Une étude publiée dans la revue Nature démontre que le métissage des populations du Pacifique Sud est source de mutations bénéfiques qui leur ont permis de mieux s’adapter à leur environnement et de mieux résister aux maladies infectieuses. Et peut-être même au Covid-19.
Les Wallisiens et Futuniens, Néo-Calédoniens, Polynésiens, ou autres habitants de Papouasie-Nouvelle Guinée et du Vanuatu seraient-ils mieux armés pour faire face aux maladies?
C’est en tout cas ce que tend à montrer une étude publiée dans la revue Nature du 14 avril 2021 qui permet de mieux comprendre la diversité génétique des populations du Pacifique. Et à partir de là, la façon dont ces populations se sont adaptées génétiquement à leur environnement, et notamment aux "pathogènes” que sont les virus et autres bactéries.
320 individus, 20 populations différentes
Alors que la grande majorité des études génétiques se focalisent sur les populations d’origine européenne qui ne représentent que 16 % de la population mondiale, une équipe internationale de chercheurs de l’Institut Pasteur, du Collège de France et du CNRS s’est intéressée aux populations peu étudiées du Pacifique Sud.
Grâce au séquençage du génome de 320 individus représentant 20 populations différentes, les scientifiques ont pu reconstituer de quelle façon ces populations humaines se sont adaptées aux îles du Pacifique. Et voir ainsi quelles sont les conséquences sur leur état de santé actuel. L’étude revient aussi sur l’origine du peuplement de la région.
Peuplement de l’Océanie lointaine il y a environ 5000 ans
Les chercheurs ont d’abord pu dater le peuplement par l’Homme des différentes îles de l’Océanie proche à environ 45 000 ans, confirmant les hypothèses archéologiques. Ils indiquent également que ce peuplement initial a été suivi par une période d’isolement génétique entre îles. "Nos résultats confirment les capacités précoces de l’Homme à traverser l’océan pour rejoindre de nouvelles terres, mais suggèrent également que ces voyages maritimes n’étaient, à cette époque reculée, pas si fréquents", explique dans un communiqué Etienne Patin, chercheur CNRS au sein de l’unité Génétique évolutive humaine à l’Institut Pasteur.
Concernant l’Océanie lointaine- Vanuatu, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française, le peuplement arrive plus tard : il y a 5000 ans, des hommes, partis de Taïwan, sont passés par les Philippines, puis par les îles déjà habitées de l’Océanie proche, pour enfin peupler, pour la première fois, l’Océanie lointaine.
Un brassage entre Néandertals et Dénisoviens
Cette étude démontre surtout que ces populations ont toutes des gênes de deux espèces disparues : l’homme de Néandertal et l’homme de Denisova. En effet, ces travaux ont permis de calculer le pourcentage de l’héritage néandertalien et dénisovien dans ces populations du Pacifique Sud. "Nous avons été surpris de constater que, contrairement à l’héritage néandertalien, très homogène entre les vingt populations étudiées (environ 2,5 %), l’héritage de l’Homme de Denisova varie considérablement entre populations : de presque 0 % à Taiwan et aux Philippines et jusqu’à 3,2 % en Papouasie-Nouvelle-Guinée et au Vanuatu (Océanie lointaine)", commente Lluis Quintana-Murci, professeur du Collège de France et responsable de l’unité Génétique évolutive humaine. Etienne Patin ajoute : “Nous ce qu’on voit à partir du génome des populations du Pacifique sud, c’est que l’homme de Denisova s’est métissé avec l’homme moderne à au moins quatre occasions avec des proportions différentes entre 0% et plus de 3%”.
Un métissage bénéfique
En effet, l’étude confirme que l’héritage néandertalien est à l’origine de mutations bénéfiques, comme la couleur de la peau, le métabolisme, ou le développement neuronal. Mais comme le souligne Lluis Quintana-Murci, ce qui est intéressant, c‘est que l’homme de Denisova a presque exclusivement contribué à des mutations associées à la réponse immunitaire”. Il ajoute :
Grâce au métissage de ces populations avec l’homme de Denisova, ces populations du Pacifique ont acquis des mutations qui leur ont permis de mieux résister aux maladies infectieuses.
Peut-être un atout face au Covid
Ces maladies,“cela peut être la grippe, et cela pourrait aussi être le Covid”, note le chercheur. “D'ailleurs, il y a des relations directes entre le pourcentage de Néandertal dans le génome et la protection contre le Covid-19”, ajoute-il. Mais rien de scientifiquement prouvé pour l’heure.
En résumé, cette étude publiée dans la revue Nature démontre que ce brassage a été un réservoir de mutations avantageuses qui a permis aux populations du Pacifique de mieux survivre aux pathogènes locaux. “Le métissage que ce soit entre populations humaines ou d’autres formes humaines comme le Neandertal ou le Denisovien, c’est toujours une source de mutation bénéfique qui nous aide à mieux survivre”, conclut, tout simplement, Lluis Quintana-Murci.
Vous pouvez retrouver l'intégralité de l'étude ci-dessous :