Dans l'équipe de France, trois joueurs d’Outre-mer sont directement concernés par l'Euro : Wesley Pardin, le gardien martiniquais, et les deux Réunionnais Melvyn Richardson et Benoit Kounkoud. Ils ont tous joué contre l’Allemagne, lors de l’unique match de préparation. Le Martiniquais Théo Monar est pour l'instant en réserve du groupe et reste à Paris, il ne sera appelé qu’en cas de coup dur.
L’atout Richardson
Joël Abati, qui a marqué l’histoire du handball français, sera consultant pour La 1ère sur cet Euro. Pour en avoir disputé de nombreux (quatre) et n'en avoir gagné qu’un seul en Suisse en 2006, le Martiniquais est très bien placé pour juger cette compétition : "Le Championnat d’Europe, c’est le tournoi le plus relevé, l’équipe de France reste l’équipe à battre depuis 15 ans et personne ne va lui faire de cadeaux, surtout quand la bête est blessée ou amoindrie. L’Allemagne a montré aux autres que les bleus étaient battables."
Face à l'Allemagne, les bleus ont alterné le bon et le moins bon, avec une domination claire en première période, mais dès que Guillaume Gilles a effectué des rotations, il y a eu des couacs. Pas grave pour Melvyn Richardson, qui considère que ça fait partie du job : "On a changé de système défensif en cours de match, passer de 0/6 à 1/5 on n’avait pas trop l’habitude, on a vu les erreurs qu’on a commises. La 0/6 on la maîtrise mieux, ce qui est bien c’est de proposer plusieurs systèmes défensifs, et les tester, on pourra surprendre nos adversaires ainsi."
Le Réunionnais, qui joue désormais à Barcelone, sait ce que le haut niveau veut dire. Il a tourné la page et est sorti de son cocon Montpelliérain pour se projeter dans un défi autrement plus périlleux. Cet Euro arrive à pic pour prouver qu’il a grandi.
"Melvyn a une carte à jouer dans les moments de jeu qu’on lui donnera et devra prendre ses responsabilités, on a besoin d’artilleur comme lui, comme il l’a fait en fin de match, il devra tenir la baraque dans cet Euro."
Melvyn lui reste serein comme à son habitude, même à deux jours du début de l’Euro, confirmant qu’il a signé à Barcelone pour encore mieux découvrir cette pression et apprendre.
La bonne pioche Kounkoud
Pour cet Euro Guillaume Gilles va s’appuyer sur une génération de nouveaux joueurs du fait des forfaits de Luka Karabatic, de Nedim Remili, du Martiniquais Jean-Jacques Acquevillo ("une grosse perte pour les tirs de loin et le défi physique", selon Joël Abati), mais aussi la retraite des cadres, les ailiers Luc Abalo et Mickael Guigou, titrés à Tokyo.
En matière d’ailier, en voilà un qui devrait vite s’affirmer comme titulaire : le Réunionnais Benoît Kounkoud. Le joueur du PSG, à 25 ans, est déjà aguerri aux joutes de la ligue des champions, mais en équipe de France les places étaient occupées et il n’avait que rarement pu jouer (seulement 20 sélections, 26 buts marqués). Contre l'Allemagne, Benoît Kounkoud est sorti du banc en début de seconde période et a signé un 100% aux tirs (3/3) : "Je me suis senti bien, j’ai été efficace aux tirs, l’important était de reprendre du rythme avec le groupe. Personellement, ça s’est bien passé pour moi. J'ai encore un peu de travail à effectuer sur les systèmes en défense mais mon intégration se passe bien ".
Le joueur est en confiance, on l’a vu avec ses buts sur l’aile droite, et ne va pas sans rappeler un certain Luc Abalo avec ses très hauts temps de suspension avant de déclencher le tir. Un style spectaculaire qui fonctionne, et Benoit a déjà son surnom dans l’équipe, Beni.
J’arrive dans un groupe qui a une grosse histoire, le moteur c’est de se mettre au diapason et apporter au groupe, car l’objectif c’est d’aller chercher la plus belle des médailles. C'est l’état d’esprit de notre groupe.
