Emmanuel Macron tente de calmer la colère des "gilets jaunes" et fixe le cap de la transition énergétique

Emmanuel Macron lors du discours de présentation de la "Programmation pluriannuelle de l'énergie" le 27 novembre 2018, au palais de l'Elysée.
En pleine tourmente des "gilets jaunes", Emmanuel Macron s'est exprimé ce mardi pour fixer le cap énergétique des 10 aux 20 prochaines années. Une annonce entre plan sur le long terme et urgence d'une réponse aux contestataires, avec quelques pistes de réflexion pour la transition en Outre-mer.
Emmanuel Macron a présenté ce mardi la très attendue "Programmation pluriannuelle de l'énergie" (PPE) qui doit fixer le cap de la politique française en matière énergétique d'ici 2028. Cette annonce attendue depuis plusieurs mois, avec des prévisions sur le long-terme, a pris un tournant inattendu avec l'urgence de répondre au mouvement des gilets jaunes. "C'était un discours PPE, ça devient un discours de sortie de crise des "gilets jaunes"", résume un membre de la majorité à l'AFP.
 

Des violences "inacceptables" dans l'hexagone et Outre-mer

En préambule, le président de la République a donc souligné l'écho "particulier" de cette annonce avec le "mouvement de contestation de large ampleur parti du prix du carburant [qui] s'est déployé dans le pays" :
 

Il a donné lieu à des manifestations importantes mais aussi à des violences inacceptables, dans l'hexagone comme dans l'Outre-mer. Je ne confonds pas les casseurs avec des concitoyens qui veulent faire passer un message. J'éprouve de la compassion mais je ne cèderai rien à ceux qui veulent casser.


Adapter la fiscalité sur les carburants


Parmi les premières réponses apportées aux gilets jaunes, l'adaptation de la fiscalité sur les carburants en fonction de la fluctuation des prix du pétrole. Emmanuel Macron propose aussi un rendez-vous trimestriel pour "atténuer l'effet pour les concitoyens en cas d'envolée des cours mondiaux.

Les recettes des taxes sur le carburant devront continuer à financer le développement des énergies renouvelables. Aujourd'hui à hauteur de 5 milliards d'euros par an, elles devraient passer de 7 à 8 milliards d'euros.
 

Concertation sur le terrain

Emmanuel Macron a été clair : le gouvernement ne changera pas de cap. Le président entend changer de "méthode" et associer pour cela les élus, les associations et les acteurs de la transition de manière "différenciée sur le terrain" : 
 

La transition énergétique ne se fera pas de la même manière à Paris et dans les Outre-mer, les solutions ne seront pas les mêmes à la campagne et dans les métropoles. [...] Le débat national doit pouvoir s’inscrire dans les territoires. Les élus doivent être pleinement associés pour avoir leur mot à dire et les construire avec le gouvernement.

Les gilets jaunes pourront y prendre part et proposer des solutions parce que nous ne pouvons pas être dans la dénonciation réciproque.

- Emmanuel Macron, le 27 novembre 2018


Dès la fin de son discours, le Président de la République a demandé à François de Rugy, ministre de la Transition écologique, de recevoir les gilets jaunes dans l'après-midi. Constitué en délégation de 8 personnes, les gilets jaunes avaient demandé à être reçus au plus vite. Ils réclament notamment la baisse de toutes les taxes et la création d'une assemblée citoyenne.
 


Les premières mesures annoncées par Edouard Philippe, comme l'extension du chèque énergie, la création d'une "super prime" à la conversion pour les véhicules diesel et la défiscalisation des aides à l'achat de carburant pour les collectivités territoriales, n'avaient pas suffi à apaiser le mécontentement.

Ce que cette crise dit, c’est que les réponses que nous apportons sont trop abstraites. Il faut rendre ce sujet tangible. Quand ce n’est pas assez concret, tangible, simple, les gens ne l’utilisent pas.

- Emmanuel Macron, le 27 novembre 2018

 

Consommer moins d'énergies fossiles

Parmi les solutions "concrètes", il y a d'abord l'objectif de réduire la consommation d'énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) : 
  • Pour se déplacer : "La voiture a un avenir en France" mais il faut "développer de l'innovation et créer de l'emploi" pour des véhicules plus propres. Le plan mobilité annoncé hier devrait également permettre de débloquer 1 milliard d'euros sur dix ans pour le "désenclavement routier" afin de sortir de la logique du "tout-voiture"
  • Pour se chauffer : "Il faut encourager le bâtiment propre". 9 milliards d'euros y sont consacrés dans le cadre du plan d'investissement. Emmanuel Macron demande aussi d'apporter des "solutions concrètes sur le terrain" pour aider les foyers à remplacer les chaudières au fioul ou à mieux isoler leurs logements.
  • Pour produire : "Il faut inventer l'usine du futur qui recycle tout et ne rejette rien."
Enfin, l'ensemble des centrales à charbon seront fermées d'ici 2022. 
 

Réduire la part du nucléaire

En plus de cet objectif de baisse de l'usage des énergies fossiles, Emmanuel Macron annonce le report de l'objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique, qu'il juge "inatteignable". Prévu à 50% d'ici 2025, il sera finalement repoussé à 2035. Quatorze réacteurs seront arrêtés à partir de 2020, dont les deux de Fesseiheim et quatre à six d'ici 2025. 
 

L'éolien et la géothermie pour l'Outre-mer ?

Enfin, le recours à l'énergie photovoltaïque devrait être multipliée par cinq. D'ici 2030, le parc éolien terrestre devrait être triplé et pour l'éolien en mer, 4 appels d'offres seront lancés, sans détail sur leur localisation. Si certains essais d'éolien se sont avérés infructueux dans les territoires ultramarins, comme à Saint-Pierre-et-Miquelon, d'autres misent dessus. Ainsi, à la fin de l'année, un parc éolien doit être inauguré en Guadeloupe grâce à un investissement de 50 millions d'euros.  
 
Les territoires pourraient aussi miser sur la géothermie et la méthanisation, dont Emmanuel Macron a annoncé ce mardi vouloir la "montée en puissance".

Les orientations et objectifs présentés par Emmanuel Macron pour le PPE seront soumises à discussion pendant 5 mois.