Fret : vers un divorce entre Air France-KLM et CMA CGM

Les deux groupes ont annoncé la fin des accords signés entre eux en mai 2022. À partir de la fin mars 2024, chaque groupe opèrera "de manière indépendante".

Fin du partenariat dans le fret, sortie du conseil d'administration : moins de deux ans après la publication des bans, un divorce se profile entre Air France-KLM et CMA CGM, même si l'armateur reste pour l'instant le troisième actionnaire du groupe aérien. Officialisée mardi dans deux communiqués aux termes identiques, la fin surprise des accords entre les deux entreprises a été justifiée par "un environnement réglementaire contraint sur certains marchés importants (qui) n'a pas permis à la coopération de fonctionner de manière optimale".

Lorsque ce "partenariat stratégique" avait été révélé, le 18 mai 2022, l'attelage semblait pourtant cohérent entre un logisticien sorti les poches pleines du Covid-19, grâce au renchérissement des tarifs du fret, et un groupe aérien très affaibli par la fermeture des frontières pendant la pandémie. Outre la participation du groupe dirigé par Rodolphe Saadé au capital d'Air France-KLM, à hauteur de 9%, lors de la deuxième recapitalisation de l'entreprise, les accords prévoyaient une exploitation commune par les deux sociétés des appareils tout cargo de leurs compagnies respectives.

Mais dans leur communiqué mardi, Air France-KLM et CMA CGM ont fait part de leur décision de "mettre fin aux accords existants le 31 mars 2024", date à partir de laquelle "chaque groupe opèrerait de manière indépendante". "Les deux groupes restent déterminés à travailler en collaboration, afin que les clients du cargo puissent continuer à bénéficier de leurs réseaux respectifs", ont-ils assuré.

De source proche du dossier, il s'agit d'une décision conjointe, à l'amiable, résultant de l'impossibilité pour les entreprises de parvenir à l'un des principaux objectifs de leur partenariat: exploiter sous la même bannière des services de transport de fret vers les Etats-Unis.

Fin de la surchauffe

Il aurait fallu pour cela que l'administration américaine donne son feu vert à l'intégration de CMA CGM Air Cargo, la compagnie aérienne de CMA CGM, à l'alliance commerciale réunissant déjà Air France-KLM, Virgin Atlantic et Delta dans le domaine du fret.
Or, le contexte actuel de tensions commerciales entre les deux côtés de l'Atlantique n'est pas favorable à l'attribution d'une telle "immunité anti-trust", selon cette source. Conséquence de ce détricotage, CMA CGM Air Cargo et Air France-KLM vont à nouveau se retrouver en concurrence, et selon la source proche du dossier, il est logique que l'armateur quitte le conseil d'administration du groupe aérien. Cette sortie sera effective le 31 mars prochain.

L'entrée de Rodolphe Saadé au conseil avait été entérinée fin mai 2022 en assemblée générale, et c'est actuellement le directeur financier Ramon Fernandez qui y siège.
CMA CGM est le troisième actionnaire d'Air France-KLM, après l'Etat français (28,6%) et l'Etat néerlandais (9,3%). Les accords de 2022 prévoyaient que CMA CGM resterait au capital au moins jusqu'au 15 juin 2025, et ne pourrait pas renoncer à plus de la moitié de ses actions avant le 15 juin 2028. La sortie totale de l'armateur du groupe aérien est désormais possible dès le 28 février 2025, selon le communiqué mardi.

De source proche du dossier, cette modification des termes ne préfigure pas forcément une fin programmée de la participation de CMA CGM au capital d'Air France-KLM. Dopés pendant la pandémie à la suite de la désorganisation des chaînes logistiques, les tarifs du fret longue distance se sont normalisés ces derniers mois, qu'il s'agisse du maritime ou de l'aérien.

Selon l'Association internationale du transport aérien (Iata), principale association de compagnies, le chiffre d'affaires mondial du fret aérien devrait atteindre 111 milliards de dollars en 2024, contre 210 en 2021, encore supérieur toutefois aux 101 milliards de 2019.
La crise sanitaire a eu des effets diamétralement opposés sur les fortunes de CMA CGM et d'Air France-KLM: l'armateur a dégagé en 2021 et 2022 des bénéfices nets cumulés de plus de 40 milliards d'euros, tandis que le groupe aérien a subi des pertes de plus de 10 milliards d'euros entre 2020 et 2021, avant de revenir aux bénéfices en 2022.