Cela n’a pas échappé à l’œil du Révérend (surnom de Joël Abati avec l’équipe de France), qui s’est régalé, lui l’ancien arrière reconverti ailier sur sa fin de carrière : "Benoît a fait une très bonne sortie comme il le fait désormais au PSG. Il doit confirmer avec beaucoup plus de prises d’initiatives surtout défensives, il peut vraiment apporter un plus à cette équipe et s’imposer comme titulaire."
Le come-back de Pardin
En voilà un qui va prendre tout ce qui lui arrive comme un bonus dans sa carrière. Après la grave blessure de l’an dernier en Egypte (rupture des ligaments du genou lors du mondial 2021), le Martiniquais Wesley Pardin est de retour. LeyWes comme le surnomme ses coéquipiers dans le groupe, a sorti deux tirs aux buts grâce à ses réflexes intacts en deuxième période. A 32 ans, il savoure : "Ce retour pour moi c’est d’abord me dire que je n’ai pas fait toute cette rééducation pour rien, je voulais juste prendre du plaisir, être heureux de revenir en bleu. Je me suis vite remis en mode compétition, penser à arrêter des ballons, retrouver des sensations.
Je suis en phase de reprise, il me faut un peu de temps pour reprendre mes repères avec les coéquipiers".
La performance du Lamentinois n’a pas laissé indifférent Abati, le Foyalais retraité : "Wesley n’est pas titulaire, mais c’est une bonne chose de le voir revenir, car même en club il est en difficulté. Le chemin est long mais il a de beaux restes et c’est une bonne chose pour lui d’être en bleu. A lui mentalement d’être fort, il l’a déjà démontré, quand on sort de blessure, c’est le mental qui fait la différence".
Wesley Pardin sera-t-il la surprise du chef ? On se rappelle que Guillaume Gilles jugeant Vincent Gérard pas assez prêt, avait titularisé le Martiniquais lors du premier match contre le Norvège lors du mondial. Match où Pardin réalisa 17 arrêts et se révéla aux yeux des observateurs internationaux du handball. Encore trop tôt pour le dire, même si le coach français n’en est pas à ses premières surprises en matière de choix.
Wesley lui-même avouant honnêtement ne pas tout à fait prêt
" J’ai subi les tirs adverses contre l’Allemagne car je n’ai pas retrouvé mon agressivité qui était mon fonds de commerce. Il faut que je redevienne guerrier pour agresser le tireur, mais je travaille pour retrouver cet état d’esprit ".
Pardin a aussi en tête quelque chose qui lui tient à cœur.
Je fais partie de cette équipe de France, même si je n’étais pas aux JO j’étais très heureux pour eux. Comme je n’ai rien gagné en bleu, j’aimerais vraiment ajouter dans ma carrière un titre ou un podium. Ça serait la concrétisation de pas mal de mois de souffrances et d’efforts.
Les bleus joueront leur premier match contre la Croatie jeudi soir à 20h30 à Szeged, en Hongrie. Il ne faut pas rater la première marche confirme Joël Abati : "Le tournoi sera difficile, même si on sort des JO, il y a des nouvelles générations qui arrivent un peu partout dans toutes les équipes. Etre en demi-finale ce serait bien, ensuite c’est du bonus. On peut battre tout le monde car les autres équipes sont aussi dans des phases de transition. C’est important pour montrer nos capacités, c’est une année d’apprentissage. Il faudra pour Guillaume Gilles trouver la bonne articulation entre les cadres et les jeunes qui peuvent s’exprimer lors de cet Euro. On va voir éclore des talents sachant qu’en club ils jouent tous la Ligue des Champions ".
Un vrai jeu de chaises musicales pas simple à gérer pour Guillaume Gilles. Le boss a déja montré son savoir-faire en la matière. Et puis les bleus connaissent souvent bien leurs partitions quand ils ont un peu de pression. Ils restent l’équipe à battre.