En Guadeloupe, le CHU dans l'inquiétude face au manque de respirateurs

"La vague n'est pas encore là, certes, mais l'eau monte" : au CHU de Guadeloupe, le pic de l'épidémie est attendu pour la mi-avril mais l'inquiétude grandit face au manque de masques, de gel hydroalcoolique et surtout de respirateurs.
 
Avec une augmentation légère mais continue de nombre de contaminations avérées tous les jours, le CHU n'a eu, pour l'heure, qu'à gérer une montée en charge progressive de l'épidémie. Le service de réanimation du CHU n'est pour l'instant pas saturé: il compte 15 patients atteints du coronavirus et 7 "non Covid-19". Soit l'occupation complète du service de réanimation normal, avec une arrivée par jour.
 

En vue d'une vague brutale

Malgré une situation altérée par l'incendie qui a détruit une partir du CHU il y a deux ans, l'hôpital tente de se préparer à la vague de l'épidémie qui "va arriver brutalement", indique une note interne. Au 3 avril, le nombre de cas recensés est de 130 sur l'île, dont 31 personnes hospitalisées. Sept personnes sont décédées et 29 guéries.

Au plus fort de la crise, cinq unités Covid pourront offrir jusqu'à 110 lits d'hospitalisation. Le pic est attendu vers le week-end de Pâques. Mais déjà les besoins en matériel et en médicaments sont importants. "La vague n'est pas encore là, certes, mais l'eau monte", explique Cédric Zolezzi, directeur général adjoint du CHU, aux manettes opérationnelles depuis que le directeur Gérard Cotellon a été diagnostiqué positif au Covid-19. 

Besoins de matériel et médicaments

"Nous avons besoin de 25.000 masques de soin, 4.000 FFP2 et 400 litres de gel hydroalcoolique", annonce M. Zolezzi, qui réclame la réserve d'Etat. Jeudi, il manquait 10.000 masques pour finir convenablement la semaine, a-t-il expliqué. "Nous avons passé des commandes mais nous ne savons pas vraiment quand cela arrivera"
    
Le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Dixmude est parti vendredi de Toulon avec plusieurs centaines de milliers de masques et plusieurs centaines de litre de gel hydroalcoolique, mais n'arrivera que mi-avril. Et les stocks de médicaments, mais aussi d'anesthésiants, baissent également.
 

Respirateurs inadaptés

Mais ce qui inquiète le plus, c'est le manque de respirateurs. "Nous avons besoin de 20 respirateurs", affirme Cédric Zolezzi. Les besoins ont été remontés auprès de l'Etat qui a annoncé l'arrivée de 32 de ces machines. "Sauf que ce sont des respirateurs de transport, donc inadaptés au traitement des malades du Covid-19", car prévus pour ventiler le patient sur une courte durée, rapportent plusieurs acteurs de l'hôpital.
    
"Les problèmes d'approvisionnement ne sont pas nouveaux au CHU de Guadeloupe", remarque Gaby Clavier, de la branche santé du syndicat UGTG, qui souligne une "vraie mobilisation du personnel". Des infirmiers et infirmières d'autres services sont formés à la réanimation, confirme Cédric Zolezzi. Une centaine de personnes seront mobilisées au plus fort de la crise.

Après l'aide du Régiment du service militaire adapté pour installer les premières unités Covid, 22 membres de la réserve sanitaire sont venus en renfort. "Ils sont arrivés 15 jours trop tôt", note un soignant de "réa". 
    

Vers une courbe exponentielle ? 

Pour le Pr Michel Carlès, chef du service de réanimation, à peine guéri de son infection au coronavirus, plusieurs hypothèses d'évolution de l'épidémie sont possibles : une progression calme jusqu'à la mi-avril, "une courbe de croissance exponentielle de l'épidémie d'ici là ou une descente de la courbe, cette dernière étant peu probable", indique-t-il.

Selon une modélisation de l'Institut Pasteur pour la Guadeloupe, "si une personne atteinte par le Covid-19 infecte en moyenne moins d'une autre personne (0,6)", l'épidémie serait "freinée très fortement", voire "endiguée" d'ici au mois de mai. Mais "si une personne atteinte par le Covid-19 affecte en moyenne plus d'une personne (de 1 à 1,5), les besoins en lits de réanimation seront très élevés en mai". Il faudrait alors 125 lits, que le territoire n'a pas.

Dans la population, les comportements semblent se relâcher : depuis plusieurs jours, des vidéos et témoignages montrent là un semblant d'embouteillage, ici un petit attroupement. Depuis mercredi, un couvre-feu a été instauré sur l'ensemble du territoire entre 20h et 5h du matin.