Une équipe de chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle a montré qu’en Guyane, lorsque les grands animaux qui dispersent naturellement les graines de certains arbres sont tués, la forêt toute entière en subit les conséquences.
La chasse a-t-elle un impact sur la forêt tropicale ? Cette activité très pratiquée en Guyane pourrait-elle nuire à l’environnement ? C’est ce que tend à montrer dans une certaine mesure une étude rendue publique par des chercheurs du Muséum national d’histoire naturelle. Ils s’inquiètent d’un appauvrissement global de la forêt tropicale.
Selon le communiqué du Muséum national d’histoire naturelle, "une majorité des espèces d’arbres repose sur les animaux qui consomment leurs fruits et dispersent leurs graines, et ainsi se régénère. La diminution des populations animales en raison de la chasse devrait donc avoir un impact sur la dynamique de régénération des arbres de la forêt".
La comparaison entre les deux sites s’est avérée très instructive. Dans les deux endroits, on trouve un arbre qui a été découvert très tardivement par la science. Il s’agit du Virola Kwatae décrit en 1997. "Cet arbre porte le nom du singe-araignée, le Kwata en langue saramaca", précise Pierre-Michel Forget. Or c’est grâce à ce singe qui consomme le fruit de cet arbre et en dissémine les graines que la population de Virolas se régénère.
"Dans la réserve naturelle des Nourages, ce singe est extrêmement abondant, souligne le Professeur Pierre-Michel Forget, tandis que dans la montagne de Kaw, où il peut être braconné, nous n’en avons observé aucun lors de notre étude". Pour les scientifiques, le fait que ce singe soit si peu présent met la forêt tropicale en danger.
Les effets de la chasse sur les arbres ne sont pas immédiatement visibles. "Cela ne se perçoit pas à l’échelle d’une génération, précise Pierre-Michel Forget, mais plutôt sur ces centaines d’années". Sur le long terme, l’étude (MNHN-MNHN) menée par Olivier Boissier, François Feer, Pierre-Yves Henry et Pierre-Michel Forget, montrent que ces immenses superficies de forêts risquent de se retrouver considérablement appauvries.
"Les espèces d’arbres, notamment celles à grosses graines dispersées par les animaux les plus chassés, souvent des primates, risquent de disparaître au profit de la minorité d’espèces dispersées par le vent ou à petites graines", précisent-ils dans un communiqué.
A ce titre une autre espèce d’arbre est emblématique. Il s’agit du balata. "Ses fruits sont consommés par les primates et on a pu observer dans la montagne de Kaw une accumulation sur certains arbres de fruits à la base, note Pierre-Michel Forget. C’est un signe évident que les primates sont beaucoup moins présents". L’atèle (ou singe-araignée) est pourtant intégralement protégé, mais comme le dit le professeur un brin désabusé, "il est difficile de mettre un garde-forestier derrière chaque arbre".
Pour Pierre-Michel Forget, les deux événements sont en effet "indirectement liés" et l’étude à laquelle il a participé s’avère d’une actualité brulante. "J’espère que la dégradation de la forêt amazonienne ne va pas entraîner de pandémie, insiste-t-il. Il ne faut surtout pas que la viande de brousse de Guyane soit exportée. Je peux en effet témoigner d’une dégradation des écosystèmes en Guyane. Mais pour en venir à cette conclusion, il faut prendre le temps de bien étudier et analyser les informations récoltées", témoigne le chercheur.
Publication dans une revue phare
L’étude s’intéresse précisément aux "effets que la chasse en Guyane peut avoir sur la régénération de la forêt elle-même". Les résultats viennent d’être publiés dans la revue Ecological Applications, "la revue phare de la société d’écologie nord-américaine", précise Pierre-Michel Forget professeur d’écologie tropicale au Muséum, l’un des co-auteurs de l’article.Selon le communiqué du Muséum national d’histoire naturelle, "une majorité des espèces d’arbres repose sur les animaux qui consomment leurs fruits et dispersent leurs graines, et ainsi se régénère. La diminution des populations animales en raison de la chasse devrait donc avoir un impact sur la dynamique de régénération des arbres de la forêt".
