La politologue Audrey Célestine est maître de conférences en civilisation américaine à l’Université de Lille. Elle livre son analyse sur les résultats des élections aux Etats-Unis et la victoire de Donald Trump.
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D’origine martiniquaise, Audrey Célestine est politologue et maître de conférences en civilisation américaine à l’Université de Lille. Ses recherches portent sur les questions raciales aux Etats-Unis et en France ainsi que sur les migrations antillaises dans les deux pays. Elle a travaillé notamment sur les divers enjeux soulevés par le mouvement Black Lives Matter aux USA. Elle répond aux questions de La1ere.fr.
Quelles leçons peut-on tirer de cette élection selon vous ?
Audrey Célestine : Les leçons à tirer sont de plusieurs ordres. On peut tout d’abord prendre une certaine distance avec les modèles statistiques et les sondages donnant Hillary Clinton vainqueur du scrutin, ou du moins apprendre à les lire avec davantage de prudence. L’avance de Clinton était souvent assez faible dans les Etats tangents et on savait qu’elle ferait moins bien qu’Obama en 2012. Ensuite, au sein du Parti démocrate, il s’agira de poser la question de l’inclusion d’une partie de la population qui ne se sent absolument pas représentée par le parti aujourd’hui – les jeunes, une partie des classes populaires, les populations rurales notamment. Les démocrates devront peut-être pour cela passer par un rapprochement avec la frange gauche du parti qui a su montrer ses attentes avec la campagne de Bernie Sanders.
Ce résultat marque-t-il une réelle fracture et un basculement dans la société américaine ?
Que l’on regarde à la gauche du Parti démocrate ou dans l’électorat de Trump, il y a de la colère aujourd’hui dans la société américaine et la candidate démocrate ne l’a sans doute pas suffisamment pris en compte dans ses thèmes de campagne. Et les divisions existent. La fracture raciale qui n’est pas nouvelle, elle a été rendue visible par le mouvement Black Lives Matter ces dernières années. Quand on regarde les résultats de Trump, on voit que son électorat est principalement blanc et que les minorités qui ont voté, en particulier les Afro-Américains, ont soutenu Clinton. D’autres fractures apparaissent, celles entre des villes qui penchent vers les démocrates et des zones rurales qui se mobilisent pour le candidat républicain. Pour autant je ne parlerais pas de basculement mais d’une société qui est marqué par des rapports très contrastés à l’avenir économique, à la mondialisation, au multiculturalisme et aux valeurs familiales.
Doit-on réellement craindre une présidence Trump, d’après ses déclarations de campagne électorale ?
L’élection d’un candidat n’ayant jamais exercé d’office public peut être inquiétant et il faudra, dans les prochains jours, prêter attention à la nomination de ses conseiller et des membres de son administration. Je ne sais pas si les déclarations fantasques de ce candidat iconoclaste présagent de grands bouleversements nationaux ou géopolitiques. Mais depuis le début de la campagne de Donald Trump, et même s’il se « normalisait », on a une libération de la parole raciste, sexiste, islamophobe et antisémite. Les actes anti-musulmans ont augmenté de 72% dans la dernière année et beaucoup d’Américains des minorités vivent dans une vraie inquiétude aujourd’hui. Et en dépit d’un premier discours unificateur, Donald Trump a œuvré pendant sa campagne, à diviser le pays et à désigner des bouc-émissaires avec des effets durables sur la société américaine.
Quelles leçons peut-on tirer de cette élection selon vous ?
Audrey Célestine : Les leçons à tirer sont de plusieurs ordres. On peut tout d’abord prendre une certaine distance avec les modèles statistiques et les sondages donnant Hillary Clinton vainqueur du scrutin, ou du moins apprendre à les lire avec davantage de prudence. L’avance de Clinton était souvent assez faible dans les Etats tangents et on savait qu’elle ferait moins bien qu’Obama en 2012. Ensuite, au sein du Parti démocrate, il s’agira de poser la question de l’inclusion d’une partie de la population qui ne se sent absolument pas représentée par le parti aujourd’hui – les jeunes, une partie des classes populaires, les populations rurales notamment. Les démocrates devront peut-être pour cela passer par un rapprochement avec la frange gauche du parti qui a su montrer ses attentes avec la campagne de Bernie Sanders.
Ce résultat marque-t-il une réelle fracture et un basculement dans la société américaine ?
Que l’on regarde à la gauche du Parti démocrate ou dans l’électorat de Trump, il y a de la colère aujourd’hui dans la société américaine et la candidate démocrate ne l’a sans doute pas suffisamment pris en compte dans ses thèmes de campagne. Et les divisions existent. La fracture raciale qui n’est pas nouvelle, elle a été rendue visible par le mouvement Black Lives Matter ces dernières années. Quand on regarde les résultats de Trump, on voit que son électorat est principalement blanc et que les minorités qui ont voté, en particulier les Afro-Américains, ont soutenu Clinton. D’autres fractures apparaissent, celles entre des villes qui penchent vers les démocrates et des zones rurales qui se mobilisent pour le candidat républicain. Pour autant je ne parlerais pas de basculement mais d’une société qui est marqué par des rapports très contrastés à l’avenir économique, à la mondialisation, au multiculturalisme et aux valeurs familiales.
Doit-on réellement craindre une présidence Trump, d’après ses déclarations de campagne électorale ?
L’élection d’un candidat n’ayant jamais exercé d’office public peut être inquiétant et il faudra, dans les prochains jours, prêter attention à la nomination de ses conseiller et des membres de son administration. Je ne sais pas si les déclarations fantasques de ce candidat iconoclaste présagent de grands bouleversements nationaux ou géopolitiques. Mais depuis le début de la campagne de Donald Trump, et même s’il se « normalisait », on a une libération de la parole raciste, sexiste, islamophobe et antisémite. Les actes anti-musulmans ont augmenté de 72% dans la dernière année et beaucoup d’Américains des minorités vivent dans une vraie inquiétude aujourd’hui. Et en dépit d’un premier discours unificateur, Donald Trump a œuvré pendant sa campagne, à diviser le pays et à désigner des bouc-émissaires avec des effets durables sur la société américaine.