Expo photo Nouvelle-Calédonie: la jeunesse tribale de Patrice Terraz

Le photographe marseillais Patrice Terraz a passé cinq semaines en Nouvelle-Calédonie. Il est allé à la rencontre des jeunes Kanak des tribus de Lifou et d’Ouvéa et en a rapporté toute une galerie de portraits. A voir à La Friche de la Belle de mai à Marseille jusqu’au 3 juin.
« C’était une aventure incroyable », raconte Patrice Terraz devant ses photos, accrochées dans l’une des salles de la Friche de la Belle de mai : 10 portraits de jeunes Kanak qui interpellent les visiteurs au beau milieu de l’exposition collective « Jeunes générations » présentée à Marseille jusqu’au 3 juin 2018. « C’est d’un réalisme fou, explique une spectatrice, je ressens exactement ce que j’ai ressenti lors de mon voyage en Nouvelle-Calédonie ».  « Je trouve que c’est une excellente idée d’aller dans ces territoires qui sont pour nous très lointains mais qui sont quand-même la France », renchérit une autre.

Au mur, il y a là Murphy, qui vient de Ponerihouen et qui travaille dans la mine de nickel du Cap Bocage dans la Province nord. Simane, le slameur de la tribu de Wé qui dirige des stages de hip hop à Nouméa dans lesquels il mélange culture kanak et cultures urbaines. Romain de la tribu de Kejeny, qui brandit fièrement un fusil d’une autre époque, lui qui pourtant chasse la roussette au lance-pierres. Ou encore Cedela qui a abandonné l’école et qui reste au squat de Kawati pour s’occuper des champs et de ses grands-parents installés ici depuis 1994. Chacune des photos est légendée et raconte une histoire. Le photographe marseillais parle avant tout de rencontres.

Vue de l'exposition du photographe Patrice Terraz à La Friche de la Belle de mai à Marseille.

Une commande artistique du CNAP

Tout est parti en fait d’une commande artistique lancée en octobre 2016 par le ministère de la Culture et de la Communication et pilotée par le CNAP, le Centre national des arts plastiques. Quinze photographes sont alors invités à questionner le thème de « La jeunesse en France ». Patrice Terraz est le seul à proposer de partir Outre-mer. « Je travaillais déjà sur ce thème de la jeunesse depuis 3 ou 4 ans, précise le photographe. J’avais travaillé avec des élèves d’un lycée professionnel difficile du côté de Perpignan. J’avais également participé au Festival l’œil urbain à Corbeil-Essonnes avec des jeunes de banlieue. Quand cet appel à projets est arrivé, j’ai trouvé intéressant d’aller voir les jeunes en Outre-mer et de partir en Nouvelle-Calédonie à la rencontre des jeunes Kanak. »

Avec sa bourse, le Marseillais s’envole donc pour le Caillou où il a un contact. Il passera finalement cinq semaines dans les tribus de Lifou et d’Ouvéa à promener son regard et multiplier les photos. « C’est ce qui est magique là-bas, explique Patrice Terraz. Quand on a fait le bon chemin et qu’on respecte la coutume, toutes les portes s’ouvrent et tu es accueilli comme si tu faisais partie de la tribu ». Et partout, les jeunes se prennent au jeu. « On découvre une jeunesse aux antipodes des clichés qui la plombent. Quand je leur ai demandé ce qu’ils voulaient mettre en avant, ils m’ont tous répondu : notre culture, notre culture et notre culture ! »

Le jeune Jérémy, bras levés en signe de victoire.

Un album de 400 photos

Dans son petit studio, dans le quartier du Panier à Marseille, Patrice Terraz ouvre grand son album souvenir : 400 photos au total, classés dans son ordinateur, où l’on découvre au quotidien cette « jeunesse tribale » qui l’a véritablement impressionné. «  A mon avis, ils ont beaucoup à nous apprendre. Ils sont conscients de l’importance de leur culture. L’igname, les gestes coutumiers, le travail de la terre ou le lien avec l’environnement, on a beaucoup échangé là-dessus. » Le photographe s’arrête sur la photo de Jérémy, les bras levés en signe de victoire au cœur du lagon, avec un t-shirt aux couleurs de la Kanaky. « Il a étudié dans l’Hexagone mais après quelques années, il a voulu rentrer au pays pour cultiver les champs, parce que sa place est dans sa tribu comme il dit. » Des jeunes qui, curieusement, parlent peu des grandes échéances politiques pour le territoire.


Patrice Terraz a publié sur son site internet un portfolio dans lequel il dévoile d’autres photos de son périple. Aujourd’hui, il souhaiterait néanmoins donner plus de visibilité à ses photos. « Choisir seulement 10 clichés, cela a été une vraie souffrance car il y a tellement d’autres choses à montrer. J’aimerais bien exposer là-bas ou en faire un livre, pourquoi pas. » Pour donner, dit-il, une autre image de cette jeunesse Kanak qui, en cette année du référendum, porte en elle une partie de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

©la1ere