What a beautiful bird #toucan, and world without defaunation. RT @RNNouragues @INEE_CNRS https://t.co/as6XKInSsF
— Pr. Pierre-Michel Forget #BlackLivesMatter (@PiMForget) June 2, 2020
Les Nouragues et la montagne de Kaw
Les chercheurs ont mené cette étude de 2009 à 2012 sur deux sites en particulier en Guyane. Le premier se trouve dans la forêt des Nouragues, la seconde plus grande réserve naturelle de France (après celle des TAF), préservée de toute activité humaine, et le second lieu d'étude se situe dans la montagne de Kaw située à 60 km de Cayenne et donc bien plus impactée par l’homme.La comparaison entre les deux sites s’est avérée très instructive. Dans les deux endroits, on trouve un arbre qui a été découvert très tardivement par la science. Il s’agit du Virola Kwatae décrit en 1997. "Cet arbre porte le nom du singe-araignée, le Kwata en langue saramaca", précise Pierre-Michel Forget. Or c’est grâce à ce singe qui consomme le fruit de cet arbre et en dissémine les graines que la population de Virolas se régénère.
"Dans la réserve naturelle des Nourages, ce singe est extrêmement abondant, souligne le Professeur Pierre-Michel Forget, tandis que dans la montagne de Kaw, où il peut être braconné, nous n’en avons observé aucun lors de notre étude". Pour les scientifiques, le fait que ce singe soit si peu présent met la forêt tropicale en danger.
Les effets de la chasse sur les arbres ne sont pas immédiatement visibles. "Cela ne se perçoit pas à l’échelle d’une génération, précise Pierre-Michel Forget, mais plutôt sur ces centaines d’années". Sur le long terme, l’étude (MNHN-MNHN) menée par Olivier Boissier, François Feer, Pierre-Yves Henry et Pierre-Michel Forget, montrent que ces immenses superficies de forêts risquent de se retrouver considérablement appauvries.
"Les espèces d’arbres, notamment celles à grosses graines dispersées par les animaux les plus chassés, souvent des primates, risquent de disparaître au profit de la minorité d’espèces dispersées par le vent ou à petites graines", précisent-ils dans un communiqué.
Le singe-araignée
A ce titre une autre espèce d’arbre est emblématique. Il s’agit du balata. "Ses fruits sont consommés par les primates et on a pu observer dans la montagne de Kaw une accumulation sur certains arbres de fruits à la base, note Pierre-Michel Forget. C’est un signe évident que les primates sont beaucoup moins présents". L’atèle (ou singe-araignée) est pourtant intégralement protégé, mais comme le dit le professeur un brin désabusé, "il est difficile de mettre un garde-forestier derrière chaque arbre".
Médiation scientifique
Cet appauvrissement des forêts tropicales inquiète les chercheurs qui y voient "une menace pour les activités économiques ou de subsistance, telles que l’exploitation du bois, des fruits ou des graines". C’est pourquoi en janvier dernier, ils ont tenu à partager leurs connaissances avec les élèves lors d’une journée portes-ouvertes à l'école Henri Sulny à Saint-Georges de l’Oyapock.Quelques photos des chercheurs @ECOTROP_MNHN avec les jeunes guyanais de Saint-Georges-de-l’Oyapock. pic.twitter.com/RjStkryEb5
— Pr. Pierre-Michel Forget #BlackLivesMatter (@PiMForget) January 30, 2020
Pandémie et environnement
En cette période d’épidémie de Covid-19, de nombreux scientifiques comme des hommes politiques alertent sur la menace que représente la dégradation des écosystèmes au regard de cette zoonose qui a paralysé la vie de millions de Terriens.Pour Pierre-Michel Forget, les deux événements sont en effet "indirectement liés" et l’étude à laquelle il a participé s’avère d’une actualité brulante. "J’espère que la dégradation de la forêt amazonienne ne va pas entraîner de pandémie, insiste-t-il. Il ne faut surtout pas que la viande de brousse de Guyane soit exportée. Je peux en effet témoigner d’une dégradation des écosystèmes en Guyane. Mais pour en venir à cette conclusion, il faut prendre le temps de bien étudier et analyser les informations récoltées", témoigne le chercheur.