Un rapport de 620 pages vient d'être publié par l'Inserm concernant les conséquences des essais nucléaires atmosphériques en Polynésie entre 1966 et 1974. Selon les chercheurs de l'Institut, les rares études ne permettent pas de mettre en évidence un "impact majeur" sur la santé des Polynésiens.
"Les rares études épidémiologiques sur la Polynésie française ne mettent pas en évidence d’impact majeur des retombées des essais nucléaires sur la santé des populations polynésiennes", estiment les chercheurs de l'Inserm, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, dans une étude dont les conclusions ont été publiées le 19 février 2021. L'étude a été réalisée à la demande du le ministère de la Défense, via l’Observatoire de la santé des vétérans en 2013. Elle porte sur les conséquences des 46 essais nucléaires atmosphériques menés par la France en Polynésie, à Moruroa et Fangataufa, entre 1966 et 1974.
Dix scientifiques mobilisés
Dix scientifiques de l'Inserm ont mené ces travaux, en se basant sur la littérature scientifique publiée sur cette question. Dans la mesure où les études sur les conséquences des essais nucléaires sont peu nombreuses, les chercheurs ont élargi leur recherche en incluant les données disponibles sur les dommages sanitaires des essais nucléaires atmosphériques réalisés par d’autres pays, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni et l’ex-URSS.
Se basant sur les deux seules études réalisées sur la population polynésienne et sur les vétérans, les experts de l'Inserm concluent qu'ils disposent de trop peu d'éléments pour mettre en évidence un impact majeur des essais nucléaires sur la santé des populations.
Une étude menée sur la population locale montre une faible augmentation du risque de cancer de la thyroïde en lien avec l’augmentation de la dose reçue à la thyroïde avant l’âge de 15 ans. Une étude de mortalité menée sur le personnel militaire met en évidence une augmentation du risque de mortalité par hémopathies malignes.
Les résultats de ces études sont insuffisants pour conclure de façon solide sur les liens entre l’exposition aux rayonnements ionisants issus des retombées des essais nucléaires atmosphériques en Polynésie française et l’occurrence de ces pathologies, mais ils ne permettent pas non plus d’exclure l’existence de conséquences sanitaires qui seraient passées inaperçues jusqu’à présent.
Quelles recommandations de l'Inserm ?
En conclusion, les chercheurs de l'Inserm émettent trois recommandations pour tenter d'aller plus loin sur cette question :
►Améliorer et pérenniser le système de surveillance sanitaire des pathologies non transmissibles (cancers, maladies cardiovasculaires, anomalies congénitales), en particulier consolider le Registre des cancers tout en le dotant d’un conseil scientifique indépendant.
►Affiner les estimations de doses reçues par les populations locales et par les personnels civils et militaires, en particulier via l’accès à l’ensemble des mesures de surveillance radiologique environnementale.
►Réaliser une veille attentive et rigoureuse de la littérature scientifique internationale sur la problématique des effets des faibles doses de rayonnements ionisants, en particulier pour certains cancers (à ce jour non reconnus par les instances internationales comme pouvant être radio-induits), les maladies cardiovasculaires et les effets sur la descendance.