Les Olympiades féminines de mathématiques n’existent que depuis quatre ans, mais pour cette remise de prix, leurs organisateurs mettent déjà les plats dans les grands : cérémonie dans un grand amphithéâtre de Sorbonne-Université, sur le campus de Jussieu ; vidéo de félicitations d’Isabelle Rome, ministre déléguée à l’égalité femmes-hommes ; échanges sur place avec sa prédécesseure Elisabeth Moreno.
Mais quel est le rapport entre l’égalité femmes-hommes et les mathématiques ? Que ce soit en France, en Europe ou dans le monde, il manque en fait des femmes dans les filières et métiers des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (appelés aussi STIM, ou STEM en anglais). Un exemple : selon l’OCDE et l’Unesco, en 2018 les femmes représentaient 28% des chercheurs en France, et 33% dans le monde.
Ces Olympiades ont donc pour objectif que des lycéennes de toute la France "puissent s’amuser autour des mathématiques", et surtout qu’elles prennent confiance en elles et se rendent compte que les filières et métiers de STEM "sont également ouverts pour elles", explique Valentine Fessier, co-organisatrice du concours.
1.350 candidates
Ce concours 100% numérique se déroule en deux étapes. La première est une épreuve individuelle où les candidates répondent au plus grand nombre de questions possibles d’un QCM en 30 minutes. "Plus de 1.350 filles ont candidaté dans ce championnat, se réjouit Daniella Tchana, la fondatrice de l’association Stem4All qui organise les Olympiades. Avec des participations dans toute la France : la Guadeloupe, La Réunion, la Martinique, la Calédonie... Je dis bravo à ces filles !"
Les 45 meilleures - dont deux Ultramarines cette année - participent ensuite à une seconde phase où les finalistes sont réparties par groupe de trois (là encore à distance) : après avoir fait connaissance pendant plusieurs jours, elles doivent résoudre à trois un problème de mathématiques lors d’une épreuve de 4h30.
Sur la quinzaine de groupes, les trois premiers sont récompensés par un prix qui n’est pas seulement honorifique puisque chaque lycéenne repart avec un chèque de 300, 400 ou 500 €.
"Je ne me mets pas de barrière"
Parmi ces jeunes femmes lauréates cette année, Colombine Bryden, qui vient de finir sa terminale au lycée Maison-Blanche de Saint-Paul à La Réunion. Elle monte avec son groupe sur la 3e marche du podium. Présente à la cérémonie, la lycéenne est à la fois surprise et heureuse : "Je ne m’y attendais pas, avoue celle qui s’était inscrite au concours pour valoriser son dossier sur Parcoursup. Même à la première phase, je ne pensais pas être finaliste et au final..."
Si ce prix aide sans conteste à améliorer la confiance en soi, Colombine n’en avait pas besoin pour se lancer dans des études supérieures scientifiques puisqu’elle va commencer une prépa MPSI (mathématiques, physique et sciences de l'ingénieur) à Paris à la rentrée prochaine.
Quant à la sous-représentation des femmes dans ces filières et aux discours sur ce sujet lors de la remise des prix, elle a la tête sur les épaules : "Je ne m’étonne pas parce que je sais que c’est un fait sociétal. Mais personnellement, je ne me mets pas de barrière, j’ai toujours su que j’avais une appétence pour les sciences et on ne m’a jamais brimée pour continuer dans ce domaine, donc je poursuis."
La victoire de Colombine est en tout cas une "petite fierté" pour la fondatrice de ce concours car "c’est la première fois qu’on a une fille des Outre-mer qui est lauréate". "Je trouvais que les jeunes filles des Outre-mer étaient un peu en retrait alors qu’elles sont compétentes, juge-t-elle. C’est ce que je veux montrer avec ces Olympiades, c’est qu’elles sont autant compétentes que les filles de la métropole [...], et qu’elles puissent ressentir qu’elles font partie de la France entière et de l’excellence française."
De la confiance en soi et du réseau
Une autre qui se réjouit de cette victoire est la Guadeloupéenne Sophie Lubin, responsable équipe performance dans le groupe aéronautique Safran. Elle est aussi présidente et fondatrice de Maryse Project, une association "dont l’objectif est de contribuer à l’acculturation numérique des populations Outre-mer" et "d’identifier des rôles modèles tech et scientifiques des Outre-mer" pour faire rêver les jeunes et les inspirer.
Présente pour une table ronde lors de la cérémonie, elle avait entendu parler des Olympiades féminines de mathématiques en 2021 : "Je me suis dit : ‘je ne peux pas laisser passer ça, je veux qu’il y ait des jeunes filles de Guadeloupe qui participent." Elle fait donc des pieds et des mains et parvient à ce que 10 Guadeloupéennes s’inscrivent.
Le fait que ces lycéennes participent, même si elles ne gagnent pas, est important pour Sophie Lubin pour plusieurs raisons. À la différence des Olympiades nationales de mathématiques organisées par l’Éducation nationale, celles-ci permettent aux futures étudiantes de développer leur "confiance en soi" : "Les jeunes filles de Guadeloupe et d’Outre-mer peuvent se dire finalement ‘j’ai peut-être un niveau plutôt sympa’, donc ça c’est important."
"Deuxièmement, elles commencent à créer du réseau parce que quand on travaille en équipe, on crée des liens, ajoute-t-elle. Et enfin, toujours en termes de réseau, on a accès à des femmes auxquelles on n’aurait pas accès en temps normal."
"La voix de votre courage"
Les lauréates ont ainsi eu un temps d’échanges avec Elisabeth Moreno, ancienne ministre en charge de l’égalité femmes-hommes qui préside notamment aujourd’hui la fondation Femmes@Numériques.
Elle a tenu à être présente aux côtés de Daniella Tchana pour prôner l’égalité femmes-hommes : "On ne peut pas se contenter d’une société où il n’y a que 28% des femmes qui sont dans le numérique, quand on sait que le numérique est littéralement en train de transformer le monde dans lequel nous vivons."
Dans son discours, elle a ainsi appelé les futures étudiantes, qu’elles soient de Nanterre, Guéret ou Pointe-à-Pitre, à avoir confiance en elles : "Vous ne devez jamais laisser les stéréotypes et les préjugés limiter votre potentiel et votre talent, vous ne devez jamais laisser le bruit du doute éclipser la voix de votre courage. "