Expo : "L’Afrique des routes", l’histoire mondialisée d’un continent au Quai Branly

L'affiche de "L'Afrique des routes" au musée du Quai Branly.
Depuis l’Antiquité, l’Afrique a échangé avec le reste du monde. Une remarquable exposition au musée du Quai Branly à Paris (du 31 janvier au 12 novembre 2017) vient rappeler l’extraordinaire vigueur de ce continent, berceau de l’humanité.
A contre-courant du préjugé véhiculé par la colonisation, et malheureusement encore vivace aujourd’hui, qui soutient que l’Afrique entre dans l’histoire avec l’arrivée des premiers Européens, l’exposition « L’Afrique des routes » apporte un démenti cinglant et documenté. Depuis le cinquième millénaire avant notre ère, en effet, ce continent a échangé et commercé avec le reste du monde, s’inscrivant dans un processus de globalisation avant la lettre.
 

Multiplicité d'objets 

« Nous avons en Occident un problème idéologique avec l’idée que l’Afrique n’aurait pas d’histoire », explique Catherine Coquery-Vidrovitch, historienne et commissaire associée de l’exposition du Quai Branly, dans la plaquette de présentation de l’événement. « A travers les objets, nous voulons montrer qu’au contraire cette histoire est très longue, et pas seulement interne. Les Africains, notamment les Subsahariens, ont toujours échangé avec le reste du monde. (…) Pendant des milliers d’années, les Africains ont voyagé, échangé en suivant les côtes, les pistes, les fleuves, les voies ferrées. »
 
Par la présentation d’une multiplicité d’objets – sculptures, manuscrits, peintures, orfèvrerie, pièces d’ivoire, tissus… et de contenus multimédias (un documentaire, des éléments audio et des cartes interactives) – l’exposition retrace les parcours de nombreuses communautés et peuples d’Afrique. Pas tous, tant le continent est vaste, mais en majorité ceux qui étaient les plus structurés sur les plans politique, militaire et économique, en royaumes ou empires (Ghana, Mali, Songhay, Bénin, Congo, Zimbabwe…).
 

Depuis l’Antiquité, l’Afrique a été en contact avec d’autres peuples. Les Asiatiques, notamment les Chinois, les Perses, les Arabes et les Indiens avaient des échanges avec le continent bien avant l’arrivée des Européens à la fin du XVe siècle. Des manuscrits anciens rédigés en Arabe et en Swahili en témoignent, balayant un autre mythe stipulant que l’Afrique ne disposait pas de sources écrites.
 
L’exposition a pour ambition d’évoquer différentes formes de routes : « celles des villes, du commerce, des religions, des formes, de la colonisation et des objets ». Par les routes forestières, fluviales et côtières notamment, les Africains étaient parvenus à une grande maîtrise de leur environnement. Au point que, selon des sources orales, un empereur du Mali, Aboubakar II, avait lancé deux expéditions à la découverte de l’océan Atlantique vers 1310-1312.
 

Immenses réseaux 

Sur le plan urbain, « L’Afrique des routes » nous apprend que les immenses réseaux de circulation du continent donnaient naissance à de nombreux centres urbains, siège des appareils de pouvoir, qui étaient à l’époque aussi importants que les villes occidentales médiévales. Par exemple au XVe siècle, la cité de Zimbabwe comptait près de 10.000 habitants et exportait de l’or dans tout l’océan Indien. Les richesses minérales de l’Afrique, convoitées depuis des millénaires, l’ouvrirent certes au monde entier mais entraînèrent également son malheur. Car après le fer, l’or, le cuivre, l’ivoire, ce furent le capital humain que vinrent chercher d’abord les esclavagistes arabes, puis les Occidentaux, aidés en cela par certaines féodalités locales vénales et sans scrupules.