Rhône-Alpes, de la PROCIREP et de l'Angoa
Durée : 52 min - 2022