En Guyane, un projet de décharge inquiète une entreprise d'eau potable

Chaîne de production de Dilo, seule entreprise d'embouteillage d'eau de boisson de Guyane. Basée à Montsinéry-Tonnegrande, l'entreprise a été fondée par Bernard Lama.
En Guyane, un projet de décharge inquiète la seule entreprise d'embouteillage d'eau de boisson du territoire, fondée par l'ancien footballeur Bernard Lama. Ce dernier craint la contamination de la ressource en eau.

"Nous ne sommes pas contre le projet, mais on ne veut pas que ce soit à proximité" de l'usine d'embouteillage d'eau. C'est ce qu'a affirmé l'ex-gardien de but des Bleus et du Paris SG, Bernard Lama, au sujet d'un projet de décharge.

Ce dernier a fondé en 1999 Dilo, une société qui pompe l'eau dans les fractures des roches souterraines appelées aquifères, "jusqu'à 70, 80 mètres" de profondeur, pour la mettre en bouteilles, explique Georges Euzet, le directeur de la société.

Installée à Montsinéry-Tonnegrande, à une trentaine de kilomètres de Cayenne, la société commercialise neuf millions de bouteilles chaque année et emploie 15 personnes.

"Mis devant le fait accompli"

Mais un projet de décharge de déchets ménagers, ou 'Installation de stockage de déchets non dangereux' (ISDND), prévu sur la commune limitrophe de Macouria, à quatre kilomètres des forages, assombrit les perspectives de développement.

"On a reçu les premières alertes dès 2017 ou 2018", précise Georges Euzet. À l'époque, la Communauté d'agglomération du Centre Littoral (CACL) cherchait une parcelle pour remplacer l'ancienne ISDND, qui arrive à saturation.

"Cela fait plus de 20 ans que nous sommes installés ici et nous sommes mis devant le fait accompli", déplore Bernard Lama. "Entre 2018 et 2023, nous n'avons eu aucun contact" avec les élus, abonde Georges Euzet.

En janvier dernier, le président de la CACL a rencontré les dirigeants de l'entreprise pour "discuter des craintes qui peuvent exister et apporter des éléments de réponse", selon un communiqué diffusé par la communauté d'agglomération sur son site.

"Risque industriel"

Le temps presse pour la CACL, chargée de la gestion des déchets. L'ancienne décharge fermera en 2025, mais avant de lancer le chantier, elle doit attendre le feu vert de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG).

Pour permettre la création d'une nouvelle décharge, les élus doivent voter la modification du schéma d'aménagement régional. Le sujet a été inscrit plusieurs fois à l'ordre du jour des dernières assemblées plénières, sans toutefois être soumis au vote

Pour Patricia Réjon, adjointe au maire de Montsinéry-Tonnegrande en charge de la biodiversité, une nouvelle ISDND est indispensable, mais "ce projet ne doit pas se faire au détriment d'autres acteurs, notamment cet acteur-phare qu'est Dilo". Elle évoque un "risque industriel".

Le maire de la commune voisine de Macouria, qui doit recevoir cette installation, n'a pas répondu aux demandes de l'AFP.

70.000 tonnes par an

Devant les inquiétudes de Dilo, des gages supplémentaires ont été apportés par la CACL. "Les déchets ne seront pas directement enterrés mais mis en balles", assure Kenny Chen-Tung, vice-président de la commission environnement-déchets. Cette mesure est censée empêcher l'écoulement des liquides issus de la fermentation des ordures.

La mise en balles perdurera jusqu'à l'ouverture d'une unité de valorisation des déchets dotée d'un incinérateur, prévue en 2027 sur un autre site de Macouria. Ensuite, les résidus issus de l'incinération seront enfouis sur le site proche de Dilo.

La CACL prévoit l'enfouissement de 70.000 tonnes par an. "S'il y a le moindre doute sur la qualité de nos produits, leur valeur s'effondre", s'inquiète Georges Euzet. La société craint un coup d'arrêt pour son projet d'agrandissement, qui inclut une nouvelle ligne de production.

"Nous ne voulons pas être en conflit avec qui que ce soit", répète Bernard Lama. Pour l'instant, aucune action en justice n'est entreprise : Dilo reste suspendue au vote des élus de la CTG, susceptible de modifier le schéma d'aménagement régional et par conséquent d'autoriser les travaux.