Lors du procès des attentats de Charlie Hebdo, de Montrouge et de l'Hyper Cacher qui ont secoué la France en janvier 2015, Peter Cherif était apparu en visioconférence, depuis sa prison. "On m'a forcé à venir ici pour une affaire à laquelle je n'ai rien à voir, je ne répondrai à aucune question", avait-il alors lâché devant la cour d'assises spéciale de Paris, juste après avoir récité des passages du Coran comme le rapportait Franceinfo dans son compte-rendu d'audience. Mutique, l'homme, qui était alors interrogé en tant que simple témoin, avait repris la direction de sa cellule, sans permettre à l'audience d'avancer.
Cette fois-ci, Peter Cherif, aujourd'hui âgé de 42 ans, verra la salle d'audience sous un autre angle. Celui de l'accusé. À partir de lundi 16 septembre, et pour une durée de trois semaines, ce vétéran du djihad international doit comparaître devant la cour spéciale, où sont examinées les affaires liées au terrorisme. Il est jugé pour "association de malfaiteurs terroriste", et notamment pour son rôle dans l'organisation de l'attaque contre Charlie Hebdo, dont on marquera bientôt les dix ans.
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Son père, Guadeloupéen, est mort lorsqu'il avait 14 ans
L'histoire de Peter Cherif est trouble. Il est né en 1982 à Paris. Sa mère est d'origine tunisienne. Son père, lui, est Guadeloupéen, confirme une source judiciaire à Outre-mer la 1ère. On sait très peu de choses sur lui, si ce n'est qu'il est décédé dans un accident de voiture lorsque Peter avait 14 ans.
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La "filière des Buttes-Chaumont"
Peter Cherif grandit dans le nord-est parisien. Dans son entourage, on compte les frères Kouachi, responsables des attaques de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 (qui ont fait 12 morts) et de la prise d'otage dans une imprimerie de Dammartin-en-Goële deux jours plus tard. Selon le journal Libération, les jeunes hommes se radicalisent ensemble, autour de Farid Benyettou, un ancien prédicateur. Ils formèrent ce qu'on a appelé la "filière des Buttes-Chaumont", du nom de ce célèbre parc du 19ᵉ arrondissement de Paris.
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L'arrestation en Irak, le premier procès en France
En 2004, Peter Cherif quitte la France pour l'Irak, en plein essor du terrorisme islamiste international. Rapidement, il est arrêté par les forces américaines à Falloujah, pas loin de la capitale irakienne, Bagdad. "[Peter] Cherif a été blessé à deux reprises en combattant les Marines américains à Falloujah, où il a aidé un combattant tunisien à tirer un lance-roquettes", rapporte un document du Conseil de sécurité de l'ONU, qui a placé le Français sous sanctions internationales en 2015.
Le jeune d'origine guadeloupéenne est jugé et condamné à 15 ans de prison à Bagdad en 2006. Il parvient néanmoins à s'échapper après une attaque d'Al-Qaïda sur la prison où il était détenu. Peter Cherif prend alors la direction de la Syrie voisine, où il est arrêté et extradé vers la France en 2008.
À son arrivée, il est placé un temps en détention avant d'être relâché en attente de son procès pour "association de malfaiteurs terroristes". "Le contexte sécuritaire et les usages juridiques sont alors radicalement opposés à ceux que nous connaissons aujourd'hui", convient Libération dans son article.
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L'attaque de "Charlie Hebdo"
L'homme comparaît libre lors de son premier procès français, en janvier 2011. Mais, juste avant le verdict – cinq ans d'emprisonnement –, Peter Cherif décide de quitter le pays et s'envole pour le Yémen, rappelle Franceinfo. Loin de la figure du djihadiste repenti qu'il a voulu montrer lors de son jugement, il continue son djihad et devient un intermédiaire entre Al-Qaïda et les islamistes français. Il recrute son ami d'enfance, Chérif Kouachi, et un autre djihadiste, Salim Benghalem, qui le rejoignent. Il leur présente alors un prédicateur, Anwar al-Aulaqi.
C'est là-bas, au sein de la filière yéménite d'Al-Qaïda, que se prépare l'attaque du journal satirique Charlie Hebdo. Chérif Kouachi, revenu en France, et son frère, Saïd, mènent l'assaut dans les locaux de l'hebdomadaire le 7 janvier 2015, décimant une partie de la rédaction. Le lendemain, la policière martiniquaise Clarissa Jean-Philippe est assassinée par Amedy Coulibaly, un autre djihadiste. Celui-ci prend ensuite en otage plusieurs personnes dans un hypermarché casher de l'est parisien. Les attaques de janvier 2015 ont fait 17 morts et plusieurs blessés.
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Nouveau procès
Resté sept ans au Yémen, Peter Cherif, devenu papa de deux enfants nés en 2014 et en 2015, quitte la péninsule arabique en 2018 pour Djibouti, un petit pays africain coincé entre l'Érythrée, l'Éthiopie et la Somalie. Mais, là-bas, le djihadiste est interpellé et remis aux autorités françaises.
Emprisonné depuis en région parisienne, il nie toute implication dans les attentats parisiens. "Je n'étais pas au courant. Je l'ai dit mille fois aux policiers", a-t-il expliqué lors d'un interrogatoire en juin 2021 indique Franceinfo. Arrêté tardivement, il n'a pas pu être jugé en même temps que les 14 autres accusés de complicité dans les attentats de janvier 2015, dont le procès s'est tenu à Paris entre septembre et décembre 2020. Pendant trois semaines, il sera donc jugé seul devant la cour d'assises spéciale de Paris.
En plus de son rôle dans les attentats de Charlie Hebdo, Peter Cherif est aussi accusé d'avoir retenu en otage trois humanitaires français de l'ONG Triangle Génération humanitaire entre le 28 mai et le 13 novembre 2011, précise Le Monde. Le Guadeloupéen désormais face à la justice française encourt la perpétuité.