Promiscuité, manque d’intimité, non-séparation des différentes catégories de détenus, violences, insalubrité,…Dans le rapport intitulé "Dignité en prison. Quelle situation deux ans après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme ?", publié par l’OIP et Amnesty International, le constat est sans appel, rien n’a changé. Une des causes est pourtant bien identifiée, en mai 2022, 71 038 personnes étaient détenues en France et le taux d'occupation moyen en maison d'arrêt était de 138,9%.
Les prisons du Pacifique pointées du doigt
En février 2020, l’OIP avait saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie concernant la situation du centre pénitentiaire de Nouméa. Ce dernier avait ordonné de faire cesser les différents manquements à l’hygiène entre autres et d’améliorer les conditions d’accueil dans les parloirs. Le Conseil d’Etat, saisi en appel, avait aussi complété les injonctions en ordonnant "d’engager sans délai des travaux de mise aux normes des différentes cours de promenade de l’établissement, d‘assurer la séparation complète des annexes sanitaires dans l’ensemble des cellules et de prendre toutes mesures susceptibles d’améliorer les conditions matérielles d’installation des détenus, notamment en ce qui concerne la luminosité des cellules et le remplacement des fenêtres défectueuses".
Pourtant, ce même Conseil d’Etat, dans une décision du 11 février 2022, a constaté que plusieurs de ces mesures n’ont toujours pas été mises en œuvre. Par exemple, les sanitaires et points d’eau du quartier des mineurs sont toujours dans "un état de délabrement et d’insalubrité caractérisé". De même, la mise aux normes des installations électriques de certains bâtiments et l’amélioration des conditions d’hygiène n’ont pas été effectuées.
Un constat similaire en Polynésie française dans la prison de Faa’a Nuutania. Selon le rapport, "constatant les traitements inhumains et dégradants que cela constituait pour les détenus et l’insuffisance des mesures prise par l’administration pour y remédier, le Conseil d’État lui a enjoint de "renforcer l’efficacité de la lutte contre les rats" et d’augmenter la fréquence de curage des canalisations."
Un constat partagé dans l’Hexagone et remonté par les détenus
De nombreux centres pénitentiaires et de maisons d’arrêts sont concernés par ces problèmes. 42 établissements ont été condamnés par la justice pour conditions indignes de détentions. Parmi ces derniers, plusieurs sont en Outre-mer. Le centre pénitentiaire de Faa’a Nuutania en Polynésie française, le centre pénitentiaire de Nouméa Camp Est en Nouvelle-Calédonie, celui de Rémire-Montjoly en Guyane, celui de Ducos en Martinique et les maisons d’arrêt de Baie-Mahault et de Basse-Terre en Guadeloupe.
Il arrive que ce soit les détenus eux-mêmes qui fassent remonter les problèmes d’insalubrité. Pour la prison de Faa’a Nuutania, un détenu a lancé une requête individuelle au Conseil d’Etat, qui a fait droit. Le plaignant a dénoncé une invasion de rats, ainsi qu’une cour de promenade qui "se retrouve fréquemment couverte d’eaux usées, comprenant notamment des déjections humaines".
Un autre détenu, à La Réunion, a écrit à l’OIP pour se plaindre du manque de contact physique avec ses proches, notamment à cause de la pandémie : "Deux ans sans toucher ma fille de trois ans, sans se faire de câlin c’est inadmissible". Une pandémie qui n’a fait qu’aggraver les conditions de détention au cours des deux dernières années.
Dans ses conclusions, l’Office International des Prisons estime que la surpopulation carcérale ne reflète pas l’augmentation de la délinquance, mais qu’elle relève plutôt des orientations politiques des dernières décennies avec la création de nouveaux délits dont la vente à la sauvette, l’occupation d’un terrain ou l’immigration irrégulière sur le territoire.