Famille, Bleues, racisme… Wendie Renard se livre dans son autobiographie [ENTRETIEN]

Wendie Renard publie ce mercredi son autobiographie, Mon étoile. Treize fois championne de France et avec six ligues des champions à son palmarès, la footballeuse martiniquaise se livre sur son parcours. Outre-mer la 1ère l'a rencontrée, entretien. 
Avec treize titres de championne de France, six ligues des champions et plus de cent sélections en équipe de France, il n'y a plus à présenter Wendie Renard sur le plan sportif. Aujourd'hui, c'est donc le volet intime de sa jeune vie que la défenseuse martiniquaise livre dans une autobiographie intitulée Mon étoile, publiée aux éditions Talent Sport. Une vie faite d'obstacles, elle le reconnaît, mais pleine de persévérance et de foi. C'est ce parcours qu'elle a souhaité raconter avec l'envie de passer un message aux jeunes générations. 
 

Dans le salon de l'hôtel parisien où nous la rencontrons, la footballeuse a d'ailleurs tout d’une jeune femme de 29 ans. Un petit pull noir, un jean gris et une paire de basket d'un styliste américain. "J'adore les baskets depuis toute petite". Polie et discrète : "Je ne suis pas quelqu'un qui aime parler de sa vie", nous dit-elle d'emblée. Lorsque plusieurs éditeurs la contactent au début de l'année, à l'aube de la Coupe du monde 2019, pour écrire son autobiographie, c'est non. "Je me suis dit 'mais je suis en plein dans ma carrière', c'était assez surprenant. Puis j'ai réfléchi et ils ont m'ont convaincue en me disant que mon parcours était beau et que ça pouvait aider beaucoup de jeunes."

Wendie Renard travaille avec deux journalistes pour écrire, choisir les histoires à raconter : les "swé" ("suées", petits matchs entre copains, NDLR) sur le parking au Prêcheur au Martinique, la première licence en club à l'Essor Préchotin puis au RC Lorrain, le stop et les fins de nuit passées sur le perron du Pôle du François, le premier échec au centre de formation de Clairefontaine puis l'arrivée à l’Olympique Lyonnais, jusqu'à la Coupe du monde 2019 avec ses exploits et ses déceptions… 
 

Corinne Diacre

Des réussites, beaucoup, et des échecs comme la relation avec la sélectionneuse de l’équipe de France Corinne Diacre. Forte tête voire "fouteuse de merde", tout a été dit sur la jeune femme née à Schœlcher et sur l'inimitié entre elle et la sélectionneuse
 

"Les gens ne vous connaissent pas et ils vous jugent", commente Wendie Renard. Dans le livre, elle raconte avoir "beaucoup souffert de son désaveu et de sa brutalité". Lors du premier rassemblement de 2018 pour l'équipe de France, Wendie Renard décide donc de simplement serrer la main de la coach. 
 

"Je suis passée à autre chose, mais c'est une histoire qui fait partie de ma carrière", résume-t-elle aujourd’hui. "J'aime mon pays, j'aime le maillot bleu, je l'ai toujours défendu, je l'ai toujours mouillé, donné le maximum et je continuerai à le faire.
 

Fierté

De ce parcours parfois difficile, Wendie Renard dit  : "J'ai fait avec ce que j'avais et si c'était à refaire, je le referai." Elle se dit “fière”, d’elle, de ses sœurs, de sa mère. "C’est mon modèle, elle est tout pour moi. Après la mort de mon père, elle a tout fait pour nous. Financièrement ce n’était pas facile mais c’était la première, s’il y avait des titiris (petits poissons martiniquais), à les pêcher pour les vendre après le boulot". 
 
Wendie Renard avec sa mère, Marie-Héléna, son père, Georges, décédé en 1998, et sa sœur Laurie.
 

"Elle est belle notre Martinique !"

À la Martinique, "on ne vit pas sur l’or mais on a une richesse formidable", dit-elle. "T’as pas de quoi acheter des trucs à manger ? Tu vas à la pêche, tu prends un fruit à pain, une igname et ça y est tu manges. Je me rends compte de la beauté de notre île, de notre richesse", confie-t-elle avant de conclure dans un grand sourire : "Elle est belle notre Martinique !". 

Une Martinique omniprésente dans son livre, des souvenirs d’enfance jusqu’aux expressions créoles qu’elle distille dans ses récits. "C’est normal, c’est moi en fait", répond Wendie Renard. Une langue "forte", dit-elle, "une partie de moi-même" : "Quand je suis arrivée ici, ça me manquait un peu. Même avec ceux qui me parlaient créole, c’était français, français, français tout le temps parce qu’au pays, on n’avait pas le droit de parler aux grandes personnes en créole". Petit à petit, avec ses coéquipières antillaises comme Émelyne Laurent, Laura Georges ou encore Élodie Thomis, sa langue s’est déliée pour se réapproprier le créole. 
 

Racisme

Quitte à recevoir des blagues sur son accent créole, parfois pesantes mais qui "passaient au-dessus". Jusqu’en juin 2019 où les moqueries deviennent des remarques racistes lors du match France-Norvège en Coupe du monde.
 

Pour un but marqué contre ton camp, on te compare à un singe. Tu te dis que ce n’est pas possible. Tout ça parce que je suis métisse, parce que mes cheveux sont crépus, on me compare à un singe. On perd la tête ! C’est pas facile mais tout ça me renforce.

 
Wendie Renard ajoute : "Pour moi il n’y a pas de couleur ou de religion, chaque personne est libre de faire ce qu’elle a envie de faire. Il faut se respecter comme on est, mutuellement. Partager et aider, il faut y croire et toujours se battre. Il y a toujours des choses négatives mais il faut essayer de les tourner en positif pour ouvrir les yeux et repartir au boulot."

Et le boulot, justement ?  "Gagner, gagner encore", lance-t-elle en éclatant de rire, confiant "ne jamais être rassasiée". "Je veux laisser une trace et pour ça, il faut continuer à être au top. On verra l'avenir !"

Retrouvez l'entretien avec Wendie Renard :