Garrett Morgan, Mary Kenner, Lewis H. Latimer ou Marie Van Brittan Brown. Ces noms ne vous disent peut-être rien. Pourtant, leurs inventions nous facilitent la vie au quotidien. Feux de circulation, porte papier toilette, filament carbone ou vidéosurveillance : ces objets ont le point commun d'être le fruit de l'imagination d'inventeurs noirs, oubliés par l'histoire.
Un constat inacceptable pour Tania Armant. Depuis plusieurs années, la Martiniquaise milite pour que ces figures soient davantage connues. C'est à l'âge de 27 ans, grâce à une vidéo sur les réseaux sociaux, que l'assistante administrative découvre leur existence. "Avant ça, je pensais que les Noirs n'avaient rien inventé", souligne Tania Armant. Stupéfaite par une découverte si tardive, Tania refuse de rester inactive.
Des figures oubliées
Sur son site "Nos fameuses têtes penseuses", la Martiniquaise met en vente toutes sortes d'objets à l'effigie d'inventeurs noirs. "Ma première idée, c'était de les mettre en avant sur des supports qu'on utilise tous les jours comme des tee-shirts, des coques de téléphone, des mugs", précise-t-elle. Une manière de donner à ces personnages une place dans notre quotidien, comme l'ont obtenue leurs inventions.
"Mon fils porte tout le temps ces tee-shirts. Souvent, on lui demande qui sont ces personnes", s'amuse la mère de deux enfants. Un moyen ludique d'instruire les plus jeunes sur ces figures. Dans les programmes scolaires, ces inventeurs ne sont pas abordés, au grand désespoir de Tania Armant.
Un programme d'histoire peu "valorisant"
À l'école, on nous apprend l'esclavage et le commerce triangulaire, des sujets très importants, mais qui ne sont pas valorisants pour une personne noire. À plusieurs reprises, j'ai été gênée en classe lorsqu'on regardait des documentaires sur l'esclavage. C'est notre histoire, mais ce n'était pas évident de l'apprendre à l'école. Par contre, j'aurais aimé connaitre ces inventeurs.
Tania Armant
Ce cours d'histoire où les inventeurs noirs ont toute leur place, c'est le point de départ de la bande dessinée de Tania Armant. Dans ce premier tome, intitulé L'Histoire de Garrett Morgan et ses fameuses inventions, le lecteur est plongé dans une salle de classe où le professeur fait découvrir à ses élèves le parcours de Garrett Morgan.
Septième d'une fratrie de 11 enfants dans le Kentucky, Garrett Morgan quitte le foyer dès l'âge de 14 ans. À Cleveland, il est l'auteur de nombreuses inventions telles que le fixateur pour cheveux, le masque à gaz et les feux de signalisation. Mais sa couleur de peau l'empêche d'être récompensé comme il se doit pour ces avancées.
"Un grand esprit"
"Garrett Morgan, c'est un grand esprit, quelqu'un d'innovateur et d'inspirant, commente Tania Armant. Grâce à son masque à gaz, il a secouru de nombreuses personnes lors d'un accident à Cleveland. Mais il n'a pas reçu de prix pour son action. C'est à un homme blanc qu'a été décernée cette gratification." Un obstacle qui n'a pas freiné l'entrepreneur. Quelques années plus tard, il vend les droits de son invention des feux de signalisation pour 40 000 dollars à la General Electric Corporation.
"On voit qu'il n'a pas lâché, c'est pour ça que je voulais commencer par raconter son histoire", sourit Tania Armant. La Martiniquaise ne compte pas s'arrêter là : cinq autres bandes dessinées sont prévues dans cette série. L'inventeur du deuxième tome : Mary Kenner, à l'origine de l'ancêtre des serviettes hygiéniques.