Haïti : neuf morts dont deux adolescentes dans l'attaque d'un gang, les vols américains interdits jusqu'en mars

Un véhicule brûlé par des gangs armés dans la zone de Poste Marchand à Port-au-Prince, la capitale de Haïti, le 10 décembre 2024.
La situation est toujours tendue en Haïti où neuf personnes ont été tuées, dont deux adolescentes, au cours de l'attaque d'un gang mardi dans une commune au nord de Port-au-Prince. En parallèle, l'interdiction de survol de la capitale par les avions civils américains a été prolongée de trois mois. Petite lueur d'espoir dans ce chaos : la reprise partielle des activités médicales de MSF.

Haïti toujours plongé dans une spirale infernale d'instabilité et de violences. Neuf personnes ont été tuées, dont deux adolescentes, au cours de l'attaque d'un gang mardi 10 décembre dans une commune au nord de la capitale Port-au-Prince, a rapporté une association du pays.

Des images de cadavres ont circulé tôt ce mercredi matin sur les réseaux sociaux et provoqué l'indignation des internautes.

"Vers les 8 h du soir, les riverains ont rapporté des coups de feux dans la zone. Les bandits ont envahi deux quartiers" de la commune de Petite-Rivière-de-l'Artibonite, a raconté Bertide Horace, porte-parole d'une association communautaire de la région, désignant les membres du gang "Gran grif" qui sont également accusés d'avoir tué plus de 100 personnes début octobre, dans la localité de Pont-Sondé.

"On a pu dénombrer, pour le moment, neuf cadavres. Les malfrats ont eu le temps d'enlever plusieurs personnes avant l'arrivée de la police", a ajouté Bertide Horace, signalant une dizaine de maisons incendiées.

Représailles contre la population

Cette attaque survient après l'annonce il y a quelques jours par la police haïtienne de la reprise en main de cette zone, avec l'appui de la mission multinationale menée par le Kenya. Selon la porte-parole associative, cette attaque est perçue comme une volonté de représailles à l'encontre de la population qui aurait apporté son soutien aux forces de l'ordre.

La violence des gangs, déjà endémique en Haïti, s'aggrave depuis des mois. Ces groupes armés, accusés de nombreux meurtres, viols, pillages et enlèvements contre rançon, avaient décidé en début d'année d'unir leurs forces pour renverser le Premier ministre Ariel Henry.

Malgré l'arrivée au pouvoir d'un nouveau Premier ministre, Alix Didier Fils-Aimé, en novembre et le déploiement d'une mission multinationale d'appui à la police haïtienne, menée par le Kenya et soutenue par l'ONU et les États-Unis, les violences s'intensifient.

Au moins 184 personnes ont été tuées ce week-end près de la capitale Port-au-Prince, selon les Nations unies, au cours d'exactions ordonnées par un "puissant chef de gang" contre des "pratiquants du culte vaudou" d'après une ONG locale.

Interdiction des vols prolongée

Dans ce contexte, le régulateur américain de l'aviation (FAA) a annoncé ce mercredi 11 décembre la prolongation pour trois mois de l'interdiction de survol de Port-au-Prince par les avions civils américains, après une interdiction totale décidée il y a un mois.

Mi-novembre, les États-Unis avaient en effet décidé d'interdire pour un mois tout vol civil vers Haïti, à la suite de tirs essuyés par trois avions des compagnies aériennes américaines, American Airlines, JetBlue et Spirit Airlines. Un membre d'équipage de cette dernière avait été légèrement blessé.

Ces tirs avaient provoqué la fermeture de l'aéroport Toussaint-Louverture d'Haïti. Celui-ci a officiellement rouvert ce 10 décembre, les services du Premier ministre du pays assurant que la sécurisation a été renforcée et les routes réhabilitées.

Pas suffisant visiblement pour la FAA. Même si elle avait rouvert partiellement l'accès au ciel haïtien le 20 novembre, elle a prévenu qu'un nouveau message aux compagnies aériennes allait être publié jeudi interdisant "le survol en dessous de 10.000 pieds de certaines zones de Haïti jusqu'au 12 mars 2025", précisant à l'AFP qu'il s'agissait de la région de Port-au-Prince.

Reprise partielle pour MSF

Petite lueur d'espoir néanmions : ce même mercredi, l'ONG Médecins Sans Frontières (MSF) a annoncé "la reprise partielle" de ses activités médicales dans la capitale haïtienne, après 22 jours de suspension à la suite de "violences et menaces de la police".

"La reprise est rendue possible grâce à un dialogue constructif avec les parties prenantes, qui a conduit à l'engagement des autorités auprès d'MSF pour garantir le respect de nos équipes et de notre mission médicale", écrit, dans ce communiqué, l'ONG.

"Le transport de patients en ambulance et les services de l'hôpital de Turgeau restent suspendus jusqu'à nouvel ordre, compte tenu de l'instabilité sécuritaire actuelle", prévient néanmoins MSF.La reprise des activités concerne trois hôpitaux et une clinique de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, précise l'ONG. 

Exécution de deux patients

"Ces trois dernières semaines ont été particulièrement douloureuses, explique Jean-Marc Biquet, le chef de mission de MSF en Haïti. Nous avons dû suspendre l'admission de nouveaux patients tout en sachant que de nombreuses personnes n'avaient pas accès aux soins dont elles avaient désespérément besoin", poursuit-il, cité dans le communiqué de l'ONG.

"La gravité des attaques contre le personnel et les ambulances de MSF avait rendu cette mesure inévitable", a fait savoir l'organisation humanitaire.

L'ONG avait dénoncé en novembre l'"attaque" d'une de ses ambulances par "des forces de l'ordre et des membres d'un groupe d'autodéfense" qui avait entraîné "l'exécution d'au moins deux patients et l'agression du personnel médical". "La semaine qui a suivi, des policiers ont arrêté à plusieurs reprises des véhicules MSF et menacé directement le personnel, incluant des menaces de mort et de viol", dénonçait-elle encore.