Une flambée massive de dengue est à craindre à La Réunion selon l’IRD

La Réunion connaît actuellement un nombre de cas de dengue inquiétant selon l'Institut de Recherche pour le développement. Cette situation fait penser au début de l'épidémie de chikungunya en 2005-2006. L'hiver austral n'a pas stoppé la transmission de la dengue comme c'est le cas d'habitude. 
La Cellule de l'Institut de veille sanitaire Océan Indien (CIRE) vient d’annoncer une phase d’alerte épidémique et déclenche le niveau 2B du plan ORSEC de lutte contre les arboviroses. La dengue à La Réunion semble bien plus coriace que d’habitude. Les moustiques tigres (Aedes albopictus) et Aedes aegypti qui transmettent ce virus ont bien du mal à être combattus.

Même niveau que le chikungunya

"Depuis le 1er janvier 2018, on compte déjà 324 cas de dengue alors qu’en 2017 on en a recensé 418 (dont 9 cas importés). L’hiver austral n’a donc pas stoppé l’épidémie comme il le fait d’habitude et on se trouve dans un niveau de transmission qui rappelle l’épidémie de chikungunya en 2005-2006", explique Frédéric Simard, chercheur à l’IRD à Montpellier.

Frédéric Simard, chercheur à l'IRD

Contrairement aux années antérieures, où le nombre de cas diminuait significativement à la fin du mois de décembre, des foyers de transmission de dengue se sont donc maintenus à l’ouest de l’île de La Réunion fin 2017.

Ils laissent craindre une crise épidémique majeure durant la saison pluvieuse, propice à l’augmentation de la densité des moustiques, vecteurs du virus", précise l’IRD dans un communiqué.


Echec du Dengvexia

Face à cette situation, La Réunion, tout comme le reste du monde, ne dispose pas de vaccin. Le laboratoire Sanofi avec son vaccin Dengvexia n’est pas parvenu à développer un traitement efficace contre les quatre souches de dengue simultanément.

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Face à l’absence de thérapies efficaces contre la dengue, la lutte contre le moustique demeure le moyen le plus efficace pour prévenir la transmission du virus. Plusieurs moyens existent, comme la protection individuelle contre les piqûres, l’élimination mécanique des gîtes larvaires ou l’application d’insecticides.


Des moustiques stériles

En plus de ces actions menées par le service de la veille et de la sécurité sanitaire de l’Agence de santé Océan Indien (ARS OI), de nouvelles méthodes de lutte sont en cours de développement par les laboratoires MIVEGEC (IRD, CNRS, Université de Montpellier), PIMIT (IRD, CNRS, INSERM, Université de La Réunion) et l’entreprise SymbioTIC.

"Il ne s’agit pas de lancer dans la nature des moustiques transgéniques. C’est une technique beaucoup plus rudimentaire, explique à La1ère Frédéric Simard. Nous élevons en laboratoire des moustiques de La Réunion. Nous sélectionnons les mâles que nous rendons stériles. La femelle moustique ne s’accouple qu’une seule fois dans sa vie. Ce qui rend notre technique très efficace car ces mâles stériles gênèrent après accouplement avec les femelles, des pontes non viables, anéantissant ainsi la descendance».

Sachant qu’une femelle moustique peut pondre dans sa vie jusqu’à 3000 œufs, la méthode peut en effet participer sérieusement à la lutte contre le vecteur de la dengue. Selon le chercheur de l’IRD cette technique a déjà fait ses preuves en agriculture et a permis de lutter efficacement contre la mouche des fruits en Amérique latine.

Aedes Aegypti et le moustique tigre

La terre compte 3500 espèces de moustiques dont 4 sont particulièrement dangereuses pour l’homme. Aedes Aegypti, ce moustique qui vient d’Afrique, a envahi le monde avec le commerce triangulaire. C’est le vecteur le plus efficace de la dengue. "Il se porte de mieux en mieux à La Réunion", souligne Frédéric Simard.

Le moustique aedes aegytpi est le vecteur de la dengue

"Par son nombre, le moustique tigre reste toutefois l’ennemi numéro 1", ajoute-t-il. "Il vient d’Asie et a débarqué à La Réunion il y a une centaine d’années. Il est devenu le deuxième vecteur de la dengue".

Moustique tigre

Des insectes résistants

Les insecticides ont longtemps permis de lutter contre les moustiques, mais les insectes sont devenus de plus en plus résistants à ces produits qui ont par ailleurs des conséquences néfastes pour l’environnement.

Plus de 100 pays, regroupant un quart de la population mondiale, sont considérés à risque d’épidémie de dengue.