La Fondation de France a envoyé une équipe sur place en janvier 2019 pour évaluer l'avancée des projets financés à hauteur de 525 000€. Martin Spitz, expert solidarités internationales et urgences, et Célia Couvert, chargée de projets urgences, ont passé cinq jours à Saint-Martin avant de rejoindre Roseau. Pendant trois jours ils ont effectué des visites de terrain et rencontré des partenaires institutionnels et associatifs.
On dit reconstruire la vie après les catastrophes, mais reconstruire ce n'est pas que du béton. C'est aussi retisser les liens sociaux, . La Fondation de France n'est pas un opérateur direct : elle soutient des projets qui sont présentés par les associations et qui émanent autant que possible des populations. On a eu deux types de projets : d'intérêt collectif et de relance économique. On essaye toujours d'accompagner les populations pour qu'elles retrouvent leur autonomie le plus rapidement possible.
Martin Spitz
Des projets durables et écologiques
Première étape à Saint-Joseph, une commune littoral au nord de la capitale, où le centre de santé en béton n'a pas bougé. Comme cinq autres infirmeries de l'île, il a depuis été équipé de centrales photovoltaïques.Ce sont des bunkers avec des toitures plates. On a développé un concept de petits kits solaires qui alimentent toutes les parties sensibles, les besoins névralgiques pour que l'infirmerie fonctionne. Tous les éléments électroniques sensibles ont été mis dans les bâtiments et les panneaux solaires sont amovibles. En moins de deux heures, vous pouvez mettre en sécurité votre installation en rentrant le matériel à l'intérieur. Et vivre sur les batteries deux ou trois jours en économisant.
Joël Dogué, délégué Antilles-Guyane d'Électriciens sans frontières
Une fois l'épisode cyclonique passé, il suffit de réinstaller le dispositif. Inutile d'attendre des mois que les réseaux soient rétablis, ou d'approvisionner en essence de bruyants groupes électrogènes.
Mieux s'occuper des aînés
A Giraudel, dans la paroisse de Saint-George, une maison est en travaux. Toit envolé, cuisine dévastée, réseau électrique à refaire : 21 000€ ont été confiés par la Fondation de France à la FIAPA, la Fédération internationale pour les droits des personnes âgées. Un chef de projet de reconstruction vient régulièrement faire le point sur l’avancée du chantier.Marie-Thérèse Junkerre est née en Guadeloupe de parents dominiquais. Elle a embrassé la carrière d’avocate en Grande-Bretagne avant de revenir s’installer au pays pour prendre soin de ses grands-tantes vieillissantes. Elle a créé Pharcs, une fondation qui propose la prise en charge des granmoun ou organise les soins à domicile pour préserver au maximum l’autonomie. Ainsi la maison de l’une de ses grands-tantes a été transformée en résidence pour seniors. C’est elle qui est remise en état et accueillera bientôt 4 nouveaux anciens.
Relance économique par l'agriculture
Rencontre, sur la côte est, à Marigot, des représentantes du Conseil national des femmes. Le DNCW existe depuis 1986, il regroupe des associations féminines de l’ensemble du territoire et est en lien avec l’Union des femmes de la Martinique. L’un des projets soutenu par la Fondation de France concerne des foyers réunis au sein du Mouvement agricole des femmes du Nord-Est.La communauté a vu ses activités maraîchères et d’élevages de lapin profondément impactés par l'ouragan. La vice-présidente, Jen Pascal, remet sur pied la production de viande et d’engrais biologique chez les particuliers. Les déjections et l’urine des mammifères profitent aux légumes des potagers familiaux. Les bénéficiaires vendent leurs légumes au marché et les lapins aux restaurants et aux hôtels. Sept clapiers sont en cours de réparation, neuf seront créés. La Fondation de France soutient ce projet à hauteur de 34%, soit 25 000€.
Après l'ouragan, c'est devenu très difficile de trouver du pain. Il était impossible de se rendre à Roseau, alors nous l'achetions à Marigot et dans les alentours... Et le prix avait augmenté. On a estimé qu'on avait 704 foyers, qui dépensaient au minimum cinq dollars caribéens chaque jour. Soit 3 000 dollars pour notre communauté appauvrie (1 000€). Avec les autres dépenses, le chômage, il était temps de commencer quelque chose. Notre but initial est de fournir au moins 20% des besoins en pain et de progresser. Nous croyons que ces deux projets sont durables, et qu'ils auront un véritable impact sur l'amélioration de la qualité de vie des Kalinagos petit à petit.
Kevin Dangleben de Kalinago tours
"Sortir des tentes et des bâches"
"Après l'ouragan Maria, pratiquement 95% des maisons ont été détruites, détaille Charles Williams, le chef des Kalinago. Nous avions commencé un programme qui prévoyait la construction d'une usine de chocolat sur le territoire. Nous avions sélectionné des agriculteurs et distribué 2 000 plants de cacao... et Maria a tout détruit. La prochaine étape c'est de rétablir les agriculteurs pour créer de l'emploi." Élu chef pour la première fois en 2004, cet agriculteur de 68 ans a travaillé dans l'industrie de banane. Avant l'ouragan, il cultivait la plantain.Dans la cour de l'école primaire de Sinecou, les enfants jouent avec les gravats au milieu des barres de fer à béton d'une ancienne salle de classe. L'église au dessus a perdu son toit. Charles Williams préconise maintenant de construire des maisons en dur, comme la sienne, qui a abrité douze personnes pendant la tempête.
Nous avons eu la chance de ne vivre aucune tempête violente cette année. Avant que juillet n'arrive, on va se préparer à la nouvelle saison cyclonique. Il faut qu'on sorte des tentes et des bâches.
Charles Williams, chef des Kalinago
Retrouvez ces protagonistes et vivez cette visite des membres de la Fondation de France en Dominique avec ce reportage radio de Julie Straboni :