En Dominique avec la Fondation de France : accompagner la relance après l'ouragan Maria

La canopée de la forêt tropicale du Parc national du Morne Trois Pitons a souffert du passage de Maria (à gauche). A Roseau les escales des navires de croisière rythment le quotidien quatre à cinq fois par semaine.
Les traces de l’ouragan Maria sont encore visibles sur l’île de la Dominique. Depuis septembre 2017, la population a pu compter sur l’aide des gouvernements et des ONG. C’est le cas de la Fondation de France, qui finance des projets avec les dons des Français.
Septembre 2017. Quelques jours après le passage d'Irma, l'ouragan Maria surprend la Caraïbe. La tempête de catégorie 5 balaye la Dominique du sud-est au nord-ouest, laissant les axes routiers impraticables et le réseau électrique détruit à plus de 90%. Dans la région les secours s'organisent, quand les ONG font des appels aux dons. La Fondation de France collecte 14 millions 700 000€ : outre Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ces fonds vont soutenir des projets en Guadeloupe, en Haïti, à Cuba et en Dominique. 

La Fondation de France a envoyé une équipe sur place en janvier 2019 pour évaluer l'avancée des projets financés à hauteur de 525 000€. Martin Spitz, expert solidarités internationales et urgences, et Célia Couvert, chargée de projets urgences, ont passé cinq jours à Saint-Martin avant de rejoindre Roseau. Pendant trois jours ils ont effectué des visites de terrain et rencontré des partenaires institutionnels et associatifs.
 

On dit reconstruire la vie après les catastrophes, mais reconstruire ce n'est pas que du béton. C'est aussi retisser les liens sociaux, . La Fondation de France n'est pas un opérateur direct : elle soutient des projets qui sont présentés par les associations et qui émanent autant que possible des populations. On a eu deux types de projets : d'intérêt collectif et de relance économique. On essaye toujours d'accompagner les populations pour qu'elles retrouvent leur autonomie le plus rapidement possible.
Martin Spitz

 

Des projets durables et écologiques

Première étape à Saint-Joseph, une commune littoral au nord de la capitale, où le centre de santé en béton n'a pas bougé. Comme cinq autres infirmeries de l'île, il a depuis été équipé de centrales photovoltaïques.
 

Ce sont des bunkers avec des toitures plates. On a développé un concept de petits kits solaires qui alimentent toutes les parties sensibles, les besoins névralgiques pour que l'infirmerie fonctionne. Tous les éléments électroniques sensibles ont été mis dans les bâtiments et les panneaux solaires sont amovibles. En moins de deux heures, vous pouvez mettre en sécurité votre installation en rentrant le matériel à l'intérieur. Et vivre sur les batteries deux ou trois jours en économisant.
Joël Dogué, délégué Antilles-Guyane d'Électriciens sans frontières


Une fois l'épisode cyclonique passé, il suffit de réinstaller le dispositif. Inutile d'attendre des mois que les réseaux soient rétablis, ou d'approvisionner en essence de bruyants groupes électrogènes.
Joël Dogué, le délégué Antilles-Guyane d’Électriciens sans frontières, sur le toit du centre de santé de Saint-Joseph.
Outre le transfert de compétences aux acteurs locaux, l'association s'assure qu'ils ont les moyens d'entretenir le matériel. L'ONG a reçu 160 000€ pour ce projet. 224 000€ ont été alloués à l'achat de neuf gros groupes électrogènes à destination de Dowasco (la compagnie des eaux dominiquaise) et à l'installation de lampadaires photovoltaïques à Roseau. "Le réseau a besoin de pompes pour relever l'eau dans les châteaux d'eau au sommet des mornes, qui redescend dans les maisons. Donc une fois que les châteaux ont été vides ils se sont retrouvés sans eau. Dans une île pleine de bonne eau ! s'exclame Joël Dogué." 17 000 foyers ont ainsi retrouvé l'eau courante.
Un des modèles de lampe solaire distribués (à gauche) et un groupe électrogène confié à Dowasco pour relancer l'arrivée d'eau dans les foyers (à droite).


Mieux s'occuper des aînés

A Giraudel, dans la paroisse de Saint-George, une maison est en travaux. Toit envolé, cuisine dévastée, réseau électrique à refaire : 21 000€ ont été confiés par la Fondation de France à la FIAPA, la Fédération internationale pour les droits des personnes âgées. Un chef de projet de reconstruction vient régulièrement faire le point sur l’avancée du chantier.

