[DOSSIER] Les douaniers d'Orly et de Félix Éboué sous la pression des mules de Guyane

Le phénomène des mules explose en Guyane et les douaniers des aéroports Félix Eboué et Orly sont chaque jour sous pression. L'an passé, les deux aéroports ont saisi au total 1,7 tonne de cocaïne et arrêté un peu moins de 800 personnes.   
A Orly, les vols en provenance de Guyane sont placés sous très haute surveillance. Il est un peu plus de 9h ce mardi matin aux douanes d'Orly, l'avion en provenance de Cayenne s'est posé il y a quelques minutes avec à bord 160 passagers.


Entre 5 et 10 mules sur chaque vol 

Comme tous les jours, entre dix et vingt douaniers sont mobilisés pour vérifier les valises des passagers et identifier les personnes suspectes. Les douanes estiment que le nombre de mules varie entre cinq et dix par avion. Deux compagnies aériennes assurent la liaison entre Cayenne et Paris, Air Caraïbes et Air France, avec deux arrivées tous les jours et 13 vols par semaine. Plusieurs centaines de passagers et parmi eux plus d’une dizaine de mules prêtent à prendre tous les risques pour faire passer de la cocaïne. Les douaniers sont sous pression. 
 

Une valise abandonnée, deux kilos de cocaïne à l'intérieur

Dans une valise abandonnée sur le tapis les douaniers d'Orly découvrent deux kg de cocaïne dissimulé dans dans deux pquets de lait en poudre pour enfant

60% de la cocaïne saisies à Orly l’an passé est arrivée de Cayenne, 700 kilos au total. Tous les passagers ne sont pas fouillés. Les douaniers repèrent d’abord les personnes suspectes. Ceux qui voyagent sans bagages, ceux qui montrent des signes de stress.

Ce matin, une valise a été abandonnée sur le tapis. Elle intrigue Jack le chien des douaniers. Rien d’anormal au rayon X, mais les douaniers s'interrogent et décident de l'ouvrir pour vérifier son contenu. "C’est une personne qui sans doute a pris peur et a laissé sa valise sur le tapis bagage […] Le chien de la douane a marqué ce qui nous a permis  de détecter 2 kg de cocaïne dissimulé dans du lait infantile", précise Olivier Gourdon, chef divisionnaire des douanes d’Orly.

La valeur de la marchandise est estimée à d’environ 120 000 euros. A la vente, la cocaïne varie entre 60 et 80 euros le gramme. Coupée, elle aurait atteint 10kg et 600 000 euros. Une belle prise mais qui n’est pas exceptionnelle. La semaine précédente les douaniers de la Brigade Sud d’Orly ont saisi 55 kg de cocaïne. Reportage Outre-mer la 1ère/France Ô de Pierre Lacombe et Jean-Yves Pautrat :
©la1ere
 

L'origine de la cocaïne

Saint-Laurent du Maroni est la commune de Guyane la plus touchée par le phénomène des mules. La drogue vient de Colombie, du Brésil ou du Pérou et transite par le Suriname, avant de traverser le fleuve Maroni qui sert de frontière. Ici, toutes les familles connaissent une mule dans leur entourage.

Une jeune femme de 33 ans, mère de 8 enfants, a été arrêtée en décembre dernier. Un recruteur lui a proposé 10 000 euros pour transporter 4 kg de cocaïne :
 

J’ai fait du stop et quelqu’un s’est arrêté, il m’a dit tu veux faire quelque chose ?  tu veux gagner de l’argent ? Il m’a demandé mon nom et le jour de mon départ 


L’an passé, les douanes de Guyane ont arrêté plus de 500 candidats au voyage. Mais combien sont-ils à passer entre les mailles du filet ? Les recruteurs sont partout. Dans les écoles, dans les quartiers. Leur cible, la misère sociale, la précarité.

Il concerne entre 4000 et 5000 jeunes personnes qui partent tous les ans pour la métropole chargés avec de la cocaïne et qui en font un peu leur projet de vie 
Thierry Massonie-Rouane, le chef de la brigade des douanes à Saint-Laurent du Maroni 


Des milliers de mules et pas assez de douaniers. Ils ne sont que 25 pour surveiller plusieurs centaines de kilomètres de frontières fluviales. Le point névralgique de ce trafic de drogue est l’aéroport Félix Eboué près de Cayenne. L’an dernier, les douaniers ont saisi une tonne de cocaïne, deux fois plus qu’en 2017. Les trafiquants recrutent des hommes, des mères de famille, des femmes enceintes.
 

La semaine dernière, nous avions une femme enceinte de 6 mois, une grossesse déjà avancée, et qui avait aussi inséré dans ses bagages et "in corpore". Il n’y a pas de limites à ce que peuvent faire les mules et à ce qu’elles sont prêtes à faire pour gagner de l’argent.
Christophe Ducoli, le chef du service surveillance aéroport Félix Eboué. 


"La route de la drogue", reportage France Ô - Guyane la1ère de Pierre Lacombe - Jocelyne Helgoualch – Y.Robin - Jean-Yves Pautrat - Laurent Marot - J-C Joseph
©la1ere