Paul est un comédien méconnu, qui vivote de son art. Mais il a une botte secrète, sa ressemblance avec Mouammar Kadhafi. C’est ainsi qu’un jour il se voit proposer le rôle de sa vie : jouer son sosie libyen sur scène.
"Moi, Kadhafi"
Paul est joué par Serge Abatucci, qui dirige le centre dramatique de Saint-Laurent du Maroni, en Guyane. S’il se retrouve à jouer Paul au festival d’Avignon, c’est que sa propre ressemblance avec Kadhafi est à l’origine de la pièce de théâtre.
[Le metteur en scène] Alain Timar voulait qu’on monte un projet ensemble. Un jour il me dit "ça y est j’ai trouvé le projet : vie et mort d’un tyran". Ensuite, il fallait trouver quelqu’un pour écrire. Quelques années avant, Alain avait travaillé avec Véronique Kanor, quand il a proposé Véronique, j’ai dit : "c’est top !"
Serge Abatucci
L’autrice martiniquaise travaille dans un premier temps sur la biographie de Mouammar Kadhafi, mais le texte n’est pas concluant. C’est alors que lui vient l’idée de déplacer son regard vers les Antilles.
Partir de moi, de mes terres créoles et de mes sentiments de personne descendant d’un peuple colonisé
Véronique Kanor
L’Antillais dénigré
Paul l’Antillais voit en Kadhafi l’icône anti-impérialiste s’opposant aux forces occidentales. L’image du leader libyen, défenseur des peuples opprimés parle à sa fibre d’homme colonisé. Jouer son idole sur scène lui permet de crier sa colère de citoyen d’un pays qui ferait peu cas des habitants de ses terres lointaines.
Comme Paul, Serge Abatucci a admiré Kadhafi : "à un moment donné, comme beaucoup de jeunes de ma génération, à 16, 17 ans, Kadhafi c’était notre idole, parce que c’était l’image de la décolonisation, du fédérateur, du panafricanisme."
Le regard critique ?
Le personnage de Paul joue Kadhafi et déploie sa colère au point de se confondre avec son idole. La pièce, dont le point de départ s’appuie sur un ressort dramaturgique original, jette un regard résolument admiratif sur la vie du leader libyen. Peu d’allusions, par exemple, à son rôle de dictateur vis-à-vis de son peuple, et l’homme connu pour son harem d’esclaves sexuelles y est qualifié avec grande indulgence de "baiseur sans morale". Au lieu du double portrait d’un Kadhafi leader versus un Kadhafi tyran, le personnage de Paul, son interprète et l’autrice, choisissent résolument leur camp. Sans doute pour mieux éclairer leur propos.