Une soixantaine d’élus d’Outre-mer ont été reçus par le président de la République à l’Élysée pour un déjeuner de travail ce vendredi 20 octobre. Parlementaires, présidents des exécutifs locaux, représentants d’association de maires… Une soixantaine de personnes était conviée. La Première ministre, Elisabeth Borne, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, et le ministre délégué aux Outre-mer, Philippe Vigier, étaient également présents. Au menu de ce déjeuner de près de trois heures, trois plats principaux : les problématiques budgétaires, les suites du Comité interministériel des Outre-mer (CIOM) et les évolutions institutionnelles et statutaires que réclament certains territoires.
La prochaine réforme constitutionnelle ne concernera que la Nouvelle-Calédonie
Le président de la République a confirmé que la réforme constitutionnelle qui doit modifier le statut de la Nouvelle-Calédonie dans les prochains mois ne concernera pas les autres Outre-mer. Un soulagement pour Nicolas Metzdorf, député du territoire. "Ça nous rassure parce qu’on est attentifs à ce que la réforme constitutionnelle arrive rapidement, explique-t-il. On ne pouvait pas attendre les autres Outre-mer sur le sujet. Si on commence à y mettre la Martinique, la Guadeloupe ou la Guyane, on ne s’en sort plus, il fallait qu’on avance." Le calendrier est serré : le gouvernement conditionne la tenue des prochaines élections provinciales, prévues en mai 2024 mais qui pourraient être repoussées, à la modification du statut de la Nouvelle-Calédonie.
"Il ne faut surtout pas que nous venions gêner la Nouvelle-Calédonie après tant de négociations", reconnaît Serge Letchimy, président du conseil exécutif de Martinique et signataire de l'appel de Fort-de-France, un texte rédigé en mai 2022 par les exécutifs de plusieurs territoires pour réclamer des marges de manœuvre plus larges. Serge Letchimy reste néanmoins prudent : "Il ne faut pas qu’on affiche la Nouvelle-Calédonie pour mieux camoufler ou éteindre la flamme pour les autres Outre-mer." Une crainte partagée par Elie Califer, député de Guadeloupe, qui espère que les évolutions statutaires ou institutionnelles réclamées par certains territoires se fassent rapidement. "Ça peut être hasardeux, si ça ne se fait pas dans le sillage de la Nouvelle-Calédonie, ça risque d’être renvoyé aux calendes grecques", prévient-il.
Trouver "un consensus"
Autre obstacle : l’Élysée conditionne toute évolution institutionnelle à "un consensus des élus et de la population au sein d'un même territoire". Or un consensus peut s'avérer très difficile à trouver. Dans le cas calédonien, l'État, les indépendantistes et les non-indépendantistes discutent depuis des années sans avoir réussi à dessiner un compromis.
En Martinique, Serge Letchimy entend "multiplier les réunions dans les quartiers, dans les communes, avec les acteurs économiques, avec les forces politiques" pour trouver "un consensus politique" dans les prochaines semaines.
"Au niveau de la Guyane, nous sommes prêts, veut croire Gabriel Serville, le président de la Collectivité Territoriale de Guyane. J’ai surtout l’impression que nous avons perdu un an. Je considère qu’on a perdu trop de temps par rapport à ce que nous avions déjà annoncé l’année dernière, en septembre 2022 [lors d'une première rencontre organisée par Emmanuel Macron avec les signataires de l'appel de Fort-de-France, ndlr]."
La Première ministre a insisté sur le fait que les choses devaient être vues territoire par territoire, chaque territoire ayant ses particularités, ses singularités. À nous de nous organiser et de trouver une entente.
Elie Califer, député de la Guadeloupe
Deux experts mandatés par le président
La notion de consensus imposée par Paris passe mal auprès de certains élus. "Le président nous renvoie la balle, il dit qu'il n'y a pas de tabou sur l'avenir institutionnel, mais qu'il faut un consensus. Pourtant, en France, quand ils n’arrivent pas à trouver un consensus, ils font passer un 49-3", ironise Tematai Le Gayic, député de Polynésie, en référence au 49-3 -le treizième depuis sa prise de fonction- utilisé par la Première ministre mercredi pour faire adopter sans vote une partie du budget 2024. "La méthode, quand elle ne fonctionne pas en France, il ne faut pas l’imposer dans les territoires d’Outre-mer", considère le député, qui souhaite que les évolutions statutaires se fassent à "la majorité".
Emmanuel Macron nommera dans les prochains jours deux experts chargés d’aller dans les territoires pour recueillir les doléances des différents acteurs et pour proposer des projets de réformes. Les conclusions de leurs travaux sont attendues au début de l'année prochaine. "Au 1er février 2024, nous allons devoir remettre notre copie, une copie définitive, explique Gabriel Serville. À partir de là va probablement s’ouvrir un nouveau cycle de discussion, directement avec le gouvernement cette fois-ci."
Si un calendrier se dessine, aucune date n’a été évoquée concernant la possible évolution des statuts des territoires et une éventuelle réforme constitutionnelle.