Marie-Thérèse Junkerre est née en Guadeloupe de parents dominiquais. Elle a embrassé la carrière d’avocate en Grande-Bretagne avant de revenir s’installer au pays pour prendre soin de ses grands-tantes vieillissantes. Elle a créé Pharcs, une fondation qui propose la prise en charge des granmoun ou organise les soins à domicile pour préserver au maximum l’autonomie. Ainsi la maison de l’une de ses grands-tantes a été transformée en résidence pour seniors. C’est elle qui est remise en état et accueillera bientôt 4 nouveaux anciens.
Marie-Thérèse Junkerre a transformé la maison de sa grand-tante en résidence pour seniors. Sa remise en état a été rendue possible grâce aux dons de matériaux venus de Martinique et aux fonds de la Fondation de France.
Avec ses fonds propres, la Dominiquaise a acheté deux autres bâtisses à Morne Daniel. Ces aides-soignantes bénéficient de formations et de stages grâce au partenariat engagé avec le CCAS de la ville de Schoelcher, en Martinique, et l’AMDOR 2000, l’Association martiniquaise pour la promotion et l’insertion de l’âge d’or. "Mon objectif c'est que dans quelques années nous ayons des règles qui protègent les personnes âgées, des droits pour les personnes âgées, confie Marie-Thérèse Junkerre. On veut être aussi près que possible du niveau de la Guadeloupe et de la Martinique." En attendant qu’un cursus soit installé en Dominique et que le gouvernement s’empare du dossier du grand âge.
Marie-Thérèse Junkerre a mis ses pensionnaires à l'abri durant l'ouragan Maria. Aujourd’hui ils sont 26 sous le même toit (photo de gauche), la plus âgée a 101 ans. La fin des travaux leur permettra de retrouver une plus grande intimité.


Relance économique par l'agriculture

Rencontre, sur la côte est, à Marigot, des représentantes du Conseil national des femmes. Le DNCW existe depuis 1986, il regroupe des associations féminines de l’ensemble du territoire et est en lien avec l’Union des femmes de la Martinique. L’un des projets soutenu par la Fondation de France concerne des foyers réunis au sein du Mouvement agricole des femmes du Nord-Est.

La communauté a vu ses activités maraîchères et d’élevages de lapin profondément impactés par l'ouragan. La vice-présidente, Jen Pascal, remet sur pied la production de viande et d’engrais biologique chez les particuliers. Les déjections et l’urine des mammifères profitent aux légumes des potagers familiaux. Les bénéficiaires vendent leurs légumes au marché et les lapins aux restaurants et aux hôtels. Sept clapiers sont en cours de réparation, neuf seront créés. La Fondation de France soutient ce projet à hauteur de 34%, soit 25 000€.
Les lapins sont choyés par un éleveur dans un bâtiment gouvernemental. Les femmes de l'association, comme Bernadette, se servent de leurs déjections comme engrais sur les légumes de leurs potagers.
En territoire Kalinago, le dernier peuple amérindien de la région caribéenne, les stigmates de Maria sont encore bien visibles. L'électricité est revenue juste avant Noël, fin 2018, mais des familles vivent encore dans des salles communes ou des tentes. Les lianes ont été détruites ou se font plus cassantes : l'artisanat en a pris un coup. Les Kalinagos avaient perdu les moyens d’assurer la production agricole et artisanale dont vit le district. L'agence de voyage Kalinago tours a soumis deux projets à la Fondation de France : la création d'une pépinière -avec des plants de cacao et de légumes-, et la construction d'une boulangerie. La première doit permettre de redonner une activité à plusieurs familles : 500 ménages profiteront de la distribution de jeunes pousses pendant 6 mois. 20 000€ sont revenus à l'agence de voyage.
 

Après l'ouragan, c'est devenu très difficile de trouver du pain. Il était impossible de se rendre à Roseau, alors nous l'achetions à Marigot et dans les alentours... Et le prix avait augmenté. On a estimé qu'on avait 704 foyers, qui dépensaient au minimum cinq dollars caribéens chaque jour. Soit 3 000 dollars pour notre communauté appauvrie (1 000€). Avec les autres dépenses, le chômage, il était temps de commencer quelque chose. Notre but initial est de fournir au moins 20% des besoins en pain et de progresser. Nous croyons que ces deux projets sont durables, et qu'ils auront un véritable impact sur l'amélioration de la qualité de vie des Kalinagos petit à petit.
Kevin Dangleben de Kalinago tours

 
Kevin Dangleben de Kalinago tours, à l'origine du projet de pépinière en territoire Kalinago.

 
"Sortir des tentes et des bâches"

"Après l'ouragan Maria, pratiquement 95% des maisons ont été détruites, détaille Charles Williams, le chef des Kalinago. Nous avions commencé un programme qui prévoyait la construction d'une usine de chocolat sur le territoire. Nous avions sélectionné des agriculteurs et distribué 2 000 plants de cacao... et Maria a tout détruit. La prochaine étape c'est de rétablir les agriculteurs pour créer de l'emploi." Élu chef pour la première fois en 2004, cet agriculteur de 68 ans a travaillé dans l'industrie de banane. Avant l'ouragan, il cultivait la plantain.

Dans la cour de l'école primaire de Sinecou, les enfants jouent avec les gravats au milieu des barres de fer à béton d'une ancienne salle de classe. L'église au dessus a perdu son toit. Charles Williams préconise maintenant de construire des maisons en dur, comme la sienne, qui a abrité douze personnes pendant la tempête.
 

Nous avons eu la chance de ne vivre aucune tempête violente cette année. Avant que juillet n'arrive, on va se préparer à la nouvelle saison cyclonique. Il faut qu'on sorte des tentes et des bâches.
Charles Williams, chef des Kalinago

 
En territoire Kalinago : le chef, Charles Williams. Le toit d'une église emporté et la cour de l'école primaire, à Sinecou.

 Retrouvez ces protagonistes et vivez cette visite des membres de la Fondation de France en Dominique avec ce reportage radio de Julie Straboni :